Dernière violence

madmoizelleplume


Refermant la porte sur une soirée de rêve, j'illumine de ce bonheur unique. La magie de l'instant qui vient de se terminer pose un baume de béatitude sur les heures à venir. La relation qui se construit depuis peu est si belle, si idyllique qu'elle semble irréelle. À l'extérieur, réalité contrastante, des ondées glacées tombent fortement, novembre établit déjà son règne. C'est une de ces nuits où le vent fait tanguer aussi violemment les arbres que les âmes.

J'inspire à plein poumon ce que j'accueille comme une bourrasque de renouveau avant de prendre le chemin du retour. Légère malgré le temps, j'affronte la pluie qui s'intensifie, encore un peu dans ses bras, des bras de flammes et de douceur, des bras qui me tiennent au chaud malgré la froideur.

Au tournant de la rue, une ombre me prend en chasse, mais je la ressens trop tard. C'est toi, mon cauchemar des derniers mois, l'homme que j'ai un jour aimé, mais qui a outrageusement tout détruit d'un courroux quasi permanent. Ton esprit vengeur t'a mené jusqu'à moi, maintenant j'en subirai les terreurs. C'est une nuit rouge; l'enfer brûle en chacun de tes gestes, Satan a pris les rênes de ta conscience, son spectre dansent dans la folie de ton regard.

« Je te veux
-Plus jamais
-Je te prendrai, tu pourras pas m'résister »

Ton délire éthylique t'embrouille l'esprit, ton sang, impulsif, demande mes cris. Ton souffle empeste les relents de ta perdition. Mais je ne te céderai pas, d'aucune façon. Mon bonheur à défendre, mais aussi ma Paix. Tu m'accules contre le mur, déploies ta force comme argument:

« Tu es à moi, tu le seras toujours »

J'ai été à toi, dans une autre vie, celle que tu as oublié de vivre. Maintenant je suis partie loin... très loin de tout cela. Tu lis dans mon silence, le mutisme de mon coeur que c'est définitivement terminé. Je le comprends à l'étincelle folle qui vrille en tes yeux. Tu as compris... mais tu n'abdiqueras pas!

Tu veux salir l'image de ce qu'il reste de nous en toi, pour pouvoir me détester tout autant que tu te détestes déjà. Tu veux me faire la rage pour effacer l'amour dont lui, a su me griser. Tu veux que je te demande grâce alors que de tes coups, tu sauras me briser. Mais je ne te donnerai rien, pas un son, pas une larme, pas un cri. Je resterai froidement soumise, impassible et grise à te regarder souiller ce corps qu'un jour, je t'ai partagé, déjà si habituée à subir les foudres de ta haine.

Sous la pluie froide, s'entame un combat gagné d'avance. Sans pitié pour les souvenirs, tu déchires ma veste trempée et encastre mon corps aux murs de ta violence. Dans une ruelle infecte, les ombres en témoins, tu saccages ma chair de tes mains hystériques.

« Tu la veux, je sais bien que tu la veux » me cries-tu dans un rire sadique.

Et d'un coup, sans appel, tu me transperces brutalement de tes ardeurs malsaines. Toujours d'apparence impassible, je ne suis plus en cette chair qui hurle de froid. Le froid des sens, mais aussi de l'âme qui te voit mépriser outrageusement tout ce qui pouvait rester de bon en toi. Mais je reste là, insensible, une poupée en martyr au zénith de ta démence, sachant que toute résistance décuplerait ta fureur. Tes mains sur ma gorge, c'est avec toute ta hargne que tu me martèles. Sans cesse, tu répètes que je t'appartiens, que seul le parfum de ta peau a le droit de me faire gémir, que jamais plus, je ne serai tranquille. Tu hurles ta jalousie en tes mots et tes coups. Bientôt, mon corps ne sera plus que sangs et vestiges, ma conscience l'ayant quitté depuis un moment déjà, étouffée sous l'emprise de ta haine.

Regardant maintenant la scène de l'extérieur, ma vie n'étant plus, mon âme verse des larmes de sang sur ce passé qui aura eu ma peau, sur cet avenir qui venait de mourir. Cet avenir qui justement, se pointe à l'entrée du massacre, le sac que j'avais oublié entre ses mains, ajoutant l'ignominie à l'abomination. Surpris en pleine furie, tu reviens brusquement à la raison prenant conscience de l'ampleur de tes ravages lorsque tu constates ma dépouille mortellement meurtrie entre tes bras. L'horreur peint alors les traits qui, il y a un instant à peine, souriaient perversement. Pris de panique tu t'enfuis, le laissant là, lui, mon paradis avant l'enfer, impuissant devant l'irrémédiable à stigmatiser en son âme l'image du fruit de ton délit démentiel. Sous la pluie de novembre, mon idylle s'est fixé dans l'éternité dans un écrin de douleurs... et ce sont ses larmes qui m'ouvriront les portes du ciel.

Signaler ce texte