Des coquelicots pour Honorine

madame-c

récit d'une toute première fois

Le petit garçon adore les coquelicots. Enfin, non, pour lui ce sont en fait des « coliclos ». Il s'émerveille devant leur couleur rouge et se pose beaucoup de questions au sujet de leur fragilité. Le petit garçon aime toutes les fleurs, il en voudrait partout et tout le temps ; mais en cette période où les champs rougeoient de leurs éclats, cette petite fleur éphémère semble avoir sa préférence.

Chaque matin, sur le chemin de l'école, avec sa maman, ils croisent de grandes prairies qui en sont remplies, jouant les « tentatrices » avec ce petit garçon, qui chaque matin, inlassablement, demande à sa maman à faire une halte champêtre. Et chaque jour, la maman est obligée de frustrer son petit garçon, non par principe d'éducation, mais parce que cette maman (comme toutes les autres), court après le temps.

Et puis il y a eu ce matin. Ce oui, prononcé par la maman, en réponse à la énième complainte du petit garçon. Un matin plus tranquille que les autres. Cette rangée de coquelicots à portée de mains qui ne retarderait pas l'arrivée à l'école. Voiture garée, et bouquet minutieusement composé sur les instructions d'un petit garçon très exigeant en la matière.

Le petit garçon, le bouquet de fleurs à la main, arbore un sourire flamboyant quand survient l'annonce : « Maman, je pourrais peut-être offrir un coquelicot à Honorine ? ». Ah ! C'était donc là l'origine de de ses suppliques, de cet empressement. Le but ultime : que sa maman accepte enfin de s'arrêter avant d'arriver à l'école pour pouvoir offrir à Honorine une jolie fleur !

Mais qui est cette Honorine ? A quoi ressemble- t-elle ? Honorine, prénom synonyme des tous premiers émois du petit garçon (c'est dire combien il est important). C'est ce prénom, que le petit garçon devenu adulte se remémorera peut être, à l'évocation de ses souvenirs d'enfance.

Se souviendra -t-il aussi de ce jour de fin d'année scolaire de sa première année d'école, où il offrit pour la 1ère fois des fleurs à une fille, de ce merci prononcé tout doucement et de ce doux bisou posé sur ses lèvres ?

Le petit garçon a vécu ce jour-là, sans s'en rendre compte, un moment fondateur.

N'aura-t-il de cesse de retrouver la saveur de ces premiers émois, une fois l'âge venu ? Choisira-t-il par le plus grand des hasards une Honorine, ou quelqu'un qui ressemblerait vaguement à la petite fille de l'époque ?

La journée pouvait alors commencer pour la maman du petit garçon, auréolée de cet exquis instant, de ceux qui enchantent toute une journée et plus, de ceux qui font taire les ras-le-bol et les doutes. Ces instants-guérisseurs, comme l'odeurs de l'herbe fraîchement coupée, comme l'écho des rires dans le jardin une fois le silence de la nuit venu.

Il a suffi de ce petit rien pour enchanter bien au-delà des heures d'après..

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