Dix à bas à voix basse

moindremal

Rue borgne

A bas sombres ruelles où la lune se reflète dans des flaques baveuses. Il n’y a rien à faire, on n’en voit pas le bout. J’ai grand peur d’être dans l’impasse.

A bas ces murs de brique barricades boudeuses au bout de leurs parcelles, au fond de ces jardins aux allures de brousse.

A bas portes cochères où les clochards se cachent pour pisser dans les coins. Oh, chaleureux fumet des crottins d’autrefois !

A bas les perrons sales et les trottoirs étroits qui n’ont jamais connu l’ombre d’un balai-brosse.

A bas les portes closes avec sur l’envers des traces de rimmel tout autour des judas et des trous de serrure, et ces poignées de cuivres toutes vertes de gris.

A bas ces escaliers qui mènent aux paliers de ces chambres d’enfants depuis longtemps partis.

A bas ces odeurs de pitances chacune appétissante qui forment en mélange dans la brume du soir des soupes à la grimace.

A bas les guéridons qui supportent des cages en forme de mosquées où des inséparables ne font plus bon ménage et se tournent le dos dans leur boudoir doré.

A bas les chats perchés engoncés dans leur plis ne se montrant au jour qu’au grincement des coffres chargés de provisions.

A bas invisibles voisins qui jamais ne me croisent au long de la ruelle, tapis dans vos vertus, guettant sur les perrons au bas des escaliers des fantômes d’enfants et des chats d’aventure lorgnant sur vos perruches couleurs de dragées.

Vive le jour béni, facteur en camionnette, où tu me délivras mon avis d’expulsion.

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