Deux soeurs
Michael Ramalho
-Quitte à tourbillonner sans fin dans les limbes glacés, autant que je m'explique.
-Silence ! Tu es abject.
-C'est faux. Je n'ai rien provoqué.
-Qu'est-ce que ça change ?
-Pas grand-chose mais…
-Tu es ignoble.
Tout commença lors d'une réunion familiale. La grand-mère de ma femme, allait devenir centenaire. Pour l'occasion, son frère avait eu l'idée de louer une énorme bâtisse capable d'héberger une vingtaine de parents. La célébration devait se tenir un samedi mais dès le jeudi, toutes les chambres furent occupées. Jusqu'au jour « j », il n'y eut qu'une boucle vertigineuse de collations, d'apéritifs et de diners, pris tous ensemble dans le salon du rez-de-chaussée. Un matin, je m'éveillai, excité. Avec Lili, nous occupions une suite parentale avec salle de bain attenante. Derrière la porte, le un mince filet d'eau s'écoulait gentiment. J'entrai et la vis, juste vêtue d'une serviette enroulée autour de ses cheveux blonds. Je restai un instant immobile, à la regarder accomplir ces rituels sublimes de la toilette féminine. Mon sexe se raidit. Je le libérai et le frottai contre sa jolie fesse ronde et ferme. Elle sourit dans le reflet de l'espace sans buée que sa main avait tracé dans le miroir. Je mordillai son l'oreille et attrapai sa poitrine. Sa respiration s'accéléra et devint plus bruyante. Je m'agenouillai et mis mon visage entre ses fesses me délectant de son anus et de ses lèvres déjà humides. Elle aimait la brulure de ma barbe entre ses jambes. Elle s'agrippa à ma chevelure et jouit en laissant échapper une partie d'elle-même le long de sa cuisse. Je me redressai et entrai en elle. Elle défit sa serviette et mis dans ma main, une poignée de cheveux. Après quelques va-et-vient, j'explosai à mon tour en lui mordant l'épaule. Je l'embrassai et la laissai à ses ablutions. Quand je regagnai la chambre, la porte s'ouvrit. Je n'eus pas même le temps de dissimuler ma pudeur, que ma belle-sœur Isabelle, me surprit dans le plus simple appareil. Elle posa ses yeux sur mon membre puis prise de panique, sortit précipitamment en criant qu'elle s'était trompée de chambre.
- Là où je suis, noyé dans les immondices, je me dis que c'est cette erreur infime qui a causé ma perte.
-Tu mens ! Ton démoniaque bas-ventre est responsable de tout.
- Silence ! Laisse-moi raconter...
Pendant le petit déjeuner, je cherchai Isabelle du regard mais elle l'évitait. Elle ressemblait beaucoup à sa sœur mais dans sa version brune et dans un corps moins élancé. Tout en avalant mon café, je me dis qu'elle serait facile à soulever et à prendre debout en face à face.
-Tu es ignoble !
-Chut.
La fête avait lieu à quelques kilomètres de la maison. L'excellent sens pratique du beau-frère n'oublia pas les trois vans nécessaires au transport de tous. Tout de suite, Lili se proposa d'en conduire un, tandis que son oncle et son père se mettraient au volant des deux autres. Dans la confusion, je me trouvai séparé de Lili et finis au fond d'un véhicule choisi au hasard.
-C'est un fait exprès.
-C'est faux !
Lorsque la portière claqua, Isabelle se trouvait à mes côtés. Dès que le convoi gagna la route, ses doigts effleurèrent ma cuisse. Interloqué, je me tournai vers elle. Son profil demeura impassible en même temps que sa main poursuivait son ascension. Elle entoura mon membre à travers le tissu et le serra. Elle approcha ses lèvres de mon oreille : Ta bite est magnifique…Je voudrais la connaître. Semblant prendre plaisir à ma confusion, elle sourit tout en poursuivant son exploration de l'intérieur de mon caleçon. Je sentis ses doigts brulants sur ma verge, le va-et-vient très lent qu'elle imprimait et le plat de son pouce sur mon gland. Puis, elle discuta comme si de rien était avec son père.
La cérémonie se déroula sans encombre. L'aïeule souffla ses bougies devant des invités ravis d'assister à l'évènement. Isabelle m'ignora totalement et passa la fête à deviser avec son père. Agacé par son indifférence, je sortis fumer une cigarette. En revenant, je la croisai dans le hall. Après s'être assuré que personne ne nous voyait, elle me palpa l'entre-jambe. Le geste ne dura qu'une seconde mais je dus fuir vers les toilettes pour dissimuler mon état.
-Tout aurait dû s'arrêter là.
-Je le voulais mais…
-Tes bas instincts, hein ?!
-…
Je ne revis Isabelle que six mois plus tard, à l'occasion d'un déjeuner chez son père. Elle vint accompagné d'un certain Mehdi, splendide éphèbe paraissant venir d'une autre planète. Le couple n'arrêtait pas de s'embrasser sans que cela provoque chez moi un quelconque ressentiment ou tout au plus, un frisson désagréable. A la fin du repas, le patriarche me demanda si je pouvais ranger les chaises dans sa remise. Au bout de la sixième rotation, je ressentis le besoin de souffler et sortis un cigarillo. Je m'éloignai du mur de chaises poussiéreuses, imaginant une horde d'araignées tapis entre les barreaux prêtes à bondir et me réfugiai dans le coin de la porte. Un nuage brun parfumé surgit. Aussitôt, Isabelle se jeta sur moi et m'embrassa à pleine bouche. Ses lèvres avaient un goût mentholé et de tabac. Tandis qu'elle me mordillait le cou, elle posa sa main sur ma braguette et commença à l'entreprendre. Sa dextérité semblait sans limites. Elle s'agenouilla. Elle avala mon sexe tout entier.
- Même là tu aurais pu encore arrêter. Au lieu de ça, tu t'es agrippé à sa chevelure.
- Tu n'es pas fait pas de chair et de sang. Tu ne sais pas ce que c'est…Cet élan volcanique…Ce…
-Epargne-moi tes jérémiades !
-Chut ! J'ai bientôt fini.
Nos retrouvailles signèrent l'amorce de nos déflagrations. Nous faisions l'amour du matin au soir. A peine Isabelle ouvrait-elle la porte que je me jetai sur elle et me délectais de son corps. De son côté, elle semblait avoir une soif insatiable de nos ébats. Peut-être pour continuer d'alimenter ce feu entre nous, elle exigea de moi que je lui fasse l'amour tout de suite après l'avoir fait avec sa sœur. Ne te lave surtout pas, me disait-elle d'une voix rauque. Viens-me rejoindre aussitôt après ! L'odeur et la saveur de Lili sur ma peau composaient une fragrance aux effets incroyables sur sa libido. A ces moments-là, nos sueurs luisantes, nos cris et nos tremblements formaient un ouragan céleste qui me soulevait comme une plume.
-Pouah ! Une bien médiocre envolée lyrique face à tant d'infamie.
-Mon infamie ! La mienne ! Moi ! Toujours moi ! Et elle ? Je me suis contenté d'être infidèle. Elle, elle a trahi sa sœur.
-Ce tabou suprême…Tu…
-Les ténèbres approchent. Puis-je finir ?
Un jour, Isabelle esquiva mes attaques et m'opposa un rictus méchant. Sans user de circonlocutions, elle exigea que je quitte Lili pour elle. Si je m'y refusais, tout serait fini. Sa demande déclencha une tempête intérieur impossible à contenir. Elle se radoucit un peu et proposa que nous dévoilions notre monstruosité ensemble.
Le front collé à la vitre, j'observais le scintillement des lumières de la ville. Les quais de Seine, déserts par ce temps, accroissaient mon angoisse. Il avait fallu que la révélation se déroulât ce soir, au bout d'une journée sombre et pluvieuse de novembre. Lili se faisait une joie de recevoir sa petite sœur et dès mon réveil, me tendit une liste de course. Elle avait prévu un bœuf marengo, le plat préféré d'Isabelle. Je devais acheter la viande, une bouteille d'huile d'olive, un bouquet garni et une bouteille de vin de Bourgogne qui assurait-elle, irait si bien avec ce plat. Je pris mon temps pour m'acquitter de ma mission, me répétant sans cesse que je voyais ce décorum pour la dernière fois. J'avais convenu avec Isabelle que j'emménagerai chez elle le soir même. Restait le plus difficile à accomplir : révéler notre trahison. Je me détournai de la fenêtre et mon regard croisa celui de Lili. Elle me sourit, l'air satisfait. Elle vint m'embrasser et annonça triomphalement que tout était prêt. Le fil aiguisé du couperet prêt de s'abattre mêlé au fumet du diner, me donnaient une migraine affreuse. L'interphone me fit sursauter. De l'autre côté du salon, j'entendis la voix métallique d'Isabelle. Elle apparut dans l'entrée, les mains encombrées d'un joli bouquet de roses jaunes. Elle embrassa sa sœur chaleureusement puis se dirigea vers moi. J'aperçus un bref clin d'œil lorsqu'elle approcha son visage. Cette odieuse complicité entre nous me fut insupportable et je dus m'enfuir aux toilettes pour vomir. Lorsque je revins, Lili remarqua ma pâleur et me demanda si tout allait bien. Je sentais le regard insistant d'Isabelle sur moi. C'était comme si elle me hurlait : C'est maintenant ! Dis-lui ! Je frissonnai et attrapai la coupe de champagne qu'elle me tendit. Je l'avalai d'un trait et m'assis sur le canapé. Mon état empira peu à peu et bientôt des lanières de cuirs brulantes se mirent à me lacérer le cerveau. Leur conversation ne m'arrivait plus que comme un galimatias lointain. La flute s'écrasa au sol et je perdis connaissance.
A mon réveil, je n'avais plus mal. Je me trouvais entouré d'une blancheur éclatante qui irradiait une immense froideur que je ne ressentais pas. J'étais allongé dans une baignoire qui se remplissait d'un liquide rosâtre. Je voulus toucher mon front pour déceler une blessure éventuelle, mais ma main refusa de m'obéir. Pris de panique, j'essayai de me redresser. Rien encore. Je respirai à fond pour me calmer. Sans doute m'étais-je blessé au moment de la chute ? Ma tête se mit à basculer lentement sur la droite. Horrifié à l'idée de me noyer, je résistai de toutes mes forces... Le mouvement ralentit. Le soulagement fut de courte durée car bientôt, une nouvelle course s'imprima dans l'autre sens. Mon nez et ma bouche étaient presque totalement immergés lorsque brusquement, une main m'attrapa par les cheveux et m'extirpa hors de l'eau. Ma figure ruisselante virevolta dans les airs et s'arrêta devant les yeux d'Isabelle, qui souriait à pleine dents.
-Tu crois qu'il a compris ce qui lui arrivait
-Pas le moins du monde.
Isabelle m'approcha du visage de Lili. Elle me caressa avec le bout de ses doigts. Puis m'enfonça un ongle dans l'œil.
- On peut affirmer sans se tromper qu'il a raté le test de fidélité.
-Je crois aussi. Tant pis pour lui.
A ces mots, Lili me laissa tomber dans la baignoire et je découvris l'infernale vérité. Après avoir rebondi sur mon tronc, je vis flotter mes membres découpés dans une eau devenue carmine. Les sœurs s'affairèrent. Le claquement du sac poubelle que l'on ouvre retentit et aussitôt deux paires de mains extirpèrent les morceaux de mon cadavre. Les bras, les jambes, les pieds. L'une d'elles tomba sur mon sexe rabougri et le montra à l'autre. Elles éclatèrent de rire. Le tronc leur donna plus de mal. Enfin, Lili attrapa ma tête par la base du cou et le présenta à sa sœur. Elles m'embrassèrent sur les joues et s'en fut terminé.
La Seine n'était qu'à quelques mètres. Chaque sœur glissa dans sa valise une moitié de moi-même. Tandis que j'avançais dans les ténèbres, balancés de part en part à cause des aspérités du trottoir, je commençai à comprendre la nature de ma pénitence. Arrivées au bord de l'eau, Isabelle et Lili sortirent les sacs qu'elles disposèrent presque en équilibre au-dessus du vide. Elles burent quelques gorgées au goulot de la bouteille de Bourgogne prévue pour le dîner et d'un vilain coup de pied me firent basculer dans la masse ténébreuse.