Deux vieux, vingt Dieux!
Hervé Lénervé
Deux vieux sont assis, ils ne vont quand même pas restés debout à leurs âges, 97 ans pour l'un, 98 ans, pour le même, non j'déconne, pour l'autre. Ils sont donc, assis sur un banc public puisqu'il en avait un qui avait eu la bonne idée de s'approcher pour écouter la conversation privée des deux débris. Il faut les comprendre les bancs, la grande majorité des fois, ce ne sont pas des fesses de nymphettes qu'ils accueillent, mais plutôt des fessiers, big size mammouth de personnes fatiguées non de penser, mais de peser. En fait les bancs, ils se font chier à glander toute la journée, alors quand ils peuvent capter un dialogue aussi insipide soit-il, ils captent, ils ne s'en privent pas, ils sont capte de tout.
Mais revenons à présent sur les deux personnages vivants… bon… encore vivants de cette histoire, si courte, ils devraient pouvoir en voir le bout. Le premier cacochyme dit au second pithiatique.
- Tient ! T'as un nouveau téléphone ?
- Oui ! mon p'tit vieux, un e phone septième génération, une merveille ! J'me suis fait un petit plaisir.
- Moi, j'ai encore mon vieux machin, mais il marche encore. De toute façon personne ne m'appelle. Il est beaucoup mieux le tien ?
- Rien à voir, y'a pas photo. Je peux mettre un tas d'applis dessus. Regarde, j'ai une espèce de marmotte qui répète tout ce que j'dis. Ecoute : « ça va coco ? »
Une marmotte en surcharge pondérale se dandine sur l'écran :
- « Ca va coco ??? Une fois ! »
- T'as entendu, elle a pris l'accent belge. Génial, non ?
- Mais ça sert à quoi ?
- Ben… à rien ! Mais attend, regarde j'ai une autre appli qui mesure mon sommeil, si j'ai rêvé, si j'ai dormi profondément, si je n'ai pas dormi du tout, mais là j'aurais pu le savoir tout seul, si j'ai pissé, si j'ai…
- Mais ça sert à quoi ?
- Ben… à rien ! c'est vrai… mais regarde celle-là : elle me prévient si j'ai des risques de faire un infarctus dans les 72 heures.
- Mais à notre âge, on risque toujours de faire un infarctus et en bien moins que 72 heures.
- C'est un peu vrai, mais supposons… tient matte la jeune fille là-bas, elle doit avoir dans les 25 ans, ça lui serait certainement utile.
- Il est quand même très rare de faire un infarctus à 25 ans.
- Mais attend, elle va vieillir, peut-être, elle aussi et elle sera bien contente que son smartphone lui ait sauvé la vie.
- Tu n'en sais strictement rien, on ne la connait pas, elle désire peut-être mourir tout simplement. Regarde comme elle semble triste et désespérée.
- C'est ma foi vraie, qu'elle parait seule au monde cette mignonne. Attend, je vais aller la consoler.
- Mais t'es complètement maboule mon vieux, elle va croire que tu veux lui faire la cour.
- Ben oui ! Bien sûr que je veux la draguer, t'as vu comme elle est fine et jolie, on dirait un coquelicot bercé par le vent dans un grand lit d'herbes qui ne demandent que d'être foulées par nos corps passionnés.
- Et ce sont ces conneries que tu vas lui sortir.
- Mais, pas du tout. Je vais simplement lui dire que je l'aime comme jamais il n'a été donné à quiconque d'aimer sur cette Terre et qu'il faut qu'elle cesse de ruminer ces idées morbides. Je vais la faire rire et comme on dit : « Faire rire une femme, c'est… »
- Mais arrête un peu tes conneries, tu vas te planter lamentablement dans ton texte, toton, tontine, tu vas lui dire que tu l'aimes comme jamais King Kong ne l'a déjà aimée dans les branches. Tu vas te vautrer et elle, elle va se moquer de toi. Reste tranquillement avec moi, ici, on ne risque rien.
- Ha, ha, ha ! Toi, tu ne changeras donc jamais ! Qu'est-ce que je risque ? Qu'elle me gifle ? La belle affaire ! Et on ne gifle plus un vieillard, on rigole avec lui. Je suis un aventurier séducteur. Regarde et prend des notes.
L'ancêtre se lève du banc, pas en une fois, non, en plusieurs et se dirige tout guilleret en claudiquant vers la belle au joli visage, mais à la triste mine. Son pote tend, tant qu'il peut tendre l'oreille, mais faut pas rêver, sourd comme pot qu'il est, il n'entend que dalle. Par contre, il voit que la jeune fille ne le gifle pas et même lui sourit à présent et incroyable, se met à émettre un rire de gorge complice et charmant avec une physionomie ensorceleuse de tendresse. Mais que fait-elle à présent, c'en est trop, elle dépose un baiser sur la bouche édentée du vieux.
Le vieux assit se pince. « Mais c'est pas vrai ! Je rêve ! C'est, par Dieu, pas possible ! »
Le vieux debout laisse son Amour sur place et se dirige vers son banc. En le menaçant : « Pas bougé, toi ! T'as compris ! » Le banc n'a rien compris, mais il n'avait pas envie de bouger, alors ça arrange tout le monde. Une fois de nouveau assis à côté de son pote, il lance.
- T'as vu !
- Arrête ! Tu me fais marcher, c'est ta nièce, elle est ta complice et tu as voulu me jouer un tour.
- Pfeuu !!! J'l'ai jamais vue. Tu vois le mal partout !
- Mais pas du tout ! Pas du tout ! Mais avoue, c'est quand même incroyable, vous vous êtes vus tous les deux, il n'existe pas de pire contraste dans la nature.
- J'sais pas ? Moi, son âge ne me pose pas de problème.
- Ok, mais le tien pour elle ?
- « Les hommes ont toujours l'âge des femmes qu'ils aiment. »
- Tu ne manques pas d'air, mon vieillot. Mais qu'est-ce que tu as bien pu lui raconter pour la dérider ainsi ?
- Fastoche. Regarde, j'ai une appli : « Comment draguer les belles jeunes femmes de 25 ans. » Je n'ai fait que répéter ce que j'entendais dans mon oreillette.
- Putain, mais ton téléphone, c'est le Diable en personne d'autre ! C'est mieux que Cyrano, C'est quoi déjà la marque ?
- Un e phone 7 !
- Je te laisse, j'ai une course à faire, j'espère qu'il leur en reste un.
FIN. (Ah, non, pas encore!)
J'entends déjà vos commentaires, ton histoire est raciste, tu stigmatises, tu ridiculises, tu insultes les bancs. C'est faux, j'ai un grand respect pour eux, la preuve, une fois que je me promenais encore, dans ce même grand parc sauvage, légèrement à l'abandon, avec du pain rassit pour le lancer aux corbeaux. Je m'approche tout sourire vers un banc, sur lequel une vielle et son vieux étaient assis, là, à attendre la mort, car les bus ne passent plus dans les parcs. J'égrène de petits morceaux de pain de mon guignon en main et les lance aux pieds des vieux en disant : « petit… petit… petit… » Les vieux m'ont insulté, mais le banc, lui, s'est gondolé comme une banquette à Venise. Je respecte les bancs, car ils ont plus d'humour que les petits vieux.
Là, c'est la vraie FIN finale.
Rigolo. Quoique je ne serai pas surpris que cette app existe...
· Il y a plus de 7 ans ·NB après recherche j'en ai trouvé quelques unes, je te conseille l'app evie ou icogno : http://geekob.com/6-applications-pour-parler-a-un-robot-en-ligne/
Marcus Volk
Contrairement au vieux du texte, je ne suis à la préhistoire de l’informatique.
· Il y a plus de 7 ans ·Hervé Lénervé
Parfait alors, je ne t'apprends rien
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
Tu me fais vraiment rire avec tes délires.
· Il y a plus de 7 ans ·Ceci dit, je soutiens la cause des bancs martyrisés.
le-droit-dhauteur
Cela ne m’étonne pas, tu prends tjrs partie pour les causes publiques. Et puisque on y ait, tes textes me font marrer aussi. :)
· Il y a plus de 7 ans ·Hervé Lénervé