Des sablés inoubliables.

petronille

Tante Babette prit une profonde inspiration :

- Allons, ne te mets pas dans cet état-là. Tu es jeune, ça arrive de commettre un faux pas. Tu t’es fait prendre, tu t’es fait gronder, mais tu as rendu la plaquette de chocolat et le commerçant ne dira rien à tes parents. Il en voit bien d’autres, des vols. Moi-même, dans ma jeunesse…

- Toi, Tantine !

- Eh oui, moi aussi, j’ai commis quelques petits larcins… Je me souviens, j’avais douze, peut-être treize ans… ton âge à peu près. Chaque jour en sortant de l’école je passais devant une épicerie qui exposait sur le trottoir des bocaux de guimauve et des sablés en vrac. Des montagnes de sablés qui sentaient bon la vanille, la cannelle, la fleur d’oranger… comme c’était tentant ! Et comment résister ? C’est que j’étais une sacrée coquine, à l’époque ! Je savais y faire. Je longeais l’étal de gâteaux en fixant du regard les bâtons de guimauve, je semblais hypnotisée par ces sucreries, et en même temps je saisissais un sablé et le faisais discrètement tomber dans ma poche. Puis je me grattais ostensiblement le nez, ou passais ma main dans mes cheveux, une main si vide que j’en devenais insoupçonnable. Ah, j’en ai mangé des sablés ! Des kilos probablement, si on pouvait les mettre tous en tas. Je ne me suis jamais fait prendre, moi. J’attendais d’avoir tourné le coin de la rue, je m’arrêtais sous un porche, et je dégustais mon sablé à l’abri des regards. Toujours seule. Ce sont les complices qui vous perdent. Retiens bien ça.

- Mais Tantine, c’est loin tout ça ?

- Loin… pas tellement… Ce serait vraiment dommage de perdre la main… Tiens, reprends-en un à la cannelle, ce sont les meilleurs.

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