De sombres soirs

Boiserad

Sais-tu ce que c'est que d'avoir peur ?

    Le soleil se couche sans que tu ne l'ait vu aujourd'hui. Ton visage est balayé par une lumière blafarde qui te donne l'air un peu plus seul. Les draps sont froids et les heures qui passent n'apportent aucune chaleur. L'obscurité se densifie, l'air devient lourd, ton corps se raidit.

    C'est alors que je suis là pour te cueillir dans la pénombre de ton chagrin ; tu ne dormiras pas ce soir. Le jour a disparu et a emporté au loin ses fragiles illusions. La nuit est tombée avec certitude sur les mirages que tu te dessines quand le soleil brille. Tu inondes la pièce de tes larmes et bientôt la mare sera suffisamment large pour que tu t'y noies et pour que l'accablement emporte ta vie avec soi. Alors tu fermes les yeux pour trouver du réconfort, de la sécurité mais tu ne rencontres que la peine qui habite tes songes en permanence. C'est les paupières closes que tout te revient par flashs. Du sang coule des murs, des regards macabres te sillonnent, tu ressens à nouveau la pression sur ta poitrine, les vas et viens et la violence entre tes reins. Les sensations sont aussi fraîches que si elles étaient neuves. A nouveau, le piège se referme sur toi et t'emprisonne en son sein. Tu retiens ton souffle pour retrouver de la réalité dans tes perceptions mais tu es incapable de démêler le vrai du faux, le réel de l'irréel, le présent du passé. Tes souvenirs s'entrelacent et perturbent la vérité que tu te tentes de te créer en vain. Tu renonces et tu ouvres à nouveau les yeux pour retrouver la pièce où s'est écrit ton sordide destin. J'habite toute cette pièce et tout ton univers s'est imprégné de moi. Il n'y a pas d'issus : le monde s'arrête là, devant toi. Il n'y a rien d'autre pour toi que ces murs couverts d'un immonde papier peint. Rien d'autre que cela, et puis, il y a moi. La nuit est à son apogée et tout autour de toi est étrangement calme. Même la rue devant chez toi, cette artère assourdissante et infâme semble être morte elle aussi. Comme par un drôle de hasard qui n'en est pas un, car ce soir elle voulait jouer en chœur avec toi. Tu n'auras pas d'autre compagnon que moi pour te soustraire à la solitude de cette nuit. Je t'enrobe, je te submerge. Tu fais partie de moi et tu t'y résignes. Bientôt, tu ne lutteras plus et je t'aurai entièrement consumée. Ton cœur bouillonne et personne ne prête attention à ses lamentables supplications, pas même moi. Car après tout, je ne puis rien pour toi, je ne suis que l'horreur qui marche côte à côte avec toi.





  • Résonnances... réminiscences... quand le corps est bafoué, l'âme est blessée, parfois à mort... ça me parle, mais ça se soigne. Et des fois on guérit !
    magnifique texte criant de vérité.

    · Il y a environ 6 ans ·
    Lune nuages (3)

    -nicole-

    • Merci infiniment Nicole :)

      · Il y a environ 6 ans ·
      Me

      Boiserad

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