Débris

prejudice

-Bordel de merde... Qu'est-ce que tu fais ? 

La bouteille de tequila traverse la pièce et s'écrase à quelques centimètres de moi seulement. Il cri, me hurle dessus, peut-être bien qu'il hurle simplement, je n'arrive pas à le comprendre.

-Pardonne-moi…

C'est tout ce qu'il me répète… Il est mal en point. Je remarque directement l'entaille qu'il a à la main gauche, il a dû cogner quelque chose et j'en suis désolée, toujours par habitude, mais calmer sa douleur comme ceci me rappelle pourquoi je pars.

Ses bras sont tendus et chacun de ses muscles semble mobilisé, comme en soudaine tension. J'aimerais le prendre dans mes bras et le rassurer mais pour la première fois depuis longtemps je ressens de la peur. La peur de le perdre pour de bon. La peur de ne plus le reconnaître. Cette fois ça suffit. Je l'aime. Je l'ai aimé, si fort, mais il a merdé. Il a menti. Et je l'ai perdu si violemment que je crois ne jamais l'avoir posséder. Merde, je me mets à parler de possession, exactement comme lui. Il a tant déteint sur moi qu'il m'arrive d'oublier qui je suis. C'est essentiel que je parte.

 - Arrête putain arrête…, je cours vers lui pour qu'il se taise et cesse de déranger la rue toute entière, putain de réflexe à la con. Mon corps a peur. Mon esprit est totalement submergé.

Je sais ce qu'il va croire, que je reviens, que je vais lui pardonner, que je vais lui dire qu'il est tout, mon tout, sauf qu'aujourd'hui c'est différent. Je suis différente et lui, il n'est plus le même pour moi. D'ailleurs les larmes qui me montent aux yeux ne prouvent plus rien.

Il brise tout et je reste totalement imperturbable. Il me brise plus encore à chaque seconde où je suis près de lui. Les larmes ruisselantes m'empêchent de croiser son regard, il voit rouge et j'ai peur de ce nouvel inconnu. Qu'il aille se faire foutre lui et ses merdes. Il éclate le verre et je suis pieds nus. Je me mets à courir au milieu des éclats, comme pour fuir,  tandis qu'il s'agenouille à terre. Je ne prends même pas la peine de ramasser mes affaires, je ne respire plus. Une seule pensée m'obsède « Partir ». Il est pitoyable. Cet homme que j'aime est absolument pitoyable et j'essaie tant bien que mal d'étouffer cette culpabilité qui me ronge depuis toujours quand c'est lui. Cette fois-ci cela ne changera pas. Je ne peux pas me faire ça. Il pleure à son tour, de la morve coule de son nez, il ne contrôle plus... Qu'ai-je fait de lui ? Ou plutôt qu'a-t-il fait de nous ?

Je me demande si j'avais su, quels auraient été mes choix ? Au fond, est-ce que je le regrette ? Le devrais-je ?

C'est lui qui devrait avoir peur de me perdre, pas l'inverse. Dehors il fait chaud, le ciel est sombre. C'est une belle obscurité. Elle lui ressemble un peu. Je regarde ces étoiles que nous fixions autre fois mais je ne vois que des éclats. Sûrement ceux de mon cœur, brisé, dans la violence et le mensonge.

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