Dédain

Un hurlement enfantin se fait alors entendre.

Une femme enceinte du septième mois au moins s'arrête, intriguée, en plein milieu des gens à la station Père-Lachaise, en ce froid lundi de mars. C'est une touriste irlandaise à la crinière de feu, belle à crever et à faire naître la vie encore plus parfaite qu'elle si c'est possible. Habillé d'une robe ample bleu, petit sac rouge au bras et l'autre main posé délicatement sur son ventre. Un grand sourire, manucure parfaite, une beauté rayonnante. Non, une beauté livide.

Elle vient de repérer l'origine du cri en s'approchant doucement du rebord. Et sa voix se mêle au long vagissement de la toute petite fille tombé sur les rails en voulant récupérer son ballon. A côté d'elle, la mère de l'enfant, une bonne femme malgache, se met à gémir, longue plainte lancinante, bon sang ! Elle a tourné la tête à peine trois secondes. Trois toutes petites secondes pour répondre à sa sœur, une autre bonne femme accompagnée de quatre mioches plus ou moins grands, insupportables, courant et hurlant partout. Plus un cinquième dans les bras qui mâchonne le sein - obscène - de la femme, sorti du corsage défait, les mains du petit tenant fermement la graisse maternelle, les jambes pendouillant dans le vide, heureusement un bras le retient, négligemment.

Trois secondes. Un klaxon. Et le métro passe. Braillements diverses d'un groupe de touristes japonaises, réveil en sursaut d'un ivrogne insouciant et puant qui se rendort aussitôt.

Sinon tout le monde s'en fiche et laisse la touriste enceinte et verdâtre hurler à s'en faire exploser les cordes vocales jusqu'à tomber sur le bitume en un bruit mat.

On s'écarte même, ah non, pas de ça, déjà le métro est bloqué, moi je dois aller au boulot ! Si c'était mon gamin, ça ne serait pas arriver. Non mais l'incompétence des mères, ces manouches ? Quoi ? Des malgaches ? De nationalité française ? Impossible. Ce sont forcément des gitans, des gens du voyage qui envahissent la France, qui profitent du système. Pfff, ça devient n'importe quoi, un gosse, ça se surveille, ça s'attache ou on en fait pas. Point. C'est tant pis pour elle, un gosse de moins, peut être que ça les fera repartir chez eux. Espérons.

(Rire jaune. VAE11)