dommages collatéraux
Jean Claude Blanc
Dommages collatéraux
Gaston c'était un déconneur
agent de la Poste de son état
30 ans de métier, c'est édifiant
s'était bâti sa place en or
il avait passé le concours
de fonctionnaire de l'Etat
affecté dans la Capitale
faire du guichet, çà lui plaisait
il avait pris quelques galons
pour améliorer l'ordinaire
en échange on lui a donné
des tas de responsabilités
depuis quelques temps il est vanné
sa femme ne le reconnait plus
il rentre le soir va se coucher
sans dire un mot sans même souper
faut dire que çà va crescendo
on lui demande toujours plus
car chez les cadres pas de cadeau
fermer sa gueule, marcher au trot
faire du chiffre un point c'est tout
vendre à tout prix c'est l'objectif
lui qui dorlotait ses clients
çà lui ravage le cerveau
on n'a plus le temps de réfléchir
il faut fourguer des tas de produits
quitte à baiser le chaland
ce qui compte c'est les résultats
il est devenu un peu ringard
car il marche pas dans la combine
n'est plus dans le coup sur le graphique
des jeunes loups de la finance
s'est aperçu qu'on veut plus de lui
on l'a mis sur le reculoir
dans son coin classe des papelards
on le pousse doucement vers la sortie
comprend plus rien à ce trafic
c'est plus ce qu'on lui avait appris
y'a des slogans pleins les couloirs
qui vantent les charmes de la boite
dort plus beaucoup, prend des cachets
son obsession, c'est le boulot
mais il ne rentre plus dans les plans
de la souveraine entreprise
on l'a trouvé dans sa bagnole
une balle logée dans le citron
on comprend pas, rien vu venir
aux dires des chefs et de ses potes
le plan ORSEC est déclanché
pour expliquer l'inexplicable
parait que chez lui ç'allait plus très fort
qu'est ce qu'on ferait pas pour se dédouaner
la com connait sa partition
on arrange le tout d'un beau ruban
ressources humaines en renfort
faute à personne comme toujours
mort au combat pour le boulot
çà tourne à la déraison
gît entre 4 planches, çà fait de la place
pour une nouvelle promotion
c'est vrai que par les temps qui courent
un de plus un de moins, plus d'importance
chacun retourne se cacher
pour éviter le même sort
des comme lui, y'en a des foules
sans grades, cadres, même tourmente
plus personne ne peut échapper
à la machine à broyer
s'appelait Gaston il était fier
de servir son ministère
on venait plaisanter avec lui
trop tard pour verser des louanges
sur les écrans des ordinateurs
sans fin défilent des stats, des courbes
à quoi servent ces fariboles
au regard de la vie d'un homme
à la télé y'a l'autre pitre
qui récite sa partition
la crise actuelle voilà le mal
et ses dommages collatéraux
JC Blanc décembre 2010