Délires de la nuit
Ciré Ndjim
Le jour c'est la grande marche. Le tour du monde. Traversée d'un désert immense. La nuit c'est le calme. Le balcon qui donne envie de flotter en restant suspendu. Devant la fenêtre, porte d'enfer qui donne l'impression d'être un métaphysicien. De n'avoir rien compris. D'être dubitatif. Ou dans la chambre. Seul endroit endormi pour ceux qui n'en savent rien de son éclat ou de son parfum. La nuit, pour être honnête, n'est pas conçue pour danser, pour se défouler. Jouer aux ados. C'est elle qui donne au jour toute sa signification. C'est fait pour se penser, se plaindre sans être entendu. De personne. Pour pleurer si le cœur nous en dit. Une affaire romantique. Un truc qui demande d'être bien habile lorsqu'il s'agit de délirer dans l'intimité. En cela, le monde extérieur devient notre ultime adversaire. Notre interlocuteur. Un moment où on choisit dans quel camp se positionner. L'heure pendant laquelle une âme sensible, se complait à partager ses déboires, ses questionnements, ses errances, ses projets, ses obligations, ses déceptions, ses surprises. La nuit, réveil des mystères et le bavardage conséquent.
La nuit, c'est le temps qui bavarde, bruit, court. Frémissements discrets. Vagues deferlantes, chants nocturnes, étoiles filantes. Temps mystérieux, drap sombre pour les autres. Transparent pour soi. Mais pas toujours. Masque les passions et les idioties. Tout et entièrement. Non presque entièrement. Tempéte intemporelle. Il fait tout à l'improviste. Toujours ponctuel. Il n'attend personne. N'écoute rien, personne. C'est un buté. Une espèce de petit con. Adorable parfois. Qu'on ne peut rattraper. Irréversible surtout. Un putain de calvaire qui pèse lourd. Moi, il m'écoute parce que je n'arrête pas de faire du foin. Le temps c'est personne d'autre que moi. La nuit, c'est plein de délires saugrenus. En plus d'une bizarrerie que je maitrise avec tous mes défauts. Je m'écoute. Je me crible de points d'interrogation. C'est fait pour ça. C'est comme ça. Ainsi va le monde! Le temps, vaste désert émotif, trempé de sensibilité pour les hommes sensibles. Être irascible qui ne contient pas son sens de l'humour. Au bon moment ou pas. Ainsi soit-il. Être sans conscience. C'est lamentable. Cette lumière des réverbères qui ne s'éteint jamais. Qui s'éteint avec le temps. Un homme a conquis la lumière éteinte. De la lumière. Des flammes. Le tapage nocturne. Marche un homme, les bottes déchiquetées, le cœur serré, la fenêtre debout. Les étoiles qui défilent. Le temps morne. Et le courage aux poings.
Le temps, c'est ce qui passe. Anticipation. Recherche de nouveaux décors. Comme l'artiste qui a besoin des moeurs de son époque pour emerveiller un grand amateur, la postériorité. Au bout du compte, le temps c'est la révolte. C'est là révolte parce que chaque jour on se cherche et on essaie de se construire, de se frayer un chemin sùr pour ne pas s'égarer. Partir par cette direction, sans certitude. On construit ses aventures parsemées d'indecision. Le temps c'est l'heure de la révolte car les minutes sont comptées. La révolte car on ne sait pas vraiment qui on est et on lutte contre soi-méme. Voici donc le temps, les heures, les humeurs, les états d'ame et les états d'esprit, des loups qui se dressent sur notre chemin qui nous contraignent de vouloir à tout prix changer le cours des choses. C'est le temps de la révolte.
Le temps court comme un homme. Debout tous les jours. Il ne connait pas le verbe desespèrer. A coté de lui, on igonre pas que la vie veut dire espoir. On marche. Parfois on s'égare. Mais on cherche toujours le meilleur chemin pour arriver à temps. Je marche. Je m'indigne un peu. Contre moi. Contre les autres. Je passe avec le temps. J'anticipe sur les lendemains. Je ne vois rien. Rien de lumineux. Aucun éclair. Rien de semblable. J'aperçois une silhouette grandissante qui m'éffraie, mais qui me donne envie d'aller jusqu'au bout de me reves. Pour ne pas sombrer dans les plaintes, ne pas rester oisif, rester perplexe. Le temps, il passe. Il n'attend personne. Il n'a que des compagons qui savent perpetuer la fidélité. Il est toujours là pour celui qui aime les aventures, pour celui qui s'empresse vers une destination toujours inconnue. Le temps aime s'aventurer avec mon ombre.
La nuit qui avance. Du bleu. De la douceur. Du vent frais que tu dégustes. La grande roue n'arrréte pas de tourner. Les oiseaux et les arbres sereins. L'homme. L'homme surgit dans cette nature au vent frais en ébullition. Il s'y aventure et sait qu'il à interet à survivre. Sinon pour quelle raison aura-t-il esquissé une randonnée? Pleine de mythes et de stratagémes sorciers.
Je suis un rescapé. Un fugitif comme dans une zingle. Sauf que tous les moyens sont à sa disposion pour s'accomplir. Embélir son destin, le béatifier de rires et d'airs amusants qui laissent penser que la vie reste toujours rose. Alors, de ce fait je trouve bien normal de me passer au crible. Me peindre d'une couleur inexistante qui effacera toutes les autres nauséabondes qui oseraient se présenter un jour devant moi.
Ce qui fait le bonheur de l'existance, c'est d'étre perpetuellement à la recherche de soi. La recherche de soi signifie que nous sommes responsables et nous sommes fixé un but à atteindre. Dans la nuit qui meurt et où surgit une armada de questionnements attentionnés, je me cherche. Je me cherche quand je trempe mes pieds dans la nuit. Quand je dors et que je reste en méme temps à moitié eveillé. Quand je rêve qu'un jour tout ira bien. Oui c'est comme ça mais on retient que de toute façon rien ne peut aller toujours mieux. On est jamais satisfait. Ne faites pas gaffe à ce que je raconte. Je ne fais que dire des énormités.C'est tant mieux. Des sottises pour vous boucher les oreilles.
Vivre. Et après ça devient un phénoméne. Vivre un réve, c'est un réve. J'ai rêvé. Oui j'ai rêvé et je rêve encore. Toujours. Je suis Encore un blanc-bec. Tant mieux. Je ne me plains pas de ma posture actuelle. Je réve. Le rêve est un fleuve passif qui soulage parce qu'il tend vers quelque chose qui n'est pas du tout banale. Au pied de ma fenétre, je parle à mon coeur. Mon ame prend son élan, son envol et la nature, paysage généreux, me laisse m'engouffrer dans mes dérives enchantées. Je pénétre la gueule de l'univers et du temps sans hesitation. Je me laisse bousculer par ce réve de servir ceux grace à qui j'ai eu la force de vivre et de me faire des réves.
La nuit s'étouffe en douceur. Pas comme la mer. Pas comme là-bas non plus. Là-bas, c'est la douceur qu'on respire. Là-bas, ma foi, il n'y a pas mieux. Là-bas, quelque part, une mer qui ne connait pas les arbres et les feuilles de cactus. Qui te prennent par la gorge. Je connais cette mer qui caresse ma conscience ahurie. Cette mer, elle est libre comme l'air. Les vagues qui se déhanchent. S'ébattent en toute intimité. Elle ne connait pas des fissures.
La nuit s'avance vers le sommet de la peine infligée par les événements. Des événements pas comme les autres. D'une autre nature. Une nature tout à fait convenable à quelqu'un comme moi. Moi qui me culpabilise tout le temps. Moi qui ai tout le temps peur. Moi le pessimiste depuis quelques temps. Depuis quelques temps, une odeur, une humeur nauséabonde me court après. Depuis quelquestemps, je souffre moyennement. C'est pas vraiment de la peine. En depit de cela, je n'arrive pas à atteindre sereinement le sommet du firmament. Nuit au galop. Événements heureux .Événements pas convenables et convaincants. Pas du tout réconfortants. C'est à cause de moi. Voilà tout! Je me culpabilise tout le temps. Sans cesse. Je ne suis jamais satisfait. Mon heure. Encore la nuit. Elle porte une chose étrange sur elle. Elle valse comme une infirmière et on ne sait pas trop quelle est sa destination finale. Le point limite pour qu'elle arrête de se plaindre tout le temps et de plaider au nom des êtres absents et perdus.
Écrire dans la nuit. Jets d'encres comme un rat écrasé. Un jeune homme têtu et sa plume qui aborde la vie et ses métaphores contradictoires. Je suis buté. Pas con. Pas du tout. Un rat écrasé qui essaye de se tenir debout. Pas sans défense. Debout sur cette terre, et la sienne qu'il prétend étre malmenée. Cette erxistence souterraine, face à laquelle on formule des reproches. Je fais des reproches? A qui? A moi bien sùr. Non sans raison. Parce qu'on nous inculque qu'une action doit étre rationnelle. Pourvu qu'on ait une bonne raison d'agir.
Écrire pour me soulager. C'est ça mon action rationnelle. Une bonne raison de passer le temps. Pour passer le temps. Réconforter je ne sais quelle autre âme sur cette univers. Aire de sable, de poussières et d'épines viriles. A la surface, erre une espéce de mystère. Quand je dis mystère, cela signifie rien d'autre. Que du délires rationnels. Procurer du plaisir à celui qui m'écoute. Me cacher derrière un rideau de fer. Un rideau parsemé de mots sensés et insensés. M'oublier un moment. Ne pas me laisser pietiner. M'égarer dans les buissons de ces heures qui quémandent la quiétude. Ma gloire je veux dire. Parce que j'ai un point limite que je désire atteindre. Atteindre un idéal. Un idéal que je ne maitrise. Un idéal qui me rend si faible je ne sais pourquoi. Invraisemblable. Trouver le chemin. Oui! En finir avec mes conneries surannées, qui n'ont pas de valeurs pour mon époque. Nuit, danse donc pour moi. Au pied de ma fenêtre qui te souffle, te siffle cette quête d'une existence exquise, passive. Existence claire comme le jour.
J'étouffe la nuit. Etouffer la nuit? Quelle poèsie délirante sans doute! Mes délires sont un peu erronés. De la poésie. Du délire à satitèté. Je ne sais pas trop que faire. Où aller? J'irai me confier au ciel. Etendu sur la terre. Sur un rocher. Devant la mer et ses vagues qui défilent. J'irai reluquer le dérrière des étoiles. Les admirer, en profiter par des rêveries surréalistes, réalistes, optimistes. J'irai revoir les yeux de mon très aimé pays. J'irai emprunter les rues etroites et sablonneuses. Univers naturel. J'étoufferai la nuit comme jamais je ne le ferai. Un crime parfait. Réunir autour de moi l'humeur solide et tendre de ma patrie, le vacarme obscur de mes instants alsaciens. Strasbourg, ville merveilleuse qui me fait frémir la nuit. Strasbourg, mon pied dans l'incertitude. Où on se tord de je ne sais quoi d'inattendu. A qui je supplie de me tirer d'affaire. Que j'appelle dans les soirs timbrés. De joie, d'audace, d'angoisse. Dans les promenades infinies et solitaires. Dans les couleurs des longues artères bardées d'étres attentifs et indifférents. Etres soucieux et égarés dans un labyrinth du temps moderne.
Ecrire. Encore. Encore. Dans les déboires et la jouissance. J'écris dans la nuit comme je cours dans les couloirs lumineux du jour. Vieil athléte. Je rêve la nuit comme les jours je n'y arrive pas. Changement d'horizon. Les trajectoires ne sont pas les mémes pour deux zones d'ombres diamétralement opposées. Mes nuits métamorphosées. Diantre que me veux-tu? Je cherche un chemin sans embuches. Mais c'est impossible. Improbable. L'improbable plus la vie, c'est des embuches tout le temps. Quand il n'y en a plus, c'est que tu as crevé. Tout le temps que notre vie défile, défilent les obstacles avec elle. La vie, c'est ainsi, les obstacles. Tu peux aller au bistrot, te saouler. Faire une croisière. Admirer les beaux paysages. Fumer du Malrboro ou bien du schit. Ça ne change rien. Regarde devant toi cher ami, mon frère! Le bistrot ne te délivrera pas. Hors de l'affliction. La souffrance, c'est un métier. Une mission à remplir avec délicatesse. Si tu es pas futé, tu es foutu. Il faut savoir souffrir. Avec précaution. C'est un art pas facile. C'est pas simple à peindre. C'est un metier noble, plus noble que tous les autres pour faire bon ménage avec la vie. Être un bon artiste, savoir peindre ses défauts et ses foutues qualités pour mieux les observer. Plein de gamins ont réussi de la sorte. Ils n'ont pas été cons. Ils ont profité de leur peine capitale. J'imagine que je ne suis pas con. J'essaye d'être moins stupide. La stupidité, ce n'est pas un métier noble.
La nuit fait une rétrospection. Drôle de retour. Descente aux enfers. Mon univers d'antan. J'aimerais revivre ces quelques années en arrière. Revoir les pas lents et mesurés de ma charmante grand-mère qui illumine mes nuits. Ma grand-mére, ma mère. Que je pense à elle plus que tout! Plus que jamais. Chaque jour, le temps valse au chevet de la terre où je m'en veux. Où je perd le controle. Où je crève à petit feu. Où je me pose devant ma fenètre. Où la nuti fait une introspection. Où la nuit prevoit la suite illogique des événements. Où j'ai peur. Où je ne sais pas quoi faire. Où je deviens paresseux comme le temps accroupi et cloué de réves et de passions . Où ma force s'agrandit de plus en plus. Où j'ai conscience que je suis un des piliers du futur de mes frères.
Je me souviens de ces heures perdues. Pas à bout portant. Etendues. Figées. Qui luisent dans le regard de la tendre mère. Ma mère qui se fait de la bile. Et de la grand-mère qui meurt chaque jour et ne vieillit jamais. Collision dans les aires. Deux regards attendris. Le petit bonhomme, un peu naïf. La grand-mère pleine de naturel . La sagacité quoi! Du genre à aimer quelqu'un, sa patrie, ses enfants, ses sujets, à ses risques et périls. On me graisse la patte. Va t'acheter à manger avant le repas de midi. Tu dois avoir faim mon enfant. C'était dans cette atmosphère que baignaient mes heures de gamin. Grand-mère, je pense à toi. tout le temps. En bicyclette. Dans le tramway, le bus. Quand je ne fais rien. Quand je rêve. Quand mon cœur s'énamoure de la nature et de ce qui l'anime. Tu animes cette nature condescandante que je contemple. Je pense à toi. Tu es encore en vie. Ta vie pour la mienne. Longue vie à toi. Je devrai rentrer au pays pour te revoir. Te voir comme tu étais. Courageuse. Debout. La générosité et le cœur sain. Celle qui aime le Bon Dieu. Toi que j'aime si énormément. Tendrement. Toi que je n'oublierai jamais. Au plus grand jamais. Je te promets. Tu peux compter sur moi. Je viendrai te voir cet été. Je rentrerai rien que pour toi. Tu verras. J'aurai un peu changé. Mais mon amour pour toi, encore plus fort. Comme les étoiles dans la nuit.
Grand-mère, je me sens si seul. Il faut que tu sois là. Avec moi. Sans toi, je ne suis rien. Ta présence me rend plus fort. Tu te rappelles mes années de collège et de lycée. Tu étais là, je travaillais beaucoup pour que tu sois fière de moi. Tu es si loin de mon regard qui te parle tous les jours, tous les soirs. La nuit, ton àme me parle. Ton âme gaie. Tu es dans mon cœur. Il faut que tu viennes. Ciel je vous supplie de faire venir la femme charmante et sainte au cœur d'eau claire, saine. Je me sens si seul. Mon amour! Pardonne-moi mon éloignement. J'ai le cœur qui s'effondre derrière cet élan kilométrique. Ciel bleu! Ayez donc pitié de ce gamin de vingt ans qui n'est pas encore né. Qui cherche son chemin mais a besoin de Matel.
Le pouvoir d'une femme. Je ne parle pas trop de ma mère. Ma mère c'est ma grand-mère. Pouvoir de la nature. Pouvoir de la mer, des océans. Maitrise de la nuit. Je suis cette lumière sous le firmament. En vadrouille. Je suis dans mon village. Je suis entre mes cousins et mes cousines. La famille. Je suis avec mes complices des grandes vadrouilles dans les rues étroites comme les chemins de mes nuits en Alsace. Chemins exigus comme je peine à comprendre. Comprendre les frémissements de la nuit dans la nuit. Essaye de trouver le chemin. C'est par là. A gauche. A droite. Ne t'éloigne pas trop. Va pas loin dans la nuit. C'est un peu risqué. C'est dangereux. Tu délires trop, après tu ne sais plus ce qu'il faut écouter. Ecouter? Ecouter qui, quoi? La nuit ou les plaintes de la nuit? Tes plaintes Ou celles des autres? Les tiennes sont les leurs.
J'écoute mon ami. Qui se plaint tout le temps. Il a raison de se plaindre. Il dit que ce monde est pourri. Il est pourri parc que les gens que l'on croise dans la rue; qui circulent en voiture; qui rigolent par ci par là; ne pensent qu'à leur gueule. Egoisme exacerbé. Foutu monde. Ce Sont des hypovrites. Y en a qui vivent comme des parasites. Parce que cette société dans laquelle on évolue voit au jour le jour les individus devenir de grands consommateurs. Ils se plaingnent et te le sifflent quand tu tournes le dos. Pas du tout comblé par le systéme. Le systéme c'est là où l'on t'enferme et sans issue pour s'échapper. C'est les entrailles des complaintes humaines. Parce que ce n'est pas comme en Afrique, ou les gens ne se plaignent pas. Parce qu'ils ont, si on peut le dire, tout. Tout, les ressources vitales. Mais ils se plaignent. Encore et encore à ne pas en finir Le vrai jeune homme français, ou occidental, ou bourgeois, qui a tout, les parents bourgeois, une voiture, c'est celui qui sait se plaindre. Mais il ne se plaint ni dans la nuit, ni en silence discret.
J'espère que mon univers celeste et étoilé ne le sera pas. Fuir la catastrophe comme la peste. Ma nuit prend refuge dans les ténèbres. Ténèbres comme on en voit jamais. Pas pareil. Nuit de révolution. La mienne. J'appelle le pouvoir d'une femme. Le confort de ma fenêtre. La douceur des réves perpetuels et indélébiles.
Mes amis des chemins de l'école. Du collège et du lycée. Vous me manquez. Et tous ces jeux de cache-cache. Les poursuites nocturnes. Les héros sous le soleil, le jour qui ne dort pas. Je pense à vous. Je reviendrai mes très chers amis. Mes amis, qu'êtes-vous devenus avec ce temps pessimiste qui risque de nous faire la misère? Plutôt un temps qui nous fait la misère avant même qu'on atteigne la vieillesse. Avant de mourir vieux. Je sais que je pense à vous dans tous les endroits que ma tête croise, heurte, retrouve. Tous les chemins mènent à notre enfance terrible et bien garnies de petites escalades sympathiques, charmantes. Oui charmants instants avant de gouter à la vraie vérité de la vie.
Le jour c'est la misère. Théatre de la Misère du jour. Ces tapis qui grincent. Toi tu marches sans être fier. Tu as peur. Un peu angoissé. Et le pessimisme qui s'incruste. Un invité-surprise. Et la nuit prend tout à son propre compte. On recrache tout. On se livre. Même difficilement. Je suis seul dans mon petit coin. Et cette piaule que j'idolâtre pas trop. Elle m'ennuie, me fatigue, me prive de tranquillité, de douceur exquise. C'est pourquoi je suis allé devant la fenêtre revivre certaines occasions heureuses dans ma vie. Un tantinet. Je vois qui marche ma grand-mère. Je pense encore à elle. Je ne peux m'en priver. C'est une source vivante et vivifiante. Je me répétais. Mon ombre répétait. Que sont devenus les petit parfois saligauds, qui arpentaient les rues pour exciter les autres enfants? Que fait ma mère au petit matin? Pense-t-elle encore à moi. Avec une telle intensité. Une telle force. Maman mon cœur, mon amour.
Qui me connait mieux que ma mère? Qui connait ma mère mieux que moi? Maman, qui te connais mieux que moi? Dans le jour comme dans la nuit. Quand je ferme les yeux. Quand je trébuche. Quand je m'égare? Quand je délire. Je m'accroche à ton regard dans la nuit d'Alsace. Rue de Palerme , je te vois. Tu prends une rue et te diriges vers moi. Je te vois comme je vois mon ombre. Lumineuse. Pareille qu'un éclair dans la brume des nuits de décembre et de janvier. Tu m'a rapportés un bouquet de fleurs. Ton amour. Ta compassion. Ta douceur immortelle. Ton amour attendrissant et sincère. Tes petites astuces quoi. Je t'entends dire" Il faut que tu rentres mon cœur. Bien portant. Avec ce qu'il faut. La fierté. La dignité. Je veux te toucher avec mes yeux mornes et mon cœur fragilisé par ton départ". Ma chère amie. Le temps ici est si pesant que tu es mon seul refuge pour sentir la douceur de la vie. La vie. Ma vie, c'est toi. Je ferai n'importe quoi pour cet être à l'échine cassée rien que pour prouver quelque chose. Quelque chose comme l'amour. Que les autres mamans n'ont pas forcément. Maman! Maman! C'est ton enfant chéri qui t'appelle dans les nuits dépressives de Strasbourg. Temps, suspend ton vol rien que pour cette nuit. Laisse-moi donc revoir mon cœur, mon amour, mon amour. Vois-tu, elle fait la lessive. Elle m'appelle par mon prénom. Elle m'envoie acheter du savon. Elle m'engueule un tantinet. Mais ça c'est normal. On ne le comprenait quand on était enfant. On se disait « ce n'est pas de l'amour ça ». Maman tu as toujours eu raison. Tes torts, s'il y en eut, étaient raisonnables. Aujourd'hui, je comprends plus nettement. C'est très visible. Et toi lecteur, qu'en penses-tu? Laisse le temps passer. Laisse la nuit chanter comme une petite égarée dans les buissons des forets tropicales.
L'amour. Oui amour. Pas comme la haine. Ni comme l'indifférence. Mais Aussi lumineux que la peine et la pitié. Amour, souffle-moi vers un horizon où il n'existe que du bien comme le bonheur. Le bonheur? Certains, en entendre parler les rend pessimistes. Ils ont peur. Moi ça m'effraie. Je trouve cette idée excessivement stupide.Maman, éclaire mon chemin. Reste avec moi, cette nuit. Encore rien qu'une nuit. Avec moi et ma cigarette. Avec mes petits soupirs. La nuit non plus n'aime pas la solitude, arme qui pulvérise et fait de toi une potiche. Une potiche pour soi-même. on se regarde dans le flamboiement de la nuit et on dit rien du tout. On reste là, sans dire mot. ça doit être l'amour pour te sauver. Il fait chaud comme ce froid de l'hiver. Qui neige comme bavarde ma fenêtre.
Jusqu'où le temps nous mena. Loin. Loin devant. Non au chevet d'une montagne. Ni dans un desert. Mais là où seul le courage permet de se tirer d'affaire. Ma famille et moi. Je ne sus, jusqu'à mon adolesence à ses premières armes, rien de mon père. Peut-étre quelques passages effectués sur terre à son chevet. Mais j'en ai que des images vagues et confuses. Je ne te connais pas vieil homme. Toi qui conquis le Congo. Le commerçant de diamants. Je ne sais rien de ta personne. Oui tu aimas ta femme, ma mère. Tu la jettas par la fenétre. Pour dire que tu la laissas tomber sans remords. Peut-étre que je me trompe. Mais cela ne me déplait point de le dire ainsi. Nous vécumes dans la misère sans la sentir vraiment. Grand-mère, mère! Et oncles et niéces. Je grandis sans conscience de l'existence de la misère. Jusqu'à aujourd'hui, je n'en ai aucune idée. Du moins, méme si je suis pauvre, où que je peux étre désigné ainsi, je ne me plains pas du tout. Surtout que j'éprouve aucunement ce sentiment.
Temps graveleux, que me veux-tu? De quoi veux-tu donc parler? J'entends pas bien. Pardon? Ah de mon père. C'est qui mon père? Mon vrai père? Je ne te connais pas grand homme. Ce n'est pas lui mon père. Il n'a jamais été là. Et même quand il était là, il ne parlait jamais. Discussion décousue. Silence persistant. Chut! Muet comme une tombe. Silence au degré de l'insupportable. A moi il ne disait rien. Je lui rendais visite pendant les grande vacances. A Dakar, à Gueule Tapée, je ne sais quelle rue. Quand bien même j'ai les yeux pointés sur le seuil de son chez-lui. Sans aucun tapage, en douceur. Le temps ne passait jamais avec lui. La nuit avec lui est maussade à ce point. Je déteste le temps et la nuit, en raison de cela. Je n'ai qu'une envie, déserter ma fenêtre sale. Où es-tu, Grand homme. Je ne te vois. Je ne te sens pas dans la nuit. Je ne reconnais pas ton odeur dans la nuit. Je ne vois ce que tu portes dans la nuit. Je ne vois pas ton amour dans la nuit. Où te cache-tu, Grand homme? Je ne te vois même pas dans les buissons de la nuit d'Alsace. Tu es partout et moi je sais pas comment te situer. Parce que je ne t'ai jamais connu mien, mon refuge, ma couette quand je dors. Temps grivois. Narquois. Il se moque de moi comme la nuit ne te reconnaît pas. Mais c'est pas grave. La nuit n'y est pour rien. C'est de la faute du temps. On a pas pris le temps de se connaître. Ainsi va le monde! Et la vie t'a perdu à jamais. Peut-être qu'en haut, dans l'azur, tu pries inlassablement pour nous. Tes enfants. Tes grands garçons, tes grandes filles. La seule femme qui te restait, prie-t-elle pour nous? Je ne sais pas. Mais je pense que oui. Parce qu'elle était là pour toi. Mais j'ignore encore si tu étais là pour nous. Je m'en fous. Ce n'est pas mon affaire. Moi je nage dans la nuit comme une baleine bleue. Blessée. Une baleine qui se ballade dans la profondeur de la nuit. Je guette quelque chose de plus intéressant. Pas intéressant comme la turpitude des heures. Je dirai, une chose si belle et si douce qu'on en e pas les contours, qu'on en distingue les mystères. Facilement.
Et tout qui s'éléve au dessus de ma téte. Je délire de mieux en mieux. Le temps aux aguets. Le temps qui cherche quelque chose. Une niche secréte. La nuit qui se perd à ses passions émotives. Je me cherche. Je cherche la pluie et le beau temps. Je ne me plains pas. Je me retrouve. Je suis dans un univers fou. Un peu mélancolique. Pas abandonné. Mais qui s'abandonne dans le vacarme de la nuit qui chantonne. Là, il faut se plaindre. J'emmerde la nuit qui ne me laisse pas dormir paisiblement. J'emmerde cette nuit qui me porte vers ma fenétre . Elle qui fait le malin. J'emmerde la nuit qui me fait réver et m'abandonne le jour. Les jours d'après-midi. Le temps de la paresse et des questionnements sans fin. Parfois sans queue ni téte. Une nuit qui fume sa ciagrette pour avoir finalement des vertiges. Des vertiges qui n'inspirent rien d'autre que le regret d'étre pareil homme. Homme qui réve et s'attarde sur des banalités. Moi, je savais réver. Aujourd'hui, je ne sais plus me faire porter par l'azur. J'emmerde la nuit. Une nuit qui retourne sa veste. La nuit qui s'arroge un personnage ambigu. Un personnage mystérieux qui pense ici et là-bas. Ne nous attardons pas sur ma personne.
Je me léve. Je m'éléve au dessus de tout. Je deviens métaphysique. La métaphysique, c'est la sensibilité eveillée qui vous méne droit dans le tréfonds tunnel de la nuit. Une affairre tout à fait surnaturelle. Dire surnaturel pour exagérer un peu. Faites commr vous voulez. C'est une façon de dire que je délire sans le faire express. Je ne fais pas mine d'étre quelq'un que je n'ai jamais été auparavant. Certes je ne suis pas le méme la nuit que le jour. On ne dira pas inconscient parce que ce que je suis n'échappe pas à la vigilance de ma conscience. On en sait quelque chose quand on se léve au beau milieu de l'espace nocturne. J'en sais quelque chose. Pendant que je fume ma clope, je sens que mon existence doit avoir une direction. Mais laquelle? Je l'ignore. Parce que je suis un peu pessimiste. J'ai le droit de l'étre. Ne m'en veux pas.
Le pessimisme, ça n'a rien de diabolique. Non! Qu'est-ce-que je raconte? C'est psychologique et ça vous bouffe le cerveau. C'est une pathologie. C'est un état d'esprit. Un état qui n'épargne personne. C'est quelque chose qu'on ne peut ignorer, encore moins esquiver. Dans mon fort interieur, je sens des choses. C'est le pessimisme qui me procure cette sensation. Une impression pénétrante qui me persécute. Je sens que je dois prendre mon avenir en main. Je sens aussi que je ne dois pas étre troublé par la peur. Tous les jours qu'on est debout, devant le temps qui file, on sent que quelque chose nous attend. Un imprévu. Pas forcément une chose qu'on a toujours eu envie de faire. Mais toi, moi, nous aimerions réaliser nos réves. Voilà donc le pessimisme, c'est dans la mesure où nous ne savons pas ce que l'avenir nous reserve. Nous avons de grandes responsabilités en cour. Je dis grandes responsabiltés car rien ne doit étre minimisé. Le diabolisme de ce nouveau monde, c'est qu'il y a tant de choses qu'on peut acquérir et qu'on a en méme temps peur de ne pas avoir la chance effleurer. La grande chance, ça sera de tourner le dos à la misère. Moi, je dis que celle-ci est omniprésente. Il n'y a pas de misère. Alors on te dit part parce qu'ici il n'y a rien. Rien? Non! je dis que c'est faux.
Je me répend sur l'herbe de la nuit étoilée. Je suis mordu. Je porte un air. Je suis celui qui se cherche toujours et évite de se plaindre. Nuit, prend ton envole. Emméne-moi vers je ne sais où. Mais que ce lieu dont je réve ressente la presence et l'amour de mes sublimes amours. Je t'aime nature! Douce prison que j'appelle en cette nuit de Janvier! L'esprit étalé sur l'Alsace. Et tout qui s'éléve au dessus de moi. Je vois encore les miens, mes frères d'armes, mes amours, maman grand-mère.
Je m'en vais. Je reviendrai. "Pars mon enfant, dit-elle. Quand tu seras grand, tu n'auras pas de problémes. Tu ne connaitras rien de tel. Tu as ma bénédiction. Prend ton envol. Mon espoir!". Moi ton espoir, maman.
Moi, ton espoir. Et tu me laissas virer par un coté obscur. Que tu ignores encore. La vie, vaste desert. La chance partout et appartenant à chacun de nous. Mère, dans cette nuit tu me voies partir. Je suis parti. Que tu ignores encore cette vie, celle d'ici! Il fait froid, il fait chaud. Il y a des hommes. Des enfants, des jeunes filles. Des gentils et des pas du tout gentils. Des saligauds. Des petits hypocrites. Tu n'en sais rien. J'en sais plus que toi.
Avant de partir! Je revis quelques instants. Une fraicheur, une langueur me pénétre le coeur, le corps, l'esprit. Une foudre! Une de très legère qui me laisse filer du coté de mes années de gamin. Maman qui était présente quand il fallait prendre sa douche. Autres mystères de la vie, d'une guerre sans fin. J'oublie pas le jeune homme que j'étais. Plein de mystère. Sympathique. Innocent par nature. Il n'y a pas lieu de se plaindre. Mon pays. J'y ai joué un role. Avec mes défauts. je me rappelle avoir été accort, taciturne, dans mon petit coin. C'est vrai, je ne parlais à personne parfois. ça m'arrive ici, de temps en temps. Mais je n'ai pas ce courage là. Ce courage que j'avais d'étre un casanier. Dans ce pays, je suis celui qui fuis la solitude. La solitude qui te tue naturellement. Je ne cherche pas à faire le solitaire. Je ne porte pas de masque. Je porte un nouveau masque dans mon coeur. Mon pays, je persiste, me manque.
Je songe à me délivrer de ce sentiment de peur que j'execre sans limite. L'idéal de l'homme c'est de vivre une vie dépourvue de toute condition de misère. Moi, je m'avise, et cela tout le temps, de changer de ton et d'humeur dans ma manière de concevoir la vie sur terre. Changer par la quéte d'une existence qui frole, de près ou de loin, la perfection. Une vie bardée de sens. Ce qu'il faut en ingrédients pour ne pas se plaindre de Dieu et de l'étre au et du monde. Une vie qui se résume à ne rien voir dans le cours des choses que des conditions sinéquanon pour évoluer positivement dans cette vie. Ne plus réver deraisonnablement. Une vie simple. Gravir un échelon. Des échelons. Aimer les choses qui m'arrivent. Rester zen. Ne point me laisser abattre par quoi que ce soit. Déraisonnablement. C'est un discours comprehensible.
La peur, ce n'est pas du pessimisme. Elle nait du réve et craint de tourner en cauchemard. Non de la peur, mais plutot de l'incertitude. En pire. De l'incertitude qui effraie. Un fleuve troublé par une goutte de pluien une égratignure du réve qui se transforme en une plaie indélébile. Après ça sent l'infin. On vit avec car c'est ce qui fait notre force. Une goutte et des gouttes. Encore et encore. Oh la jeunesse. Que c'est splendide. Avec des réves! Le monde moderne et ses réves les plus fous. L'occident et ses exploits. La jeunesse, elle, garde son sang froid. Elle veut dénicher un trésor. Un secret enfoui dans le tréfonds de l'histoire de chaque famille qui ne souhaite pas voir ses enfants crever de faim.
Quand on est jeune et qu'on réve trop, la peur surgit dans la mesure où on igonre ce que nous reserve l'avenir. De plus, y a toutes ces choses qu'on apprend et que les autres racontent. Les médias, les hommes d'expériences, les chomeurs, les bourgoies et les enfants qui n'ont encore rien. Les enfants comme moi. Dans ma position, je suis un peu pris d'éffroi. C'est sans doute parce que je conçois la responsabilté comme quelque chose de noble et qu'il faut savoir en prendre soin. Je me suis toujours promis de bien faire les choses. Et là , ce qui me taraude, c'est de savoir que je parviendraià mes fins. L'incertitude, c'est le fait que je n'ai encore rien accompli jusque-là et que je poursuis mes reveries. Je m'égare quand je m'imagine épanoui, avec à mes cotés toutes les choses que les humains désirent se procurer.
Oh le temps qui passe! Et la vie qui m'embarasse parce que tout ce que je vois et sens n'a rien de grand. Rien de grandiose. Il faut le dire. Je suis optimiste, je ne peux m'en empécher. Mais j'ai peur. J'ai peur pour moi. J'ai aussi peur pour l'humanité. Mais l'humanité c'est moi. Que deviendra notre unique paradis que nous connaissons et que nous ne maitrisons plus guère? Notre paradis la terre se retournera-t-elle bientot contre nous en raison de notre orgueil d'étre inlassable à la quéte d'une vie meilleure et libre? Libre? Que dis-je? Le monde n'a jamais été libre parce que les hommes n'ont jamais pu avoir la conscience tranquille. Ils ne sont jamais que tous les jours le sentiment prédominant est un sentiment de plénitude. Parce que les projections futures restent pessimistes et déja sur toutes les lévres revient sans trève " la fin du monde". Voilà donc pourquoi j'ai peur, toutes les nuits avant de m'endormir. Je ne pense qu'à l'avenir des hommes, de mes frères, de mes soeurs. Et aujourd'hui, pour le moment, je réve d'une seule et unique chose: que le monde soit libre.
Devant ma fenètre, je ne cesse de penser à ce que je deviendrai un jour. Parce qu'en effet, ce qu'on apprend quand on devient majeur c'est comment gagner sa vie, devenir maitre de son destin et de sa destinée. Dans les années à venir. Je fume une cigarette et soudain, pris d'effroi intérieur, une sorte de sensibilité responsable, j'eus l'intuition forte et rationnelle que l'homme est sur la terre pour apprendre à vivre mais pour le futur. C'est une sorte de course interminable et qui malgré tout a une finalité que ne connait qu'en vertu de nos efforts. Et tu cours et tu t'arrétes. Encore et encore. Tous les jours. Alors quand on y refléchit, à cette course effrenée à la recherche de quelque chose qu'on ne posséde pas, qu'on attendait depuis toujours, et qu'on attend encore, on se dit en fin de compte que l'essence du temps consiste dans le fait que nous recherchons toujours ce petit quelque chose, enfoui dans les entrailles du futur. Je viens d'eteindre ma cigarette. Le temps passe.
Le lien qui existe entre moi-chasseur et tout ce qui m'est extérieur, ce que je convoite, le succés, est un lien qui n'existe pas encore, sur lequel je suis en train de réfléchir et qui semble-t-il donnera un sens à mon existence. Je ne fais que cogiter puis que j'ai des soucis à combler mais qui n'existent que parce que je les fais exister. Qu'est-ce-qu'aujourd'hui l'existence en fin de compte? C'est le fait de ne pas exister, il n'y a pas de vraie liberté, en cela que nous ne vivons pas le présent. Exister c'est ne pas étre libre. Il y a le fait que tout ce qu'on fait n'est pas dénué de l'idée de ce que ça pourrait avoir comme conséquence sur notre avenir. L'avenir devient ainsi une infinité de programmes, un agenda rempli de questionnements qui sortent de nos inquiétudes pour nos lendemains. Du genre un porte-monnaie, bombé de monnaie mais qu'on range dans le tiroir. Nous restons des étres du futur et le présent n'est rien d'autre qu'une fatalité, qui en elle-méme ne renferme aucune idée de fatalité. On essaie de vivre le présent en fonction de nos présents à venir.
Si la valeur du temps est liée au fait qu'il est à la fois fait et pensée, alors je m'en remets à cette activité libératrice qu'est la méditation. Je viens de finir de manger. Je me suis carré un tantinet sur le siége de mon bureau. Ne pouvant y rester longtemps, me suis enfin dirigé vers ma croisée. Dehors le bruit ahurissant des passants, des étres fragiles, mondains, ivres, mais occupés à hurler et à se lancer des regards de je ne sais pourquoi, ne me distractait point. Soudainement fus saisi par cette phrase freudonnante, chantante, lyrique, épique, qu'on a trempé dans un train qui a un trait de sagesse . C'est Euripide. Poéte tragique grec. Il dit: " la force n'est rien sans la refléxion". Euripide, tu n'as pas tort. La reflexion est une phase de durcissement de la force. La force a une raison. Elle ne doit pas étre la raison du plus fort, du plus riche, du plus aimable ou du plus généreux, mais celle des gens qui ont un coeur.