Dies Irae

Christian Lemoine

Le déchirement jusqu’à la rupture, des membres, des os. Le corps violé, le bassin fracassé ; jusqu’où la douleur, avant la fuite ultime ? Et l’œil du tortionnaire, le regard du violeur. Ne parlera-t-on pas de la jouissance du mal ? Des monceaux de cadavres ; des siècles de pogroms ; des millénaires d’écrasements, de broyages obscènes. La symphonie perpétuelle des gorges tranchées, criant le gargouillis final d’un sang gaspillé. L’homme ; en statue mobile de chair, dépouillé de son idée d’âme, non plus censé qu’un bois à essarter. Des hommes. Des choses et des choses. Unique valeur de leur nombre. La femme ; enjeu, territoire, arme, possession, assouvissement et prétexte, conquête, ville à prendre piller voler violer. Cette mère vénérée intouchable, en d’autres yeux une âme à salir, à avilir, pulvériser et soumettre ; si toutefois son corps se mue pour l’assaillant en réceptacle des semences qui humilieront l’éventrée, qui offriront d’autres hommes à sacrifier. Ni au cœur des tueries, ni au front d’un ciel vide un illusoire créateur ne vit ni n’intervient. Les masses abandonnées l’inventent en leurs holocaustes, chaque bande hurlante affermie de sa foi, face à l’ennemi lui aussi commandé par son droit. L’erreur est dans l’invention de la balance. Au milieu du vivant qui se gorge du surnombre, qui vit sur les vies gaspillées, l’humain se gaspille et s’assassine. Bal infernal des siècles et des massacres. Horreur nauséeuse, qui jamais ne veut céder. Jusqu’à où le déchirement de l’âme ? quand le corps persiste et saigne.
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