Des Rêves Oubliés Naquit l’Enfermement
giewz
Les cheminées siamoises crachent l'âpre fumée
Au-dessus de l'usine à fabriquer des drones
Le sifflement strident de mille essaims de clones
Perce le ciel qui souffre dans la nuit exhumée.
La lumière des étoiles ne baigne plus le soir
Et le regard des hommes lui aussi s'est éteint
Le ciel d'obsidienne est un miroir sans tain
L'horizon un vieux rêve qu'on a paré de moire.
Sous les grappes d'espions, chauve-souris modernes
Le vent a pris le pli de l'uniformité
Et le vrombissement de la conformité
Etouffe les voix vives héritées des cavernes.
Le silence n'est plus l'apanage des anges
Les hélices furieuses ont remplacées les ailes
Et nous faisons le deuil des grappes d'hirondelles
Qui traversaient les nues, nos printemps sont étranges !
Les averses se heurtent à l'œilleton de verre
Des hannetons rouillés, des cyclopes sans larme
Et la pluie qui rougit perd sur eux tout le charme
Des gouttes transparentes que verse l'univers.
Les ballons que laissaient s'échapper par passion
Des amoureux faisant un vœu d'éternité
Ne trouvent plus dans l'air l'humble sérénité
De ceux qui vont tranquilles vivre leur ascension.
Le souvenir lointain des jeux de notre enfance
Consistant à donner aux nuages des formes
N'évoque plus rien aux mômes de la norme
Nouvelle, où rêverie est signe de défiance.
Au royaume des aveux, le drone devient roi
Et l'enregistrement la preuve incontestable
Oh comme la justice devient détestable
Lorsqu'elle se fie à l'œil plus qu'à l'esprit des lois.
Au regard bienveillant des nurses dans les parcs
Succède la froideur de ces yeux infaillibles
Et ces mêmes yeux traquent sous couvert de la bible
L'adultère qui se trame le soir au fond des barques.
Les néons crépitants des cafés d'autrefois
Sont éteints pour ne pas altérer les rayons
Rouges des scarabées qui pointent leurs crayons
Laser comme un vieux prêtre sa profession de foi.
Les battements de cils des jeunes femmes coupables
D'un écart de conduite, ne trouvent aucune grâce
Aux globes insensibles des gendarmes sans face
Car l'erreur est humaine mais le drone implacable.
Le cancre qui toujours cherche ses antisèches
Ne sachant plus trop quand Jacques Prévert est né
N'a plus aucun espoir de pouvoir faire au nez
Et à la barbe du pion la divine pèche.
Les apprentis poètes qui courageusement
Bravaient l'interdiction d'un père par amour
Ne murmurent plus leurs vers, la nuit au pied des tours
D'ivoire ou pleurent celles qui rêvent d'un amant.
« Ils s'usinèrent et eurent beaucoup de bébés drones »
C'est ainsi que les contes à présent prennent fin
Est-ce littérature ce qu'on publie afin
Que l'ingénierie chasse, l'imaginaire du trône ?
L'instantanéité est l'ennemie du rêve
Sœur de l'impatience qui tue le romantisme
Oh qu'on aime pourtant contempler l'attentisme
De l'onde qui se laisse désirer par la grève.
Le temps ne suspend plus son vol et l'humble cœur
Des amoureux transis dans l'espoir des lettres
Ne bat plus aussi fort et derrière les fenêtres
Plus personne n'épie l'arrivée du facteur.
La blouse immaculée des belles infirmières
Cesse d'émoustiller l'esprit des diabétiques
Et c'est l'acier glacial des pinces métalliques
Qui entre à l'endroit même des fantasmes d'hier
Le vol majestueux des aigles près des cimes
Symbole de liberté et de sa quintessence
Ce que créée la nature peut-il perdre son sens ?
Un drone dans l'azur est un pied dans l'abîme.
Comme celui qui noue, déterminé, sa corde
A la branche d'un arbre soigneusement choisi
Et qui l'accroche au cou de sa propre hérésie
Quand l'acte et la pensée ne sont plus que discorde.
C'est ainsi que les hommes en leur âme et conscience
Ont inondés le ciel à l'ombre de leurs mains
De cet Objet Volant Nuisible et Inhumain
Au motif que le monde des affaires est science
Au grand mat de la vie c'est un drap de métal
Qui s'exhibe au monocle aveugle de la lune
La vigie sacrifiée dans la fosse commune
Couche près du soleil au cimetière astral.
Est-ce donc par fatalisme que l'homme se résout
Sans même se questionner, à concéder ses cieux ?
Et là où l' espérance interrogeait un dieu.
Prierons-nous pour qu'un drone, froid soldat, nous absout ?