Dieu,Israël et des hommes
Christian Le Meur
Dieu, Israël et des hommes en lutte
Dieu... le huitième jour:
Dans la Genèse il est écrit « Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu'il avait faite;et il se reposa au septième jour de toute son œuvre qu'il avait faite». Et les jours suivant ...Rien ?
Peut-être que le huitième jour, Dieu satisfait de l'excellence son œuvre s'en retourna au sein de son royaume infini, l'univers. Sur la terre, lieu de paradis par lui créé, il laissa les fruits de son prodige libres d'écrire leur Histoire, l'histoire des hommes.
Avec sa clairvoyance fataliste L'Ecclésiaste (le roi Salomon?) s'interrogea sur la destinée humaine. Il en donna une vision profondément désabusée, dépouillée de tout sens puisque dit-il aveuglée par la vanité et l'égoïsme. Face à cette inanité, reste l'humilité d'une vie simple, gravée dans la ritualisation des règles édictées par les prophètes.
Shakyamuni (le Bouddha) arriva à un constat similaire. Seulement contrairement à L'Ecclésiaste, il pressentit qu'en comprenant les raisons de ses tourments, l'homme pourrait se libérer de ce cycle déterministe et infernal. Après des années de méditation il eut l'illumination, la compréhension. L'existence se perd dans la permanence du désir qui n'entraîne que frustration et conflit. Pour parvenir à la sérénité, l'état initial du don divin, il faut par le renoncement se libérer de la pensée et de l' émotion.
Krishnamurti va plus loin. Nous ayant fait don du libre-arbitre, Dieu ne nous impose rien. Cette liberté sacrée, l'humain s'en est volontairement dessaisi pour lui préférer l'aliénation de la cupidité, de la frustration et de la peur. Moulé dans la matrice de la soumission par l'entremise de l'éducation, de la transmission intergénérationnelle et plus particulièrement par le fait religieux qu'il définit comme contraire à la nature spirituelle de l'être humain. Les croyances et les traditions, vecteur de mensonges et de manipulations, sont pure invention pour dissimuler aux hommes libres le chemin de pleine conscience.
Pourtant quel que soit son cheminement, tout humain en quête de sens gravit la même montagne .Parvenu au sommet, il partage, avec fraternité, cette vision globale qui s'offre à lui. La plénitude d'un esprit apaisé émanant du transcendant amour, la réappropriation du jardin d'éden qui nous était destiné et qu'aveuglés dans la permanence des conflits nous ne pouvons plus ou ne voulons plus voir.
Israël: Terre Divine ou Nation humaine?
L'origine d'Israël est indissociable de cette relation entre Dieu et la Torah.
Il est écrit que l'observance des lois de la bible mène l'homme de la haine à la tolérance, de l'iniquité à la justice, de la multiplicité à l'unité.
Hors d'après l'Histoire sainte, le peuple de l'alliance fut choisi pour devenir l'instrument de l'alliance des peuples. Conscient de cette mission dans son discours du 14 mai 1948 Ben Gurion ( Président du comité du conseil national juif) ne disait-il pas «Israël dès sa naissance se réclame de l'esprit des prophètes et offre la paix et son amitié à tous les peuples de la terre ».
Seulement entre les mythes fondateurs associés à cette légitimité intemporelle émanant de Dieu lui même, il devient extrêmement difficile démettre un avis dépassionné sur l'état d'Israël en s'en tenant uniquement à une approche historico-politique.
De plus le conflit Israélo-Palestinien, savamment complexifié et noyé dans une multitude de fragmentions événementielles et de propagandes en tous genres , nous fait oublier les étapes clés de la fondation de cet état.
L'un des événements majeurs étant en 1948 l'exil de près de huit cent milles Palestiniens de confession musulmane (La Nakba, la catastrophe) qui abandonnèrent maisons et terres sans, pour une grande majorité d'entre-eux,espoir de retour.
Cet exode, fut l'aboutissement du mouvement sioniste initié en 1895 par Théodore Herzl et qu'il définissait lui même « Le sionisme a pour but de créer pour le peuple juif en Palestine un asile garanti par le droit public» (1) . Cette formulation extrêmement explicite trouve sa justification dans une initiative purement politique, excluant toute interprétation d'un mandat de nature divine. Elle s'inscrit et se comprend aisément lorsqu'on la replace dans le grand courant idéologique colonialiste du 19 ème siècle où se brandissaient tous les étendards, y compris ceux arborant des exaltations à caractère humaniste .
Non sans un certain cynisme parfaitement assumé, les anglais qui occupaient la Palestine suite à l'effondrement de l'empire ottoman, conscients de ce fait, notifièrent dans leur déclaration favorable à l'édification d'un foyer national du peuple juif du 2 Novembre 1917, la mise en garde suivante: «étant bien entendu que rien ne viendra porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine.. (2).»
La fabrication du consentement par la conscience coupable:
En imprégnant l'esprit occidental d'une conscience coupable à l'égard des juifs, Israël, par l'entremise de ce cadenas moral, culpabilise notre liberté d'expression et notre droit d'exprimer publiquement une quelconque désapprobation face à sa politique . L'infamie étant bien évidemment d'être taxé d'anti sémitisme avec la structuration symbolique que notre conditionnement mental nous renvoie.
Si le devoir de mémoire sur les horreurs de la Shoah est indispensable et incontestable (extermination de plus de 6 millions de juifs), les enseignements de cette catastrophe de l'histoire ne devraient avoir qu'un but: Obliger les Nations Unies et ses états membres à ouvrir les yeux lorsqu'il s'agir d' empêcher que pareilles abominations se reproduisent; Pendant qu'au collège j'étudiais le Journal D'Anne Frank et visionnais «Nuit et Brouillard» d'Alain Resnais, les Khmers Rouges commettaient leurs atrocités dans une indifférence quasi générale.
(Aparté) Le terme anti-sémite apparaît vers 1880 en Allemagne sous la plume de Wilhelm Marr pour définir un mouvement d'opinion contre les juifs. Ce terme évoluera vers sa définition actuelle qui définit une doctrine d'hostilité systématique contre les juifs. Paradoxalement l'adjectif sémite s'applique à une langue et non à un peuple et l'arabe est aussi une langue sémitique. Sémantiquement ce terme devrait donc désigner une hostilité envers juifs et arabes .
Des hommes en luttes.
Dès les origines l'action Palestinienne a souffert d'une perception erronée. Cette perception étant induite par la différence entre leur mode de lutte qui est de type spontané entretenue par un sentiment d'injustice viscérale face à la réaction Israélienne que l'on peut définir comme de type conscient et donc structurée.
Le but pour Israël étant de maintenir le peuple Palestinien dans un état de misère préméditée et donc dans un non-avenir aliénant, sorte de désenchantement du quotidien qui caractérise les exclus.
C'est en partie cette situation qui génère la résurgence de ces cultes prophétiques de libération prenant la forme de refuge dans un passé emprunté aux religions traditionnelles.
Le paradoxe de cette confrontation est que tout acte de brutalité de la part des Palestiniens est perçu comme illégitime et donc comme une violence aveugle. La riposte Israélienne devient, de fait, légale puisque se définissant comme un acte de légitime défense. Mais dans ce conflit, qui peut encore définir où se situe la frontière entre la violence pour la violence et la nécessité de défense face aux actes de répression et de provocation?
Quelle que soit la forme de cette agression elle est contestable dès lors qu'elle se justifie par l'argument juridique de la contrainte organisée.
Les activistes Palestiniens.
Aujourd'hui et insidieusement l'action a basculé de la lutte de revendication territoriale, à une action révolutionnaire où se mêlent et s'entre-déchirent une multitude de groupuscules de type guérilla. Ceux-ci gangrenés par un manichéisme naïf se nourrissent dans leur propre univers mental et se placent en totale déconnexion avec les aspirations de confort de vie du citoyen père-de-famille. L'autre faction révolutionnaire communément définie comme des groupes de partisans dirigés par des leaders auto-proclamés, ont depuis longtemps abandonné la lutte initiale pour un projet de réforme globale commençant par les palestiniens eux même. Ce type de projet révolutionnaire se nourrissant de son propre combat ne trouve aucun intérêt à un quelconque processus de paix immédiat.
Si bien que les groupes modérés et en voix d'institutionnalisation qui recherchent une issue diplomatique passent, aux yeux des leaders de l'action révolutionnaire, pour des pantins trahissant la cause et contre lesquels il faut, en priorité, mener la lutte. Ces modérés endossant, de fait, l'uniforme des contre-révolutionnaires
L'état d'Israël.
Israël est une république Judaïque à fonctionnement parlementaire. D'emblée ce particularisme antinomique impose que l'existence même de cette nation dépende d'un parlement au sein duquel la majorité absolue des députés, élus démocratiquement par le peuple , soit impérativement et au delà de leur conviction politique, de confession juive. On comprend dès lors que la survie même de ce pays dépend de cette problématique comptable des voix et donc de la confession des votants.
L'autre avantage d'entretenir ce conflit larvé est que tout état de guerre est indissociable d'une politique d'état d'urgence avec tout ce que cela implique dans la justification de la surveillance et la restriction des droits privés.
Dans un pays aussi riche par sa diversité culturelle et ethnique, y compris arabisante, cette multitude de courants de pensées humanistes, si éloignée par principe de l'intolérance, devrait engendrér une nation fière de sa mixité, inspiratrice de fraternité spirituelle et d'émancipation de l'humaine liberté. Autrement dit, pour les partisans d'un état théocratique, un dessein inenvisageable.
Lignes écrites par Saint Grégoire de Naziance à Saint Jérome "Rien n'en impose plus au peuple que le verbiage, moins il comprend et plus il admire. Nos pères et nos Docteurs ont souvent exprimé non ce qu'ils sentaient, mais ce que les circonstances et la nécessité les ont forcés à dire" 3)
Notes :
1) Théodore Herzel : L'état Juif 1895
2) Extrait d'une lettre de J.Balfour, secrétaire d'état aux affaires étrangères, à Lionel De Rothschild
3) Extrait du livre "La pensée du Bouddha" par Semenoff Edition Bordas 1950
Travail universitaire instructif et nourrit d’un cadre théorique documenté. Bravo ! :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Hervé, merci pour ton commentaire et pour le plaisir que j'ai à parcourir tes textes si souvent assaisonnés d'impertinence avec parfois, jours défoulatoires, ce petit plus que tu rajoutes: quelques gouttes de vitriol.
· Il y a plus de 6 ans ·Christian Le Meur
Le vitriol est à manier avec précaution, son dosage est difficile, avec lui on est sur la corde raide, toujours en équilibre entre le rire un peu méchant et le mal gratuit. Merci ! :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé