DIAGNOSTIC D'UN PAYS QUI REFUSERAIT LE DEVELOPPEMENT

Abdou Diagne

Le Sénégal, je ne me lasserai jamais d’en parler.

Cette fois ci, non pas pour vous vanter la beauté de ce pays , connu de par le monde par sa spécificité culturelle et par la grandeur de ses fils, mais pour plutôt vous faire un tableau triste et très sombre de la situation actuelle, d’un des rares pays africains à avoir hérité de la colonisation, de « très bonnes bases » pour aller de l’avant. Le Sénégal intrigue par ses problèmes devenus endémiques, l’étendue des défis auxquels il a à faire face et la complexité de la situation. Les diktats du sénégalais sont d’un degré si immensurable que la seule phrase qui revient avec insistance est la suivante,« mon pays patauge et va de plus en plus mal ».

Il n'y a pas si longtemps, un de ceux à qui on avait confié les reines du pays disait en se plastronnant : « En l’an 2000, Dakar sera comme Paris... ». Excusez-moi, à moins que je me sois trompé de date, mais on est bien en 2008 et Dakar ressemble plus à un bordel maximum laissé par des « politichiens » affamés de pouvoir, des vampires qui sucent au quotidien le sang d’un peuple à qui il ne reste que des os.

 Il n’est jamais trop tard me diront certains. Bien que je sois le plus optimiste des hommes et que le réveil du lion comme avec Soundjata Keita, grand empereur de l’empire du Mali, puisse se faire du jour au lendemain… ! Ne nous voilons pas la face. Ce lion de la Téranga ; comme c’est pitoyable!!!, où est ce qu’on a vu sur terre, un « lion de l’hospitalité » ; n’est t-il pas endormi ? Non cela m’étonnerait. C’est juste qu’il n’y a jamais eu de lion…L’histoire nous a montré qu’il n’ya jamais existé de « lion de la téranga ». Cela me désole de le dire, mais j’ai plus l’impression de voir des usurpateurs d’identité. Parce qu’à mon avis,  un lion ne crie pas sa « lionitude »…il saute sur sa proie et la mord, et nous notre proie, c’est le développement.

Malgré les progrès « considérables » effectués par notre cher pays,  d’après ces colons à la peau noire, même si le débat sur la véracité de ces progrès est toujours ouverte et que je sois l’un des premiers à en douter ; depuis notre accession à l’indépendance, notre statut n’en demeure pas moins, celui d’un pays en voie de sous-développement et vu les derniers événements, on n’est pas à la veille d’un changement. Ne rêvons pas !

Quelles que soient les raisons, souvent complexes, qui ont mené à ce résultat, et on en reviendra, les inégalités perdurent malgré les efforts déployés par l’État et les organismes internationaux désirant combattre les fléaux de la pauvreté et du sous-développement.

 Le Sénégal ne refuserait-t-il pas le développement ? Ne sommes nous pas symbole d’un peuple qui, malgré tous les efforts consentis, gît et demeurera à jamais au seuil de l’humiliation ? Le développement ne serait t’-il qu’une illusion désespérée ? Au fond, ne donnons nous pas raison à ce raciste de James Watson qui a osé affirmer à la télé que les noirs étaient moins intelligents que les blancs ?

 Voilà tant de descriptions et autres récits emmaillotés dans un jeu de termes si obscurs, pessimistes, macabres au sujet du pays de tant d’hommes lumineux ou devrais-je dire berceau de toutes les calamités : la pauvreté, l'insécurité, la famine,  l'incurie, l'animosité, l'abus, la magouille, la rébellion, le complot, le tripatouillage, les épidémies,

La richesse du Sénégal, contrairement à la plupart des pays africains, ne se trouve pas dans son sous sol. Notre pays regorge de matière grise et de mains d’œuvre comme on en trouvera difficilement plus ailleurs. Depuis Senghor, en passant par Diouf et enfin Wade, de nombreuses politiques économiques qui se voulaient réformatrices et qui allaient bouster les chiffres du Sénégal sur tous les plans,  ont été mises en place : du libéralisme à la privatisation, qui nous on privés de toute notre dignité, le minimum vital n’est plus entre nos mains, je fais évidement allusion à l’eau, le télécom et le courant,  passant par la nationalisation et la centralisation et la décentralisation plus tard pour juste repartager le pays afin de satisfaire les besoins égoïstes et machiavéliques de politiciens immoraux, sans parler de ces fameux Programmes d’Ajustement Structurels qui au fond n’ont servi à rien. Avons-nous avancé d’un iota depuis 1960…peut  être si, mais à reculons.

Bien que la politique économique que mène le Sénégal et la plupart des pays africains depuis nos « soi-disant » indépendances ne me convainc pas, parce que manquant d’ « africanité », il y a lieu de reconnaître que les schémas appliqués jusque-là ont montré leurs limites ou n'ont jamais été efficaces. Tout simplement parce que les schémas importés ne tiennent pas compte des spécificités, des réalités locales et sont, de ce fait, des camisoles ; je me dois de m’interroger sur ces échecs retentissants sur toutes ces tentatives

En d’autres termes, est-ce que nous voulons ? Ne refuserons nous  pas le développement pour reprendre les propos d’Axelle KABOU ?

Dans l’affirmative, nous devons être en mesure de dire distinctement ce que nous voulons être. Voulons-nous devenir nous aussi acteurs parce que les lettres de noblesse du Sénégal ne sauraient être écrites que par ses fils de l’histoire ou bien nous obstinons-nous à être passifs, dépendants des autres, tels des larbins ? Je me souviens encore, en partie des paroles de Kocc Barma que me transmettait mon grand père, « So beugeu râye as goor, déko diokh souba gou nek loumouy doundé, bou yagué ngua sopiko ape mala… ». Cogitons là-dessus et continuons…

Cette question sur notre non participation à l’écriture de nos lettres de noblesses donne malheureusement en partie raison à ce petit lutin français sans barbe, qui disait que« l’homme africain n’est pas encore entré dans l’histoire »…Comme je le déteste…

Les politiques sénégalais, puisque c’est d’eux qu’il s’agit dans cette étude, ont-ils la culture morale, philosophique pour comprendre l’intérêt de leur activité et de leur vocation à conduire les peuples ?

Où sont-elles passées, les quatre grandes villes du Sénégal de l’époque de la colonisation ? Rufisque et St Louis ne sont plus que des tas de ruines, colonisées par des moustiques immortelles et une odeur nauséabonde et pestilentielle. Qu’est devenue la belle ville de Gorée…et Dakar ?

Et la Casamance, ce grenier enfoui où le bruit des armes perturbe quotidiennement le chant de la Colombe ?

Encore une fois, disons-nous la vérité, « notre pays va mal… »

Aujourd’hui, ils ne cachent plus rien et étalent sur la place publique ses piètres résultats et surtout sa gestion calamiteuse d’un pays qui avait tout pour réussir une sortie progressive du sous-développement. Pire, nos concitoyens continuent à sombrer dans une misère blanche pour ne pas dire noire. Sommes nous en train de vivre ou revivre la grande famine qui ravagea le peuple de Moise quand ce dernier devait sa rendre vers sa « terre promise ».

Parait-il c’est la faute au pétrole…le pétrole, mon œil !!!

Dans un pays, quand on assiste à la disparition d’une classe moyenne, et c’est le cas du Sénégal, c’est un signe qui ne trompe pas sur la détérioration des tissus socio-économiques. En effet, cette classe moyenne était jadis constituée des enseignants et d’une grande partie des salariés de la fonction publique (dont certains d’entre eux auraient emprunté la barque de la honte vers l’Espagne). Les plus privilégiés d’entre nous pouvaient aider ceux qui étaient dans le besoin donnant ainsi vie à une solidarité sénégalaise applaudie dans le monde entier. Ils étaient certes pauvres mais pas misérables ! Ils avaient encore une certaine dignité et pouvaient remplir leur rôle de père, de mère, d’époux (se).

Aujourd’hui, le paysage social est apocalyptique. Il dépasse l’entendement. La misère est omniprésente. Elle frappe à toutes les portes et touche tout le monde sans distinction de classe socioprofessionnelle. Elle est entrée dans les mœurs et a engendré de nouvelles habitudes et surtout beaucoup de travers. Quémander est devenu chose naturelle. On le fait sans gêne et sans se poser de questions. Et ceux qui avaient l’habitude de donner ces offrandes, sont les nouveaux quémandeurs ; devinez où sont les anciens quémandeurs…les charognards dégustent le reste de leurs os. Ce peuple meurtri a t-il le choix ?

A-t-on vraiment le temps ou l’idée de se poser toutes ces questions quand la misère affame nos familles. Pense-t-on dignité ou fierté quand cette même misère disloque et fait éclater en mille morceaux les familles. Ventre creux n’a point d’oreille.
A-t-on encore sa dignité quand un subodore que sa fille ou sa femme se prostitue occasionnellement pour réussir à faire bouillir la marmite familiale au moins une fois par jour. Certains penseront que je grossis le trait. Je réponds que non !
C’est surtout par pudeur que je ne fais qu’effleurer la réalité en laissant à chacun d’entre nous la liberté d’imaginer l’ampleur du mal qui ronge une à une les fibres de notre société et surtout de notre dignité.

Face à cette misère sans nom, il y a une nouvelle classe qui affiche ostensiblement ces richesses accumulées sur le dos d’un peuple meurtri et vidé jusqu’à la moelle. Elle roule en 4x4 pour ne pas dire Hummers et habite villas luxueuses qui n’ont rien à envier à certains quartiers de Paris. Elle s’enrichit indûment et sans le moindre complexe.
Certains fonctionnaires ; au vu de leur traitement ; ne pourraient justifier de leur train de vie si ce n’est par la corruption. Et là, je vise tous les directeurs et autres hauts responsables de la fonction publique qui vivent très largement au-dessus de leurs réelles ressources.

Le diagnostic est délicat mais, entre nous, il faut se dire la vérité…

Le développement du Sénégal, passera forcément par une guérison de tous ces maux mais aussi par de nouvelles mesures qui mettrait ces conditionnalités avec notre propre culture. Les peuples d’Asie ont presque tous réussi cette symbiose, pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pouvons-nous pas mettre en phase notre culture avec les exigences du développement ?

Là est peut être, la problématique de notre développement

SOS pour cette terre qui se meurt et tous ses fils en détresse! SOS

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