Déménagement
amaende
Ma première fois c'est fait entre deux cartons. Presque...
A chaque déménagement, j'ai la possibilité de changer de vie. Pourtant je reste toujours la même. Tout les ans, je déménage. Depuis toute petite, et jusqu'à hier encore, à peine. C'est ma vie qui veut ça. Mais c'est moi qui le réclame. J'ai même choisi mon métier pour ça....
Question de principe, je voulais que mon premier « homme » soit aussi vierge que moi. A part « ça », et la profession de mon père gendarme, je n'avais rien d'autre à cacher ou préserver.
Cette année là, j'avais donc deux épreuves à passer : le bac et mon dépucellage.
J'étais pourtant à cet âge ingrat où il te faut être femme (et nous étions loin de la définition actuelle que je m'en fais) alors qu'il faudrait encore rester enfant, le temps d'en profiter encore un peu...
Dans mon précédant bahut, j'avais remarqué que dès la rentrée, et maximum au bout d'un mois, les couples étaient déjà formés. Étape cruciale que j'avais toujours bien loupé. Maintenant, nous étions fin août, nous venions de débarquer et le temps m'était donc compté. A Guéret, petite ville perdue dans le milieu improbable de la France, le seul centre d'intérêt reste la piscine municipale. Si j'ai hérité de ma maman une peau naturellement halée dite « des îles » (alors qu'elle est originaire de Bondy en Seine Saint Denis !), je cache aussi un petit 80 A de poitrine... Enfin, cacher n'est pas le mots quand tu te dis que tu n'auras définitivement jamais de poitrine... Mais le côté androgyne et dépouille de la mode « grunge » de l'époque me permettait de cacher cette « absence »... Par contre en maillot de bain...
J'ai donc décidé de prendre les devants et d'arborer un deux pièces assez minimaliste : blanc avec plein de microscopiques fleurs rouges. Il fallait que je me mette en valeur par rapport aux garçons. Et pour les filles, suffisamment en imposer, sans trop en faire, pour autant... De toute façon, je savais comment mettre ces dernières forcément dans ma poche : se confier et cancaner sur autrui.
J'ai rapidement préféré être dans l'eau ou bronzant sur le dos. Une fois mouillée, ma mini-culotte de maillot de bain à dominante blanche était littéralement transparente.... Hyper-épillée de partout, sauf du maillot (berk), et brune comme une Naomi Campbelle de magasine, mon entrée comme sirène dans le Landernau local fut des plus remarquée. Les garçons étaient fous de bêtises (pour ne pas changer). Et proportionnellement, les filles, jalouses comme des harpies. Non ; pas comme des harpies, mais comme des pauvres cul-terreuses qui feraient mieux de se battre contre leur consanguinité intellectuelle locale, au lieu d'avoir peur de l'inconnu(e). Si les garçons se font gifler d'une remarque bien placée : et oui je suis une fille qui parle ET qui répond ! Les filles resteront toujours de petites connes vu qu'elle ne pensent qu'à leur petit cul perso. Foutaise de solidarité féminine ! Cette après-midi de piscine désastreuse, m'a peut être sauvé, en obligeant ma tête à réfléchir, ...et mon corps, s'abstenir... Encore un peu...
N'empêche que je n'avais aucune info (filles comme garçons).
7 septembre. La classe, les profs, l'emploi du temps, les bêtes de filles toujours légères, et les garçons bêtes plus ou moins lourds. Mais toujours aucune info. Qui et qui ? Et qui m'est promis, aussi ? Surtout. Ou du moins qui passera ce cap avec moi... Sur quelle(s) copine(s) pourrais-je aussi m'appuyer, me confier, m'apesentir...
Puis, Tu m'es apparu. Mon premier homme de mon xième vie de petite voyageuse. Tout à la fois, mon copain, mon confident (voire mon confessant), mon petit ami, mon mec, ma meilleure copine, etc...
Mon (Premier) Homme.
Pas le plus, beau, pas le plus en avant, pas le plus en arrière, ou arriéré, non plus (sûrement pas, même). Le gars moyen. Discret. Mais un mec bien. Sûr.
Ce qui m'a fait craqué chez toi ? C'est ton esprit de justice. Un lycée reste une micro-société avec ces bonheurs, ses malheurs et autres grandes injustices. Tout y est réduit et concentré, comme dans un péssimiste prémisse à la Vie à l'extérieur. Cette soif de vérité aussi, à toujours et sans cesse questionner les profs, les remettre en question, voir les faire douter. Tu les ramenais à notre taille, sans pour autant qu'ils s'imaginent déboulonnés de leur piédestal (les pauvres). Ton côté grunge aussi. Mais plus dans la tête que dans tes fringues. Si c'est grâce à la musique que nous nous sommes rencontrés, c'est grâce au punk que tu m'as séduite. Tu m'as toujours décrit ça comme l'aboutissement de toutes les luttes. Je n'ai jamais bien compris, je buvais simplement tes mots, ta vision du monde...
Au bout de quelques K7 et CD échangés, je t'ai demandé si tu avais une copine. Et si tu l'avais déjà fait.... Tu m'as répondu direct la vérité. Bluffant de sincérité. Le jour suivant, tu m'as dit avant de m'embrasser un truc comme quoi rien ne serait jamais pareil après « ça ». Fallait que tu me le dises. Que tu m'en parles, c'était plus fort que toi. Je ne sais toujours pas si j'ai bien compris ce que tu as voulu me dire à ce moment là. Enfin si, j'ai compris. Mais voulais-tu me dire la même chose que ce que j'ai compris ?
Nous étions seuls à deux, parmi tout le bahut. Une crise d'ado à retardement comme disait ma mère. Non : nous étions deux parmi l'idiote et débile foule sans âme de ce monde putrescible, c'est tout. Et mon père de me tomber dessus : « Maéva : tu fréquentes un garçon ?! Tu m'as compris. ». C'était fait. Reçu clair et net, Chef d'Escadron ! Et ma mère de parler de ses premières règles, et de ce que veulent les garçons, et de la rencontre avec « ton papa », et du temps de sa grand mère, et du sida et des drogues, et de ce que je crois vouloir dans la vie, mais que ce n'est pas moi qui le veux, en fait, et que j'aurais bien le temps quand je serais plus grande ET marié, et que le bac d'abord, et qu'après on verra, etc...
Je n'en pouvais plus. D'élément du packtage du couple de gendrame militaire de base, je suis devenue subitement élément suspecte, voire subversive. Terroriste infiltrée dans ma vie de personne en devenir.
Femme ?
J'avais donc une urgence de m'offrir à toi. M'ouvrir enfin. Il me semblait que passé ce cap, se serait définitivement plus clair. Comme avoir son premier vélo, ou scooter, son permis, son bac, (Le putain de bac !), son DEA, son appart, sa voiture, son PC, son portable (le téléphone), son écran plat, son portable (l'ordinateur cette fois-ci, mais un en plus de celui du boulot), son mec, son premier gamin, sa maison, sa fille, son amant, son xième autre gros con de mec dans sa vie qui s'y croit comme pas permis les deux pieds sous la table, son chien, son lecteur DVD, son MP3, sa connexion haut débit... etc...
Je regrette un peu de m'être sentie obligée de le faire. De part la « société », je veux dire. Je ne regrette en rien de l'avoir fait avec Toi. Bien, bien au contraire. Jamais un mec à été aussi doux et prévenant que toi avec moi. Tout coulait de source. Et j'y ai bu à douces gorgées... Comme si nous étions connu depuis tout petit. Aucune appréhension. Rien comme douleur ou sang... Un bonheur, même si je ne me rappelle pas d'avoir eu du plaisir « physique ». J'avais de la joie. La joie de le faire. De le faire enfin. De Toi aussi. J'avais du plaisir de l'inconnu (le truc, le passage). De Toi aussi. Mais pas de plaisir de sensation « physique » à cet endroit. Là où ailleurs sur mon corps. Je me suis ouverte à toi, tu es venu en moi, silencieusement, doucement. Puis un moment ce fut fait. Tu avais joui. Tu avais joui en moi. Nirvana « Something in the rain » sur ta chaîne. Je t'aurais gardé à vie. J'aurais aimé mourir à cet instant. Avec Toi.
Puis nous avons déménagé. Nous étions déjà en juin.
Il fallait partir, mon père est une sorte de super gendarme. Un gendarme de gendarme, en fait qui va à droite à gauche ramener justice et droit parmis ceux qui devrait être là pour ça... Un voeux pieu à lui tout seul !
J'ai même eu mon bac, tu sais...
Et oui, je t'écris d'une autre époque grâce à notre fille. Et oui, tu es père d'une superbe Eloïse qui a tes yeux et ses quinze ans. Hyper connectée à ce monde virtuel, au milieu de ses adresses internet, de courriel, de MSN, de chat, sans parler des sites de rencontre où elle m'inscrit à chaque fois que nous emménageons quelque part, je suis tombé sur ce site. Par hasard : j'ai juste restauré la dernière cession ! Promis, je ne la flique pas !
Se renseigne-t-elle pour elle ? L'a-t-elle déjà fait. Est-elle venue déposer sa contribution ? Je ne sais pas. Je ne veux pas le savoir. Moi, ici je pense essayer (encore) de t'y chercher. T'y trouver. Ou au moins retrouver trace de toi, à défaut de te retrouver.
Je ne sais même pas ce que je fais là, en fait. Et en tout cas, je viens ici te saluer.
Merci Serge.
Maéva.
PS : Maéva P. à Guéret en 1993-1994 Lycée Pierre Bourdan Terminale ES.