D'encre et de papier

mamselle-bulle

6  juin. 22h.

Lou tapote sur sa cigarette pour faire tomber les cendres. Elle fixe la fumée et se dit que sa vie ressemble un peu à un brouillard épais depuis quelques temps. Elle a fait le choix de briser le silence. De questionner ses proches sur ce qui pourrait expliquer son amnésie. Elle en paye les conséquences aujourd'hui. La souffrance qu'elle provoque autour d'elle, le sentiment d'égoïsme, la culpabilité. Tout ce mélange d'émotions entremêlées.

 Lou n'a plus d'autres choix, elle ne peut revenir en arrière, elle ne peux donc qu'aller de l'avant en espérant que demain, chacun se sentira un peu mieux qu'hier et ainsi de suite, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elle voit à nouveau des sourires se dessiner sur leurs visages.

Lou repense a sa vie, aux rencontres qu'elle a pu faire, les belles, les autres, négatives sur l'instant mais qui enseignent toujours quelque chose tout de même. Lou se souvient des gens qu'elle a pu aimer, de ceux qu'elle aime encore, de ceux qu'elle commence tout juste à apprendre à aimer. Elle s'efforce de mettre à distance les souvenirs de pertes et d'abandon, elle s'efforce d'apprendre le lâcher prise, le fait de vivre dans l'instant présent. La chose n'est pas aisée quand on a la mémoire en gruyère et que par conséquent on ne sait pas vraiment qui on est.

Alors Lou sent la tristesse l'envahir, elle attrape un stylo et fait couler l'encre, elle qui ne sait pas laisser les larmes glisser le long de son visage. Elle se sent femme d'encre et de papier, les mots défilent, imprécis, tranchants, elle se soulage de tout ces chamboulements, elle se soulage de la colère qu'elle peut ressentir envers certaines personnes, mais surtout de la colère tenace qu'elle ressent vis-à-vis d'elle-même.

Lou  enchaîne les cigarettes, son appartement ressemble au fumoir d'une boîte de nuit glauque et mal éclairée, elle colle son nez à la fenêtre, repense aux oiseaux venus en nombre se poser dans son jardin le matin même. Se prend à rêver qu'elle sait voler. Voudrait se sentir aussi libre qu'eux. Lou voudrait pouvoir quand l'envie lui prend, partir ailleurs en quelques battements d'ailes. Lou est vidée, d'énergie, de mots, elle ferme les yeux, repense aux vacances récentes avec sa meilleure amie, la femme la plus importante de sa vie, elle sourit, le positif existe, le positif existe.

Est-ce qu'ils vont pouvoir lui pardonner de vouloir avancer ?

Lou se sent femme d'encre et de papier.

 

Signaler ce texte