D'Ouest en Est - Chapitre 23

Philippe Esteban

CHAPITRE 23

Lundi 2 Septembre 1991

           

            Chère Carol,

Aux premières lueurs du jour, j'ai voulu appeler Rush, mais il était trop tôt. Je venais de passer une nuit blanche, vierge de tout rêve. J'avais eu le temps de me changer et de quitter ce T-shirt, que je ne remettrais sans doute jamais. Je m'efforçais à rester silencieux pour ne pas réveiller Scott, encore profondément endormi. Je faisais les cent pas devant le téléphone, tenaillé par l'envie de composer ce numéro que j'avais tatoué dans ma mémoire.

J'essayais de retrouver mes marques, maintenant que j'avais décidé de reprendre ma vie new-yorkaise. Je ne retournerai pas à North Salem avant le retour de mes parents. Je n'avais aucune nouvelle d'eux depuis mon retour aux Etats-Unis, pas une seule lettre, pas une seule carte, pas un seul message sur mon répondeur. L'indifférence la plus totale. Je m'en accommodais parfaitement.

Je pris contact avec l'école qui m'avait embauché pour les informer que je refusais le poste de professeur que l'on m'avait offert. Je sentais une certaine contrariété dans la voix du proviseur, mais lorsque je lui exposais les raisons de ma démission, il comprit mes motivations et me remercia pour ma franchise.

Le jour s'installait. J'appelais une première fois chez Rush, mais personne ne décrocha. Frustré et nerveux, je passais une seconde fois sous la douche pour me calmer. Mes tentatives suivantes se soldaient par le même échec.

Vers 10 heures, on frappa à la porte. Ted, sanglé dans son uniforme martial et amidonné, me tendit une lettre

« M.Lemberg, je vous prie de m'excuser pour le dérangement, mais un jeune homme vient de déposer ceci pour vous. Il avait un fort accent étranger, français me semble-t-il… Je lui ai proposé de venir vous remettre cette missive même, mais il a refusé. »

Ted venait de m'apprendre que Sebastian était venu jusqu'à la porte de l'immeuble pour me donner une lettre. Je m'apprêtais à descendre pour le rattraper, mais Ted me dit qu'il était en taxi et qu'il allait à l'aéroport. L'enveloppe était épaisse, lourde. Il n'y avait que mon nom dessus. Elle était scellée par du ruban adhésif, sans doute pour éviter qu'une  tierce personne ne l'ouvre. Fébrile, je m'installais dans un fauteuil, et décachetais le pli. L'écriture compacte et dense de Sebastian s'étalait sur plusieurs recto-verso. Il l'avait écrite en anglais.

«Daniel,

Je n'ai pas ton talent d'écrivain, et d'avance je te prie de pardonner mes fautes de style et mes incorrections. Tu risques d'être surpris en recevant cette lettre. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour te parler, car tu refuses toute discussion avec moi. Si je te donne aujourd'hui la vérité, ce n'est pas par choix, mais parce que j'y suis forcé. Tu as découvert une partie de ma vie que je voulais garder secrète. Oui, j'aime les hommes. Je les aime au sens physique et sexuel du terme. Les femmes ne m'attirent pas. Elles ne me procurent pas d'émotions. Tu vas me demander quel est le lien avec ton viol ? Tu vas comprendre très vite. Mais avant, j'ai d'autres choses à te dire. Tout d'abord Daniel, je te hais. Je hais tout de toi : ta personnalité, ton caractère. Tu représentes tout ce que je déteste chez un être humain, parce que tu es trop lisse, trop parfait, en tout cas, c'est l'image que tu donnes aux autres. Tu es suffisant, mesquin, arrogant envers les gens qui t'entourent. Tu n'as aucune humilité, seulement un orgueil démesuré que tu imposes à tout le monde. Tu es égoïste, égocentrique et prétentieux. Je me suis rendu compte que j'avais cette haine pour toi le soir du 7 août de l'an dernier, quand je t'ai vu copiner avec Rush. Tu sais, Daniel, contrairement à toi, j'ai toujours connu l'échec, dans tout ce que j'ai entrepris. On ne m'a jamais déroulé le tapis rouge, ni couvert d'éloges. A la place, j'avais droit aux moqueries, aux railleries de mes parents et de ma famille. Je suis le vilain petit canard qui collectionne les tuiles. Au tout début, quand je t'ai rencontré, tu me fascinais. J'étais même fier de connaître quelqu'un d'aussi brillant. Mais peu à peu, cette admiration s'est transformée en haine, car je savais que tu me serais toujours inaccessible. Tu ne me regardais pas, tu ne me portais pas l'intérêt que j'aurais voulu que tu me portes. Tes yeux n'en avaient que pour cette grue de Stacy. Cela ne m'étonne pas d'ailleurs que tu sois sorti avec une idiote pareille, tu pouvais la contrôler et l'humilier avec ta culture, comme tu le fais avec tous ceux que tu juges inférieurs. Je te désirais physiquement et tu ne le sentais même pas. Je n'étais que le bon pote, alors que j'aurais voulu être ton amant, du moins au début. A Beacon, je discutais souvent avec Rush. Un soir où nous avions bu tous les deux, il m'a dit qu'il était homo. C'était du pain béni pour moi. Rush avait tout ce que recherchais chez un homme. Je lui avouais que j'étais gay moi aussi, pensant éveiller un intérêt. Mais il est resté de marbre. Je ne lui plaisais pas. Il me rejetait lui aussi, et je ne pouvais pas l'accepter. Alors quand vous avez sympathisé le soir où nous avons joué au tennis ensemble, j'ai vu rouge. Je devais vous le faire payer. J'ai repensé à une conversation que j'avais eue avec Rush sur nos fantasmes sexuels, et à ce moment là, j'ai eu cette idée de vous détruire tous les deux pour le mal qui vous m'aviez fait : toi pour ton arrogance et lui pour m'avoir repoussé. J'avais parlé de toi à Rush avant qu'il ne te rencontre, en lui disant que tu me plaisais mais que ce n'était pas réciproque…Je ne lui ai pas dit que tu aimais les filles. La nuit avant ton viol, tu es parti te coucher avant nous, car tu avais trop bu. J'ai fait croire à Rush que tu ne prenais ton pied que dans des simulations de viol. A mesure que je lui parlais, je sentais grandir son intérêt pour toi, et j'en étais écœuré. Cela me confortait dans mes certitudes. Je voulais vous briser tous les deux. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme je l'avais prévu. Rush est allé trop loin et toi tu as trop résisté. Au final, alors que tu aurais du être victime, tu faisais figure de coupable, car seul Rush a été blessé physiquement dans l'histoire. Si tout s'était passé selon mes plans, tu aurais porté plainte contre Rush pour viol, et il aurait passé une bonne partie de sa vie en prison, et toi, tu aurais vécu le restant de tes jours avec ce souvenir « douloureux » comme tu sais si bien le dire. Mais, la mécanique s'est enrayée. Rush a compris que je m'étais foutu de lui et il m'a menacé de te raconter la vérité. Pour parer au plus pressé, j'ai du me résigner à te faire quitter New York. J'ai du prendre des décisions rapides, dans l'urgence, et te convaincre de partir avec moi. Ce n'a pas été facile, car Spencer a tout de suite senti que quelque chose ne collait pas dans ta fuite. Pendant toute cette année, je t'ai tenu grâce à la peur que t'inspirait Rush. Dès que je sentais que tu m'échappais, je plaçais une allusion qui te déstabilisait. M'amuser avec toi a été jouissif. Ca compensait toute la comédie que je jouais pour te faire croire que je t'appréciais, alors que j'en avais rien à foutre de ta gueule. Tant que je te tenais éloigné de Rush, j'étais tranquille. Mais bon, tu ne pouvais pas rester indéfiniment loin de ta famille, et j'ai pris un risque en retournant aux Etats-Unis avec toi. J'ai une autre chose à t'avouer, j'ai abusé de toi pendant tout ton séjour en France et même ici en Californie. Si Rush ne t'a pas complètement violé, je m'en suis chargé, et tu ne t'es rendu compte de rien. Tu sais que ma mère est insomniaque et qu'elle prend des somnifères assez puissants. Régulièrement je lui piquais ses gélules et je les diluais dans de l'eau. Quand je voulais te baiser, je t'en faisais prendre quelques heures avant et j'étais tranquille pour la nuit. Que c'était agréable de jouir en toi… J'ai continué jusqu'à ce que Marc nous rejoigne. Quand tu me racontais tes rêves, en me disant que tu sentais physiquement Rush te violer, tu n'avais tort qu'à moitié. C'était moi qui t'enfournais ma queue dans ta bouche, moi qui t'embrassais, te caressais, te branlais. J'étais sidéré par les conneries que tu pouvais me dire ou écrire à ce sujet d'ailleurs. Tu n'as même pas fait le lien entre la fin de tes insomnies et l'arrivée de Marc. Je te tenais tellement avec Rush que j'aurais pu te faire faire n'importe quoi. Si Marc ne nous avait pas rejoints, tu ne te serais douté de rien, car j'aurais continué à te manipuler comme avant. Tout s'est bien passé jusqu'à San Diego. Quand tu m'as dit que tu avais rencontré Rush, je ne t'ai pas cru, mais j'ai fait très vite le lien entre sa carrière dans les Marines et sa présence ici. Si je ne voulais pas que tu sortes de la chambre, ce n'était pas pour te protéger – à vrai dire ça m'aurait même fait plaisir qu'il t'arrive quelque chose – mais pour me protéger. Quand j'ai compris que tu avais pris la voiture pour essayer de le retrouver, j'ai senti le danger arriver. En plus, je ne pouvais plus te maîtriser car Marc était là, j'avais des problèmes d'argent qui me rendaient dépendant de vous deux, et tu commençais à avoir des doutes. A Los Angeles, j'ai senti que ça finirait mal pour moi dès mon arrivée chez Spencer. Sur une des photos sur le mur de son séjour, j'ai reconnu un type avec qui j'étais sorti à New York. Spencer devait être au courant, ce qui justifiait son hostilité envers moi. Mais comme toi, il ne pouvait pas faire le lien entre ton viol et moi. Les seuls éléments dont il disposait étaient que j'étais homo et que je t'avais menti.  Il  manquait toujours une pièce au puzzle, et cette pièce c'était Rush. Tant qu'aucun contact n'était établi entre vous, je pouvais m'en sortir. Quand cet abruti de Marc a vendu la mèche à San Francisco, j'ai compris que j'avais perdu. Le fait que tu annules ton voyage en Floride était un indice supplémentaire. Une fois à New York, je croyais que tu sauterais sur l'occasion de contacter Rush. Mais tu devais penser – comme moi – qu'il se trouvait à San Diego. J'ai écourté mon voyage à Miami pour retourner au plus vite en France, mais je n'ai pas pu avoir de vol avant demain. Je pensais que je pourrais rester chez toi à New York, mais ton colocataire a refusé que je vienne. Je me suis donc rabattu chez Clive et Molly, sachant que je risquais gros. Chris Eisler a du m'apercevoir à un moment où un autre, et je pense qu'il a prévenu Rush. Je ne savais pas qu'il serait là cette après-midi, et la surprise a été de taille pour moi aussi. Quand je l'ai vu te remettre sa carte, j'ai définitivement compris que j'étais grillé. Mais de toute façon, Rush ne pourra que confirmer ce que je viens de te dire, et rien de plus. Je lui ai déjà écrit une lettre presque identique à la tienne. Que pourrez-vous faire de plus ? Me faire arrêter ? Condamner ? Allez-y ! J'ai peut être tout raté jusqu'à aujourd'hui, mais là, je vous ai eu tous les deux. Même si tu connais maintenant les raisons qui ont motivé ton viol, tu es trop faible psychologiquement pour t'en sortir. Il te faudra des années, voire une vie entière pour guérir. Et tu ne peux pas imaginer la joie que ça me procure… Pour Rush, il aura toujours son bout de zob en moins et la sensation de t'avoir démoli pour rien. Lui il paie le prix fort : physiquement et moralement. La justice me condamnera peut être si vous intentez un jour quelque chose contre moi, mais aucune condamnation, même à mort ne vous fera retrouver le sommeil. La justice sera impuissante à vous rendre ce que j'ai pu vous enlever. L'argent ne vous apportera rien de plus. Voilà, Daniel, tu sais tout. Tu as encore quelques heures pour appeler les autorités pour qu'on m'arrête à l'aéroport. 

C'est sur ce constat de victoire que je vais te laisser.  Je souhaite que les années qui te restent à vivre soient les plus pourries possibles, comme ça tu comprendras ce qu'être un perdant veut dire, et tu mépriseras peut- être les gens un peu moins.

Le connard t'a eu bien profond – au propre comme au figuré.

Sebastian. »

Je posais la lettre sur la table du salon, en proie à la nausée. Ces pages empestaient la haine. C'était donc pour une simple crise de jalousie que Sebastian nous avait détruits, une simple expression de haine et de rancœur. Il nous avait choisi pour nous faire payer les erreurs de son passé, alors que nous n'avions rien demandé. Je revendiquais les critiques qu'il avait formulées sur ma personnalité. J'avais mis neuf jours à dresser ce même bilan. Mais me savoir associé à une telle machination me plongea aussitôt, dans une colère noire.

Sebastian m'avait rabaissé au même rang que lui, celui de l'abjection et du mépris. Il allait encore plus loin que moi dans l'ignominie. Je ne sais pas ce qui m'a choqué le plus dans cette lettre, si tant est que l'on puisse hiérarchiser autant d'horreurs, mais l'idée d'avoir été violé régulièrement pendant un an, m'était insoutenable. J'avais cru en lui, en sa sincérité. J'y croyais encore il y a trois semaines. Je m'en voulais d'avoir été si faible, si malléable, si vulnérable. Comment avais-je pu être aveugle à ce point ? Certes, j'avais douté pendant ce voyage, mais je n'imaginais pas que Sebastian avait  tout manigancé. Tant de machiavélisme me laissait songeur, perplexe, voire admiratif. Je pensais que Rush était l'incarnation du Mal, j'étais bien loin de la vérité. Il avait certainement des torts lui aussi, mais au final, c'était une victime, comme moi.

Quand Scott s'est réveillé, il m'a trouvé effondré dans mon fauteuil, le regard perdu dans le vague. J'essayais de comprendre, mais je n'y parvenais pas. Je ne pouvais pas rassembler mon énergie pour sortir de ma stupeur. Paradoxalement, j'étais rassuré, car je détenais enfin la vérité sur mon viol. Je savais ce qui avait motivé Rush à passer à l'acte. Toute la haine que j'avais cristallisée sur lui s'effaçait dans les brumes matinales. Je ne voyais plus dans les souvenirs de son visage la brute qui m'avait fait du mal, mais un être de chair et de sang capable d'émotions, et doué de sentiments. Son regard triste à San Diego, ses yeux humides hier à Beacon n'étaient pas ceux d'un "monstre", et je le réalisais à cet instant. La beauté du diable venait de Sebastian, elle émanait de celui que j'avais considéré comme mon frère, au même titre que Spencer et Scott. Je ne savais pas ce qu'être trahi signifiait. J'en faisais l'amère expérience.

Je tendis la lettre à Scott. Il la lut d'un trait. A mesure qu'il découvrait la vérité, je le voyais blêmir. Lui non plus ne comprenait pas. Nous sommes restés muets pendant de longues minutes, à essayer de nous remettre de ce que nous avions découvert : une vérité retorse, qui risquait de nous entraîner dans sa chute si nous ne réagissions pas.

Sebastian avait gagné. Il n'y avait pas l'ombre d'un doute là-dessus. Il avait gagné car il nous avait pris à notre propre piège. Il avait su voir à travers notre aveuglement, nos faiblesses, nos suffisances. Il avait su nous manipuler très adroitement pour parvenir à ses fins, et même s'il finissait son travail par sur une note négative, il triomphait. Il avait raison, aucune cour de justice ne pourrait nous rendre ce qu'il nous avait pris à tous les deux. Aucune perpétuité, aucune peine capitale ne nous ferait retrouver la paix. Pour ce genre de crime, la justice est vaine, car elle ne guérit rien.  Un viol est comparable à un incendie, au final, il ne reste que des cendres, et l'on ne rebâtit rien sur des débris carbonisés. Ce que le feu a léché disparaît pour toujours. On peut toujours reconstruire à l'identique avec une seconde charpente, mais il manquera toujours l'authenticité de l'original. Ma colère grandissait et je pensais à Rush. Je pensais à tout ce que Sebastian m'avait conduit à dire et à penser de lui. Je comprenais son attitude maintenant. Il avait été guidé et berné par Sebastian, qui lui avait fait endosser des habits de bourreau, alors qu'il était tout comme moi victime.

Malgré la peur, je me décidais enfin à appeler Rush. Lorsqu'il  répondit et reconnut ma voix, il se mit à pleurer et à me demander pardon. Je ne pouvais pas le raisonner, le calmer. Il parlait sans que je puisse l'arrêter. Je le priais de m'écouter. Rush se calma petit à petit. Il venait lui aussi de recevoir la lettre de Sebastian  et de comprendre ce qui s'était passé. Il avait eu cet avantage sur moi de savoir que Sebastian s'était servi de lui pour m'atteindre. Il avait passé un an à essayer de me retrouver pour me dire la vérité, un an de frustration et de recherches vaines.

Rush était inconsolable. Il avait songé plusieurs fois à se supprimer, tant le poids de ce secret était lourd à porter, mais maintenant qu'il m'avait retrouvé, il voulait lui aussi tirer un trait sur cette année et repartir sur d'autres bases. Nous avons décidé de ne rien tenter contre Sebastian. Il rentrerait en France libre, avec ce sentiment de victoire qui changerait peut être sa vie. Nous lui donnions une deuxième chance. Toutefois il y avait un risque : qu'il récidive avec d'autres. Ne rien faire nous rendait complices, mais nous assumions ce paradoxe. Comme me l'avait souvent dit Sebastian quand il essayait de me dissuader de porter plainte contre Rush, il faudrait revivre le cauchemar pour l'enquête, l'instruction, le procès… des années encore à ressasser des images, pour ensuite obtenir un verdict qui de toute manière serait insuffisant. Alors le mieux était encore de ne rien dire, et de se serrer les coudes pour s'en sortir. J'étais conscient que nous aurions besoin l'un de l'autre pour remonter la pente. Il fallait se pardonner mutuellement, se redonner confiance, et tout réapprendre puisque notre mémoire avait été partiellement effacée. Ma catharsis m'avait déjà aidé à désapprendre certaines habitudes et certitudes. Je devais les remplacer par d'autres, que j'aurais acquises par l'expérience.

J'arrivais à rassurer Rush progressivement et je lui proposais de nous rencontrer dès demain à New York. Rush n'avait pas encore repris les cours et il était disposé à faire le trajet. Symboliquement, je lui demandais de nous retrouver sur Liberty Island, pour poser les fondations d'une liberté nouvelle, à défaut d'une nouvelle vie.

Je raccrochais, la tête vide de toute idée rationnelle sur le genre humain en général. Je tombais dans les bras de Scott. Je sentais son embarras car il devait bientôt partir au travail et ne souhaitait pas me laisser seul à la maison. J'étais tellement fatigué que je dormirais certainement le restant de la journée. Je suis allé m'allonger dans mon lit, que je retrouvais enfin. Dans ma chambre, j'essayais de rassembler le plus de pièces pour reformer le puzzle. Il me faudrait puiser encore dans mon courage et ma volonté pour que je renaisse de mes cendres. Et puisque nous étions deux dans cette damnation, je devrais aussi essayer de porter Rush à bout de bras.

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