(dés)Espoir
leeman
11 janvier 1978,
Je crois que depuis ce jour, je n'ai rien connu d'aussi triste. Et dès lors que chaque soir, la nuit fait face à moi, l'isolement refait surface. Oui. Tout est une épreuve sans fin, à laquelle je ne m'oppose pas, ou plutôt à laquelle je ne m'oppose plus. C'est un combat auquel j'ai renoncé, et le désespoir est un ennemi contre lequel j'ai cessé de résister. Non pas par lâcheté, mais parce que j'ai compris qu'il était inutile de fuir la réalité, rien ne peut me faire oublier cet isolement, et rien ne sait me faire oublier.
Durant ces mois, qui furent longs, qui furent interminables, j'ai réfléchi ; je n'ai pourtant pas non plus choisi d'en finir avec moi-même, je n'ai pourtant pas souhaité mourir, non. J'ai compris que la vie n'était pas subie, mais elle était offerte, comme un cadeau, le plus précieux qui puisse être de toute notre existence. Et qu'elle soit partie m'a fait comprendre que je ne devais pas renoncer à vivre. Là ou beaucoup auraient lâché prise, et auraient abandonné... J'ai tout fait pour m'accrocher.
J'ai maintenant 24 ans. Je suis heureux, j'aime à nouveau. Mais rien ne pourra subsister au manque qui demeure toujours en moi. Même tout l'amour que l'on pourra me donner ne sera pas le même, sera d'une autre nature. Voilà qui, encore, m'attriste malgré tout. Et il n'y a aucune morale à tirer de tout cela, et la pensée qui prédomine dans mon histoire est une pensée qui vagabonde, sans jamais trouver de quoi l'intéressant suffisamment pour qu'elle se fige. Ma pensée virevolte et danse divinement bien, mais sans plaisir, mais sous le supplice.
26 juin 1986,
Intriguant, vieil ami. Je sais que mon histoire saurait te lasser. Elle n'est pas riche en couleur, elle n'est pas splendide ; elle n'est que vaine, mais je ne peux m'empêcher de te la conter. 8 années ont passé, et les voilà écoulées, irrattrapables... Je pense que je le regrette. J'aurais dû aller de l'avant tant que je le pouvais. Maintenant, je me sens vieux. Je n'ai que 32 ans. Trouves-tu que je suis jeune ? Trouves-tu que j'ai encore le temps de refaire ma vie ? Je ne sais pas, et j'hésite très sincèrement. Chaque jour qui s'en va est détestable. Je ne les déguste plus, comme je le faisais jadis, quand j'étais aimé...
Je ne peux cesser de pleurer quand je pense à elle. Je trouve mes écrits lamentables, la seule beauté qu'ils prônent c'est leur laideur. Un son dissonant qui détruit mes oreilles est plus agréable à supporter que de relire mes mots. C'est pourquoi je n'écris plus, c'est pourquoi je n'aime plus m'asseoir à ce bureau vieilli et poussiéreux, et je n'ai plus la passion de l'écriture qui me faisait me courber pour rédiger mes pensées. Déjà 11 ans... bon sang. 11 années, tellement longues, tellement fades. Je n'ai jamais autant pleuré. Et ça me rend tout aussi triste que tous essaient de combler ce manque... Leurs efforts me touchent profondément, mais... C'est comme espérer sortir de sa tombe. Rien ne me console. Plus tôt, je disais que le désespoir était mon ami, mais désormais, j'ai véritablement le sentiment d'être le désespoir, non pas de l'interpréter comme au théâtre ou au cinéma, mais d'y apporter quelque chose... Oui. De lui apporter encore plus de peine et de morbidité ; c'est atroce, mais je vis le malheur, et je m'y plais. Je désespère d'en sortir, et mon seul espoir est de l'être pour toujours.
Et j'espère qu'un jour, mes yeux comme des fentes seront vides, aussi creux et effrayants qu'un cœur mort détruit par la douleur.