Déshabille toi !

toxic

Roman. Extrait

Le lendemain à midi tapantes, elle éparpillait sur le comptoir de son bar des paquets foncés et brillants, avec des noms italiens marqués dessus : Armani, Dolce & Gabbana, Rossetti, Gucci… :

Voyant mon air surpris et renfrogné, elle s'est justifiée :

— Ce sont des vêtements de travail. Tu dois être présentable.

Et elle m'a demandé de faire les essayages directement dans le piano-bar :

— Déshabille-toi, ici, tout le monde s'en fout de voir un homme nu… Tu garderas les cheveux longs, tu me plais comme ça… !

Quand je me suis mis torse nu pour essayer des pulls à la coupe très sobre, elle a posé ses mains à plat sur mon buste. Je me suis reculé.

—C'est pas grave mon chéri… bientôt, tu vas m'aimer…

Les employés s'étaient donné le mot : « ya le nouveau, elle l'a déjà mis à poil ! ». Les nanas souriaient en coin, certaines ne soutenaient pas mon regard, tandis que Kaï, fière de son effet, en profitait de me présenter à tout le monde :

—Regardez ! C'est mon nouveau chéri… ! Il m'aime, il ne le sait pas encore… !

J'étais très froid avec elle mais elle avait cette forme gentillesse qui rend impossible d'en vouloir aux gens et encore moins de les envoyer balader. J'adressais donc un large sourire à mes futurs collègues, tandis que j'essayais les vêtements griffés, du noir, beaucoup de noir, pantalons, cols roulés, vestes. Des chaussures de daim noires et souples comme des gants de chevreau.

Et un manteau. Chaud.

J'ai gardé sur moi mon dernier essayage, laissant sur le comptoir les papiers de soie froissés, les paquets ouverts, pulls et pantalons en vrac et je suis parti : « A demain ! », sans un regard pour Kaï.

Sans un merci, non plus.

 

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