Erigez des murs, des murs contre les flots. Des flots d’hommes jetés noyés, des flots ensevelis sous la mer, milliers millions qui s’agitent, marée sans lunaison, entre marécages saumâtres et raz-de-marée putrescent. Des flots d’hommes engoncés englués, balafrés de calamine, engasoilés dans des cales putrides, congestionnés sur des radeaux gonflés de ventres affamés, expirant un eldorado, expirant accrochés à des radeaux sans aide, et les poumons déjà gorgés d’algues. Erigez des murs, des barrières. Des régiments de miradors, taches de lumière crue dans la nuit des réfugiants, des refusants de la misère, des flux usés de semelles brûlées, des flots harassés, vagues de sable infinies, vagues de vagues épuisant leurs visions nomades. Erigez des grillages, des barbelés aux fines lames, coupe-jarret, coupe-route, coupe-espoir de vie tranchées. Erigez des murs, des murs contre des flots d’hommes humiliés expulsés de pays emportés aux remous de l’océan. Vos murs jamais ne seront assez hauts. Et par delà leurs corps démembrés contre des récifs assassins, d’identique façon outrecuidante et belle, montera le flot, glorieux et invincible, de l’océan lui-même.