Délices Slaves N°7
Nathy Drisca
Partie 7
Mes doutes me pesaient, je ne savais plus où j’en étais. Après être tombé amoureux d’une sirène il fallait maintenant que je m’attende à être dévoré.
Le pire c’était d’avoir entraîné ma famille dans ma chute. Je me dégoûtais, me trouvais égoïste. Mais il était trop tard pour faire marche arrière, même si celle qui m’avait envoûté se contrefichait de mes sentiments, elle et les autres filles du club ne méritaient pas leur sort personne ne le méritait.
C’est en mode automate que je repris les répétitions. Je me concentrais principalement sur Tanya parce que finalement mon indifférence à son égard, rendait la jeune femme moins dangereuse pour ma santé mentale.
Igor était revenu dans la pièce et l’atmosphère s’était chargée de peur. Il se tourna vers moi et aboya :
- C’est l’heure pour toi de rentrer, les filles présenteront ta chorégraphie au patron et si cela lui plaît il te rappellera. Je t’accompagne à la sortie.
J’allais demander à Alice de préparer ses affaires pour partir quand il continua.
- Jessica, tu conduiras Alice à la salle de communication il nous faut des photos pour le site.
- Mais protesta ma sœur, j’ai été engagée comme danseuse, pas pour travailler dans vos autres services.
Igor ricana.
- Tu ne sais donc pas lire petite gourde. Tu as pourtant signé ton contrat… Mais ne t’inquiète pas, je suis sûr que cela va te plaire…
J’allais protester quand il me fit signe de le suivre, et en vue du renflement sous sa chemise je devinais qu’il était armé. Je n’avais pas le choix, je devais le suivre et laisser ma jumelle. Je n’étais qu’un lâche. Je n’arrivais pas à détacher les yeux de ma sœur je la suppliais silencieusement de me pardonner de la laisser dans cette enfer. J’espérai de tout cœur que Vladimir pourrait agir.
- Comme c’est touchant, t’inquiète, tu la retrouveras ce soir et si elle est gentille elle devrait être en un seul morceau.
- Je suis son chorégraphe, elle est déjà sous contrat avec moi elle n’est venue que pour présenter un nouveau numéro, je ne comprends pas ce…
- Moi je ne fais que suivre les ordres, si t’as des réclamations adresse-toi à qui de droit.
- Je ne peux pas l’attendre ?
- Non, dehors !
Jeté comme un malpropre, je n’avais qu’une seule idée en tête appeler Vladimir pour lui annoncer que ma sœur était retenue, contre son gré. Puis il préviendrait Emmett, il allait me tuer. J’en étais persuadé, à bout de nerfs, ne sachant pas où aller je restais planté là devant ce bâtiment à faire le guet. Je tapotais un message express pour résumer la situation à notre ami et à mon frère. Mon portable sonna et Vladimir m’incendia. Bon ça c’est fait… Deuxième appel, c’était Emmett, il a eu mon message, je vais morfler.
- Edward mais comment as-tu pu partir sans elle ?
- Il était armé, je ne suis pas aussi baraqué que toi. Je sais je ne suis qu’un misérable, une sous-merde.
- C’est rien de le dire, mais dans quelle merde on se trouve là ce n’est pas possible. Bon il a dit quoi Vlad ?
- Rien, il m’a engueulé, toi à côté t’es un enfant de cœur, je sais que tout ça est de ma faute, le pire c’est qu’elle ne veut pas de moi qu’elle me rejette en bloc, j’en suis malade.
- Ta sœur risque sa vie et toi tu pleures pour une pétasse qui n’en vaut pas la peine t’as de la chance d’être au téléphone.
Emmett avait raison, ça devenait une habitude chez lui et cela me fit me sentir encore plus con.
- Emmett ça bouge, Stephan arrive, il n’est pas seul il y a un blond avec lui. C’est bizarre il ne ressemble pas aux autres.
- Prends-le en photo, qu’on puisse voir si Micha l’a dans son fichier.
- Ok, bon c’est fait, je fais quoi, moi maintenant ?
- Plus rien surtout ne bouge pas, observe et tiens nous informés des mouvements, t’as fait assez de conneries comme ça.
Il n’avait pas tord, je n’étais qu’un trou du cul, j’envoyais la photo prise à Vlad vu que je n’avais pas les coordonnées de son contact.
Un bus miteux stoppa devant le bâtiment, les vitres étaient embuées, les portes s’ouvrirent une réplique d’Igor en descendit, accompagné de deux pauvres filles à peine majeures, d’une maigreur, elles semblaient avoir pleuré, leur maquillage avait coulé sur leurs joues, leurs jupes étaient courtes, couvraient tout juste leur intimité. Ce devait être un nouvel arrivage. Je prenais les photos, pas étonnant qu’Igor soit si pressé de m’expulser. Trois autres filles du même gabarit suivirent accompagnées de deux autres balèzes aux mines patibulaires, je me cachais pour continuer de prendre mes clichés, je les envoyais encore et donnais l’immatriculation du véhicule.
Puis le calme, plus rien je bouillais de devoir rester là, sans pouvoir agir, mais que pouvais-je faire ? Sans mettre ma sœur en danger, et ses pauvres filles. Je sortis de la voiture pour me dégourdir un peu les jambes, et soulager ma vessie, lorsque je me rendis compte qu’une autre voiture aux vitres embuées était à l’affut. Je décidais de m’en approcher pour voir, un peu à quoi ils ressemblaient.
Mon téléphone en mode photo je prenais la voiture, et ses occupants les images n’étant pas très nettes je réitérais mon audacieuse surveillance. Ils étaient louches eux aussi, en zoomant je me rendis vite compte qu’ils étaient armés. Je regagnais aussitôt ma Volvo où je m’enfermais pour rappeler Vladimir.
- Vlad regarde les dernières photos ya des mecs en planque ils sont armés, si ils entrent ça va être le carnage, vite magnez-vous.
- Edward arrête de flipper comme ça c’est déjà assez tendu comme situation, t’inquiète il y a des gens pour protéger Alice à l’intérieur.
- Hein quoi mais qui ? Tu ne pouvais pas me le dire plus tôt ?
- Je t’en ai déjà trop dit Ed, aie confiance, j’envoie la relève.
- La quoi ? Vlad !!!
Il avait raccroché, un des deux hommes de la voiture sortit et se dirigea dans ma direction, j’eus un peu de mal à garder mon calme, que devais-je faire ? Feindre l’endormissement ? Partir en quatrième vitesse en abandonnant l’ultime chance de pouvoir aider Alice ? Non je ne le pouvais pas je ne le devais pas, alors je simulais une conversation téléphonique houleuse avec une femme, pour rester dans le coin.
Ces types n’étaient pas les chiens de garde de Stephan, je le sentais. Contrairement aux malabars que notre ennemi employait, les nouveaux venus des Américains pures souches tout dans leurs attitudes les trahissaient. Mais alors qui étaient-ils ? La fameuse relève de Vlad ou des complices de Stéphan ?
Plus il approchait plus je devenais nerveux… Je n’étais pas ma sœur, j’étais un très mauvais acteur et si ma mise en scène ne faisait pas illusion que se passerait-il ? Trop tard pour changer de plan l’homme tapait à ma vitre.
De près il avait presque l’air amical, enfin si on oubliait l’arme à sa ceinture. Alors à contrecœur je finis par ouvrir ma fenêtre et fis mine de poser mon téléphone.
- Oui
- Je vous demande de dégager vous êtes stationné sur une propriété privée !!!
- Qui êtes-vous pour exiger ça ?
- La police, petit malin.
Il ne mentait pas, il me colla sa plaque sous le nez, pourtant n’était-il pas censé me la montrer avant de me demander de dégager ?! C’était louche vraiment louche, devais-je lui raconter ce qui ce passait à l’intérieur ? Et si c’était un flic corrompu. Trouve quelque chose à dire… attention Edi ton cerveau surchauffe.
- Je ne peux pas partir j’attends ma sœur.
Ouf j’avais réussi à dire la vérité sans nous trahir enfin je crois.
- Ta sœur, tiens donc … bon disons que je te crois mais tu vas tout de même dégager sinon je vais avoir le regret de t’emmener au poste et ta caisse à la fourrière.
- Mais je… n’ai rien fait de mal.
- Je vous répète que vous êtes stationné sur une propriété privée. Alors soit vous partez immédiatement soit je vous embarque c’est à vous de choisir mais réfléchissez vite je n’ai pas que ça à faire …
- Bon, bon ! Ok je pars et la limite de la propriété s’étend jusqu’où ?
- Vous voulez jouer à ça ? Ok pas de problème.
Il se redressa fit signe à son collègue, et se repencha vers moi.
- Si vous êtes encore là quand il arrive on vous embarque et vous allez vous en souvenir pour un bon bout de temps.
Je finis par démarrer et avançai de manière à ce que je puisse toujours avoir le bâtiment à l’œil prenant garde à ne plus être en terrain soit disant privé. J’avais bien raison même si ce sont des flics, ils sont louches et leurs manières ne me plaisent pas du tout. Je recontactais Vladimir pour le tenir informé, il lâcha un « merde encore des complications. »
- Vlad dis-moi quel genre de complications ?
- Edward bouge pas et surtout dis-moi si ya du mouvement… Ok ?
- Ok mais combien de temps encore sans agir ? Alice est dedans.
- Ed je t’ai déjà dit qu’elle n’était pas seule, elle ne craint rien.
- J’aimerai bien qu’elle sorte de ce bordel et vite.
Un des malabars ressortit monta dans le bus et partit avec, il devait être trop repérable ? J’alertais comme me l’avait demandé Vlad. Une grosse voiture arriva, la porte s’ouvrit sur le blond, un garde du corps et Alice, elle semblait bien aller. Elle grimpa sans contraintes dans la voiture, je les suivais en évitant de me faire repérer.
Le véhicule stoppa à quelques rues de mon appartement, Alice en descendit, et remercia les personnes l’ayant raccompagnée, un sourire radieux illuminait son visage. Je me garais et bondissait à sa rencontre.
- Alice comment vas-tu ? J’ai eu une de ses peurs. C’était qui ces types ?
- Oui je vais bien Eddy, j’ai eu les foies moi aussi mais, tu me connais j’ai tellement jacassé que Stephan a préfère voir le show et son nouveau client a apprécié. Un gentleman de surcroît il a proposé de me raccompagner vu qu’Igor t’avait fait partir, il me fallait un chauffeur.
Un gentleman, j’aurais tout entendu un client de Stephan qui achète ce genre de prestation ne pouvait pas être un gentleman… Ma conscience s’insurgea à cette pensée car quelques jours plus tôt j’avais moi aussi monnayé pour ce genre de service. Ce n’est pas pareil c’était pour la bonne cause, mauvaise fois quand tu nous tiens…
- Sinon ya du nouveau de ton côté ?
- T’as pas vu des nouvelles filles arriver ?
- Non, mais j’ai entendu crier et pleurer, ce devait être ça ? Je comprends mieux pourquoi Tanya s’est raidie d’un seul coup en les entendant.
- Oui elle a dû arriver dans les mêmes conditions, pfff c’est lamentable et personne ne fait rien. Quand je pense que les flics oui même les flics observent et ne bougent même pas le petit doigt.
- Comment ça les flics ?
- Oui une voiture avec deux molosses, que j’ai pris pour des trafiquants ou des truands n’étaient autre que des poulets malsains qui surveillaient eux aussi les allées et venues.
- C’est dingue, ça.
- Le pire c’est que Vlad a dit que c’était des emmerdes supplémentaires.
- Le seul aspect positif étant que le show a plu et nous devons y retourner, j’ai insisté pour que tu y sois.
- Mais t’es vraiment givrée ma pauvre sœur, tu comptes vraiment retourner là-bas ?
- Ba oui et les filles tu les oublies ? Juste parce que ta Bella a dit qu’elle ne voulait pas de toi ? Je te croyais plus combatif... Une petite phrase et tu te dégonfles, peut-être qu’elle mérite un vrai mec finalement !
Je grimaçais à sa remarque, ma sœur savait toujours où taper pour que ça fasse mal. Mais être séparé de ma jumelle dans de telles circonstances m’avait fichu une peur bleue et je savais que s’il lui arrivait quelque chose, je n’y survivrais pas. Pourtant savoir les filles retenues dans de telles conditions me rendait malade. J’étais pris entre deux feux et finis par dire ce que me soufflait ma raison :
- Mais si j’y pense mais je pense aussi à notre famille, imagine les parents s’il nous arrivait quoi que ce soit !
Alice soupirait à ma réaction. Elle savait que j’avais raison mais était têtue, elle n’abandonnait jamais… Ce qu’elle m’annonça ne m’étonna pas :
- J’ai bien envie d’aller rendre visite à Vlad et lui tirer les vers du nez pas question de rester dans l’ignorance, nous serons plus efficaces de l’intérieur en connaissant un peu mieux nos malfrats.
- Ok bon allez on y va tout de suite, t’as qu’à regarder les photos que j’ai prises tu me diras si tu te souviens d’avoir croisé ces personnes.
Arrivés chez Vladimir nous fûmes accueillis par un nouveau savon. Je commençais à avoir l’habitude… Alice interrogea notre ami sur ce qu’il savait mais il ne laissa rien filtrer, prétextant que moins nous en saurions mieux ce serait pour nous. Je rageais, je savais très bien que je ne pourrais rien faire pour le faire flancher, je lâchais l’affaire. Et je me concentrais sur le récit d’Alice qui contait ce qu’elle avait vécu dans les locaux des Délices Slaves.