Du Club !

amaende

Rien de spécial à dire. Vu qu'il n'y avait pas grand chose en l'affaire. C'était un passage collectif. Une obligation, sans l'être.

Chaque année nous nous retrouvions en vacances dans le même coin. Le même camping, le même sable, la même eau, le même groupe de filles. Seul les garçons changeaient. Un été, ils étaient apparus. Un autre, un peu plus loin dans l'âge et la « maturité », ils étaient devenus cons. Ça empirait d'année en année, d'ailleurs. Les ravages des poussées de testostérone, je pense. Mais cette année là, il étaient devenus subitement beaux. Pas plus intelligents, certes, et bien au contraire, même. Mais superbement et simplement beaux. Une beauté dont trop de contemplation commence à te faire vibrer par l'intérieur.

C'est un fait que je partageais, véritablement. Moi j'étais plutôt la suiveuse dans le groupe. Sans trop de caractères, avec un physique moyen, j'étais transparente. Une sorte d'invisibilité qui me permettait quelque part d'observer et d'apprendre sans risquer une seule plume. J'étais là, je suivais. Rougissais presque, quand un des gars me parlait. Le faisait toujours, quand le groupe se retournait contre moi. La pire violence ne peux venir que de tes paires.

Quoiqu'il en soit, cet été là, devait être « notre été ». Une par une, ou en même temps, mais toujours et forcément seule, nous devions nous faire dépuceler cet été là.

Avec le recul et la distance, je ne comprends toujours pas que cela fut été aussi évident et obligatoire que ça à l'époque. Aucune remise en question. Rien. Le summum de la contradiction de l'ado : être du et dans le groupe, mais ne pas y être soi-même. Être soi comme individu, quitte à s'affranchir de la norme mais sans la dépasser, y être en plein dedans, même. La norme. Le groupe. La société...

Et Moi ?

J'en avais pas mal chié quatre ans avant pour le premier « vrai baiser avec un garçon, que quand t'était petite, ça ne compte pas ». J'avais mentis, pensant m'en tirer sans trop de peine. Mais le soir même, ce con d'Alex me l'avait volé, ce premier baiser. Derrière les douches, il m'a sauté à la bouche devants ses potes. Comme ça. Juste pour rire. Pour la déconne. Il m'a démonté le cou. Après ce salaud avait refusé de sortir avec moi, pour préférer Marine (et son père qui fumait des joints)... Du grand n'importe quoi.

Cette année, c'est moi qui choisirais, promis.

Et bien non. Alex, le retour.

C'était pas le plus grand, ni le plus costaud, le plus intelligent ou le plus beau. Mais la plus grande gueule, évidement.

Je ne pouvais pas rester seule. C'était comme si j'avais convenu un accord avec lui : il pouvais me bâcher, mais j'étais sa copine. Pareil, « le faire » faisait partie du contrat.

Mais bon, si je n'avais plus le choix du gars, j'assurerais le reste.

Il fallait juste que je gère deux trucs : ne pas tomber enceinte, et le faire discrètement par rapport au groupe. Si nous possédions suffisamment d'information à nous toutes réunies, j'avais pris mes propres précautions avec trois préservatifs du distributeur de la pharmacie, et deux de plus que Sylvie avait piqué au supermarché.

J'avais fixé ma date. Repéré le lieu désert et romantique. Planqué les préservatifs sur place. Caché de quoi me nettoyer et me changer au cas où. Une vraie James Bond Girl...

Tout été prêt. Même Alex. Cet âne était devenu doux et timide à force de mes mots et mes caresses. Attentionné même, peut-être. Fallait juste qu'on reste seuls, car il ne m'assumait toujours pas au milieu de ces potes... Un mec, quoi.

C'est la première fois que je me suis imposée au point de dire « Non ». Il voulait que je le suce. Déjà qu'il fallait souvent que je le caresse là, ce qui m'occasionnait beaucoup de réticence, voir au tout début une certaine aversion. Mais « ça », pas question ! Son truc et mes mains dessus pour être clair, je l'avais, à force, apprivoisé. Ça me faisait presque du bien de lui faire du bien. C'est là que j'ai commencé à comprendre le concept philosophique et érotique du « Le plaisir d'offrir – La joie de recevoir » des pochettes cadeaux dans les machines à sous des fêtes foraines. Mais mettre son «machin» dans ma bouche ! Ah non ! Jamais

Déjà que ça faisait une bonne heure que le feu de mon ventre c'était fait volcan d'eau... Je n'avais plus le temps à discuter ou négocier quoique ce soit. Je lui ai donc demandé de « venir » (sous entendu : « venir me faire l'amour »). C'était la première fois que je demandais. Le demandais. Que jelui demandais de me faire quelque chose. Nous étions là pour faire ça, mais sans jamais l'avoir dit entre nous. Le problème c'est qu'Alex n'a pas compris. Rien compris même. Moi, nu sous lui les jambes écartées ; lui, nu et bandant comme un âne entre mes jambes et a deux doigts de mon antre en flammes d'eau... Mais non. J'ai du outrepasser ma place de gourde de service, ou un truc comme ça, ce jour là. Je lui ai pris son membre et l'ai guidé en moi en lui disant « fais moi l'amour ». Ces mots m'ont semblé très bizarre au sortir de ma bouche. Alex en est devenu hyper sérieux et appliqué. La même application qu'il avait lorsqu'il bricolait sa mobylette. Zéro déconne pour un sou, et pour une fois.

C'était comme si je recevais une visite dans mon intérieur.

Je ne pensais pas que ce n'était "que ça". On en avait fait une montagne. J'en avais fait un col. Un passage. Un gué à traverser. Mais comme dirait ma grand mère : « Beau Dieu qu'es ce qu'il peuvent en dire ces parisiens, pour un truc de la nature... ».

Sortie de là, j'avais une pêche furieuse. Ce con d'Alex avait les jambes coupés, moi j'avais la vie en moi. C'est là que je me suis aperçu que j'avais zappé ces sacrés préservatifs. Ils doivent y être encore, enterrés. 1 mois d'angoisse monstre. Alex qui voulait le refaire mais sans capote. Moi qui voulais aussi, mais pas comme ça. Mon cycle très irrégulier à l'époque qui s'est mis à vriller complet.

1 semaine après c'était la rentrée. Je fut la première visite de l'année à l'infirmerie.

Et je n'étais pas la seule qui voulait "parler à l'infirmière".

N'empêche que j'étais enfin « femme ». Une comme les autres. Comme les copines...

Je faisais partie du « club ».

FrèdE

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