Dessine-moi un mouton

Eddy G.N. Lane

My kingdom for the pognon !

Ce n'est pas ma faute d'appartenir à une génération passée d'une génération perdue à une génération vendue. On dit, d'ailleurs que toutes les générations l'étaient pourries; certaines envoyaient les bandes armées se battre pour la tombe de quelqu'un qui n'était pas vraiment mort. Certaines se sacrifiées pour une société plus juste. La génération bourrée de lsd et d’autres condiments de ce genre proposaient la happiness nommée ''peace and love"! Il était toujours assez facile d’influencer la foule, les cons, les jeunes, tout ça mieux connus sous le nom : la génération!  Oui, mais nous ne sommes pas seulement influencés, nous sommes vendus ! Nous c'est le pognon ! My kingdom for the pognon! Le pognon macht's moeglich ! Moi avec du blé c'est moi entouré de la meuf. De la blonde, de la rousse, de l'Arabe, de black avec ou sans papier. Moi le connard sapé Cerruti, moi avec une smart de frime devant chez moi, avec une Benz tous terrains dans le garage ? Alors je bosse, je défends bec et ongles mes 15 minutes à l’écran, ma redac, la croupe de ma secrétaire.  Je bosse pendant que mes intelos vomissent les red bulls et les scotchs-soda de la nuit dernière.  Tôt le matin je sors pour aller travailler.

La semaine dernière, tout les matins il y avait un mouflet  qui m’attendait devant chez moi avec toujours la même proposition débile :

― Dessine-moi un mouton ! Je passais en vitesse, un sourire aux lèvres, une idée de gifle à l'esprit. Ce matin, en sortant de ma maison j'ai vu le garçon avec un bloque sous son bras. Ça y est, il va foncer vers moi avec son dessine moi un mouton, comme si les temps des petits princes n'étaient pas abandonnés derrière nous, oubliés.       Et puis non, Ce matin rien du tout. Le garçon ne bougea pas, ne dit rien. Il me regardait indifférent. Tant mieux, pas de sourire, pas de gifle, je n'ai pas à m'expliquer, pas maintenant, pas de temps, je te le ferai demain. Je lui fit un signe amical en allant vers ma voiture et puis, intrigué, je lui dis :

― Qu'est ce que tu as dans ton bloc ? Des dessins ?               ― Oui.                                                                                                    ― Ce sont tes dessins ?                                                                        ― Oui.                                                                                                       ― Je peux voir ?

Il me les montra et ce que j'ai vu me coupa le souffle. Ses dessins étaient magnifiques, surprenants.

― C'est, vraiment toi qui as fait ça' ?                                            ― Oui, bien sûr, dit-il et referma son bloc.                                    ― Je peux les voir, encore une fois ?                                                  ― Une autre fois, on m'attend!

Il sourit et partit.

― Attends, attends !

Il se retourna.

― Dessine-moi un mouton !

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