Des bribes (5)

marie-alster

La salle est vaste et claire, aluminium et murs blancs, et ordinateurs aussi, pour consulter les archives numériques. Pas de bruit ici, l'ambiance est feutrée et les gens sérieux, penchés chacun sur leurs vieux documents. Les pages font scroutch scroutch en se tournant, ou quelque chose d'approchant, mais en plus doux, car le papier est fragile et mou, le temps ne l'a pas épargné. Je m'assois à la place qu'on m'a assignée, numéro 13, en bout de table face à la fenêtre. De l'autre côté, un vieil homme prend des notes; il touche de ses gros doigts des feuillets ambrés qui émergent d'un emballage de protection, comme de la lingerie fine dans du papier de soie. Au bout de son nez se dressent de très longs poils blancs, toute une forêt ou presque, un bosquet de poils retors et épais, blancs comme la neige, un peu frisés à la pointe. Je l'observe de biais et me demande si plongé dans sa lecture, il finira par y passer la main, enroulant ces poils étranges comme d'autres font glisser entre leurs doigts une mèche de cheveux doux nichée derrière l'oreille.

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