Dernier instant
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La nuit tombait, il courait dans le sous-bois, s’écorchant bras et visage aux branchages des arbres.
Il courait comme il courait à quinze ans, de sa foulée souple et régulière, dans ce grand stade où il avait gagné tant de courses.
Il courait et c’était la guerre. Il entendait les soldats ennemis et leurs chiens à ses trousses.
Dans la lumière du jour, il montait sur le podium. Il recevait sa coupe et son regard croisait celui de sa mère, fier et heureux.
Cette guerre était devenue la sienne. Pour que son pays retrouve liberté et dignité. Cela faisait deux ans qu’il la menait, avec l’insouciance de ses vingt ans. Mais il savait aussi que chaque chose a un prix.
Il courait et ses coupes s’accumulaient dans la vitrine en pin clair que son père lui avait offerte. Ses coupes, d’argent et d’or, qu’il regardait chaque soir avant de se coucher et que sa mère nettoyait soigneusement chaque dimanche avec un chiffon doux.
Il faisait nuit à présent. Sa course s’était ralentie, il cherchait son passage dans la densité des feuillages. Les aboiements se rapprochaient. Cette guerre, il aurait aimé en voir la fin, savoir qu’ils l’avaient gagnée, que le droit et la justice triomphent toujours.
Il aurait aimé courir à nouveau dans le grand stade ensoleillé de ses quinze ans. Il aurait aimé voir à nouveau le sourire de sa mère.
Il courait. Les chiens étaient proches. Il préféra les balles aux crocs.
Il s’arrêta et se retourna.
Très bref, très fort, les sensations ressortent très bien : on croit entendre le souffle de la respiration, on croit voir la scène se dérouler...
· Il y a environ 13 ans ·violetta