De Tony à Toni

Shudrack

De Tony à Toni. Discussion imaginaire avec Toni Morrison

Tony : c'est un hasard que nous portions le même prénom ?

Toni : I don't know, you are the youngest, you are the one that going to tell me if it's pure coincidence or what !

Tony : Je ne sais pas, je ne sais plus, cela fait tellement longtemps que je vous lis…alors vous parler maintenant…je ne sais pas si la première fois que j'ai ouvert un de vos livres c'était à cause de votre prénom Toni, ou alors si c'est à cause de la couverture qui montrait une "femme arbre" ou…

Toni : a tree woman !?

Tony : Oui la couverture de "the song of Solomon" était une femme noire, avec un afro et elle n'avait pas de mains mais des racines, comme un arbre…. 

Toni : how was it ? tell me more about you reading the first words, the first pages...

Tony : ce n'est pas comme s'il y avait eu un début, des premiers mots et des premières pages, je ne m'en souviens pas…

Toni : oh , bad news….

Tony : not so bad.... en fait je me suis immédiatement senti aspiré, étourdi, c'était un maelstrom, je l'ai lu comme on écoute un gospel, perdu au milieu de ces personnages et de toutes ces voix, je ne sais plus comment je suis rentré dans ce récit. Comme on écoute un gospel......captant parfois une voix spécifique qui sort du chœur et cherchant alors dans l'assemblée celui qui émet telle ou telle intonation.

Toni : why did you feel drawn into this story ?

Tony : j'ai été fasciné par cette quête mythique de l'histoire et de ces racines...histoire à laquelle je m'identifiais....je dévorais tous les bouquins, toutes les récits qui relataient l'histoire des Antilles. L'histoire de mes propres parents arrivés tous les deux à Paris à la fin de leur adolescence m'interrogeait sur moi même.

Toni : how ?

Tony : oui « how » …s'intéresser au comment plutôt qu'au pourquoi ? c'est ce que vous faites dans The « bluest eye », lorsque vous questionnez la nature humaine, pour comprendre comment elle permet à la beauté de détruire tous ceux qu'elle ne touche pas, ceux qu'elle n'a pas daigné embrasser, ceux qu'elle n'a pas irradié…. Elle vous laisse de côté, puis elle vous atomise...

Toni : Why have you decided to rename yourself with Tony Shudrack ?

Tony : A cause de Shadrack, j'ai juste changé une lettre… Ce nom vient de «Sula» votre essai. Shadrack est mon personnage préféré, celui qui invente la journée nationale du suicide.... manière de figer l'incertitude.

B E L O V E D, c'est le plus fort et le plus dur de vos romans. Je l'ai lu en français, en anglais, puis en français et à nouveau en anglais, à la recherche de toutes les subtilités, de tous les mots, de toutes les sensations qui peuvent être différentes d'une langue à l'autre. Le 124 était habité de malveillance et le « sourire sous le cou » de Beloved venait exiger l'amour qu'il n'avait pas eu. Une version de l'esclavage portée par un souffle de tragédie grecque…

Dans Home et dans A Gift, vous proposez des lectures plus faciles pour ceux qui voudraient vous découvrir. Des récits plus courts que Beloved ou Paradis, qui étourdissent moins mais qui donnent faim, ils vous laissent haletants…

En commençant votre dernier roman, «God bless the child», j'ai été troublé par l'époque à laquelle il se déroule, c'est-à-dire aujourd'hui. Vos romans illustrent toujours tellement cette recherche identitaire historique dans toute sa violence, dans son désir de retrouver son passé, de l'affronter et de le dépasser. Dès lors, comment raconter cela avec Bride et Booker des personnages de notre époque ? Puis j'ai compris que c'est leurs histoires personnelles abimées que ces deux là cherchaient à réconcilier.


Tony Shudrack Gréaux
août 2016
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