Défilé nocturne
Lucy Nuange
Je suis assise là, dehors, à contempler la brume qui dissipe mes amies scintillantes. Un vœu à ma chère et tendre, le monde m'appartient. Ce soir, il se développe sous mes pieds, prend racine dans mes jambes, remonte la source féconde. Il agrippe mes entrailles, tourbillonne dans mon âme engourdie et pénètre enfin mon organe déchu.
À la reine Lune : ce soir, je serai silencieuse telle la tombe.
Puis j'aurais beau hurler, me débattre, me maltraiter, à quoi bon ? J'ai abandonné toute recherche d'une sensation, d'un sentiment. C'est terminé, échec et mat à en casser l'échiquier. Mon fantôme erre sans but, fixant les passants devenus flous, vidant mon esprit de toutes ces futilités. L'amour n'a pas gagné. Il se retrouve à nouveau perdant, laissant ma carcasse traîner sur le bitume, sur un terrain vague d'amertume. Mes yeux ne piquent plus mon visage inexpressif, mes larmes n'existent plus. Sans alcool, le corps et l'esprit à nus, l'insomnie cette nuit sera longue et sans vie.
Je suis donc retombée dans le néant, l'envie de vivre en option. Mon esprit ne prend même plus conscience de mon existence. Il traîne les pieds d'un air las, laissant mon corps guider mes actes. Monter dans un bus, regarder le paysage sans le voir, redescendre d'un bus. Le cycle éternel d'une moi nouvelle, profitant du brouillard environnant pour cacher son reflet insignifiant. Les voitures passent, la brume s'épaissit. C'est sûrement le moment de me jeter vers la vie.
J'écris des lignes et des lignes, décrivant la perte de mon humanité. Cette fois, personne ne viendra sauver mon âme ayant fait un pacte définitif avec le néant. Ensevelie dans les décombres de mon enfance, elle a beau tendre la main sous les murs brisés, plus aucune autre ne pourra la toucher. Je n'ai plus peur, je ne tremble plus. J'ai vu cette journée défiler sous le flou artistique de mes yeux perdus. La soirée d'hier m'a fait comprendre que plus rien ne me ferait vraiment sourire désormais.
Il n'y a plus personne pour me venir en aide, même mon moi ne fera plus cet effort ponctuel.
00:15
Chute finale de mon âme. J'entraperçois le paradis. Pourquoi tout est si noir ? Est-ce à cela que les croyants rêvent la nuit ?
Du haut de ma tour d'ivoire, je tâtonne le moindre nuage à la recherche d'un quelconque mouvement pouvant détrôner ma solitude. Hélas, rien à l'horizon. Il n'y a plus que mon demi-moi et un noir intense sous les pupilles.
Je ne retiens finalement aucune leçon de tout ce que j'ai subi. Ma tête fait écho dans tout mon être de ce nouveau silence percutant. Je voulais redevenir l'enfant que j'avais été, malheureusement, on ne peut effacer onze ans de malheurs acerbes. Hier encore, je criais au monde de me secourir, mais je sais mieux que quiconque qu'il n'aide jamais personne.
4:15
Réveil de mon corps pour que mon âme me noie à nouveau dans mon rien intérieur.