DU DIABLE AU DIEU

Amarille

« - Tu as tenté le Diable le jour où tu as acheté cette toile… Lascive. C'est un pousse au crime !

-          Le Diable ? Mais le Diable, ici, c'était moi ! Je l'ai achetée car inconsciemment elle me ressemblait. Enfermée dans une prison, que ce soit une voiture, des barreaux… peu importe. Je me comportais, Lascive… embellissant les ténèbres, donnant un semblant de lumière à ma vie par l'apparence… le clair-obscur. »           

 Mais par dessus tout, elle n'était pas là par hasard... c'était pas naturel...

Provocation : « action d'inciter quelqu'un à une action violente ou repréhensible » - CNRTL

« C'est comme les gilets jaunes… tu as fait une vidéo, tu t'es faite avoir. »

Les GJ, je l'ai fait parce que j'y crois, parce que aussi ludique que fut l'enregistrement de cette chanson - car ma conscience était dans la lune à l'époque faut bien le dire - les paroles portaient sur un état de fait - bien trop d'actualité encore - sont le reflet de notre société. C'est ainsi par la voix que le monde changera. C'est par l'éveil des mentalités face à la tyrannie que… de toute façon, se sont – et ce depuis toujours – les artistes qui ont ouvert les voies et touché les esprits en touchant les cœurs. Parce que les artistes, les vrais, ont en eux la seule et unique voix qui leur parle, celle de leurs cœurs, celles des valeurs à défendre, celle qui touchera le monde, non pour le détruire mais pour le conscientiser, pour lui donner à boire quand il a soif. L'artiste est espoir. Si nous pleurons devant une toile, tant son message est puissant ; si nous nous laissons porter par une mélodie tant sa portée mène au-delà de nous-même, si nous retrouvons dans des paroles l'espoir que nous n'arrivions pas à ressentir alors qu'il est là… c'est peut-être parce que l'art est amour avant toute chose. Parce qu'il transcende, parce qu'il élève, parce qu'il pousse à marcher. L'artiste qui chante se voit accompagné par son public quand ses propos le touchent, que l'on chante l'amour, les partisans, la foi, les joies, les peines, la mort… peu importe, le message va droit au cœur. Mais si on regarde de plus près, le voyons nous cela quand un politicien ouvre sa bouche pour faire valoir sa belle image et redorer son blason ? Je n'ai pas le souvenir… on chante en chœur la Marseillaise, OK. C'est un acte patriotique puissant, un acte de foi et d'amour envers un pays, mais c'est en rien un champ d'honneur face à l'horreur.

Et puis, rien de tel que la tyrannie pour rappeler que l'on est sous le joug d'un pseudo tyran. Il est important de se rappeler de quoi nous sommes faits, de quel bois on se chauffe, quelles sont nos valeurs. Nul besoin de détruire par plaisir du chaos... L'incendie a la grande faculté de nourrir la terre, ne se sert-on pas de cendres comme engrais ? Certes, ça prend du temps… mais quand ça a commencé à germer… Alors, comme toutes les révolutions, nous allons devoir nous lever contre l'oppression, contre l'ordre établi… et pour se faire se libérer des chaînes qui nous restent.

En même temps, qui cherche trouve… Et si l'Homme engendre colère et souffrance dans l'évolution de l'Humanité, alors c'est qu'il pousse au déclin de cette dernière, dans ses plus profonds retranchements, car dans chacun il y a un feu sacré... et du déclin naît la force, comme du crépuscule l'aurore. Nous pouvons être perdus, mais nous pouvons aussi retrouver notre chemin, nous pouvons nous reprendre – pas sans saigner, car c'est le goût du sang qui donne à la liberté sa teneur, sa raison d'être, sa force – et faire d'un tas de cendres un incendie. Saigner, saigner à vouloir mourir mais rester debout malgré tout. Nous sommes des « êtres faibles », et se sont dans les luttes que nous affirmons notre force. Mourir, ce n'est pas compliqué. On appuie sur un bouton et on se laisse porter par la vague. Mais revenir, faire marche arrière, affronter le regard de ceux qui vous voient plonger et se dire que d'un rien qui est en fait un tout, que d'une phrase… vous sortez de votre coma, conscient que vous êtes sur le point de tout aggraver, et de ne rien sauver. Et que la violence la plus douloureuse n'est en rien celle de se laisser porter par le courant et sombrer, mais lutter, affronter les démons qui vous tiennent au corps avec leurs immenses pattes pour vous tirer vers le fond… le fond est paisible, certes, mais il n'y a ni paix, ni rédemption.

Je ne suis pas un exemple de libertaire, mais j'acquiers ma liberté en luttant contre ma pensée formatée. Par contre, je sais que j'ai eu cette foi en moi un jour qui je sais feuille par feuille, branche après branche, doucement reprend place chaque instant. Brûle en moi bien plus qu'un feu de joie, un feu de foi nourri d'espoir. Mais, parce que je suis la parfaite mère imparfaite, que je me pose la question du demain pour mes enfants, je leur inculque que l'Humanisme est la réponse à l'équation mondiale, souveraine et oligarque. Je ne sais pas si je suis dans un accomplissement constructif, mais je sais que je veux les armer face aux fascismes des oppressions. Et pour se faire, sans les plonger dans le dictât de la haine, qui n'est que perles aux pourceaux, je dois montrer l'exemple… et c'est dur.

Un souvenir me vient en mémoire, alors que j'écris, que j'ai à dire, j'ai cette image où je me souviens avoir souffert de mon impuissance à cet instant précis, d'avoir eu vraiment honte… Elections 95, 2ème tour, Chirac VS Lepen… mon père saute de joie dans la maison de mes grands-parents, il saute de partout, je suis en bas des escaliers, je souris car je le vois heureux, il y a comme une ambiance exceptionnelle qui vient adoucir l'air. Puis, il monte sur une marche et saute à côté de moi, me prend par les épaules « C'est tonton Dolfie qui va être content ! Vive tonton Dolfie!" Je  le regarde, je souris comme par réflexe de survie et je me dis que si Lepen passe, les fours vont reprendre du service. J'ai peur. J'ai honte. Les fours, c'est pour ceux qui n'ont pas la bonne couleur, c'est pour ceux qui n'ont pas le sang pur, c'est pour les vieux, les adultes, les enfants. On va arracher des dents, tondre des têtes, humilier les corps, les annihiler. Nettoyer la terre de ses parasites. Voilà ce qui se passe dans cette tête qui chante les louanges de Dieu du matin au soir et qui est habité par l'esprit du Diable.

Alors le Diable, je veux bien l'inviter à ma table, car le Diable n'est que l'ombre de Dieu, et il n'y a pas d'ombre s'il n'y a pas de lumière. C'est le vice de la vertu, et c'est en comprenant pourquoi le Diable surgit de nulle part, que l'on réalise l'importance de ce qui en nous est Dieu.

Que l'on soit croyant ou pas, on mettra toujours des termes sur ce qui nous semble être inaccessible car immatériel. Nous avons besoin d'ordonner par des mots les faits qui animent nos vies, nous avons besoin de comprendre l'impalpable, l'incompréhensible. Mais plus que tout, nous avons besoin de nous transcender – et là se fait le choix – entre le bien et le mal, entre Amour et Haine, entre mépris et respect. Et Dieu est un mot facile, 4 lettres pour relier le Nord au Sud, l'Est à l'Ouest. Donner corps à un ensemble logique et non futile.

Ma foi repose sur un verset de l'évangile de St Thomas : « Le Royaume de Dieu est en toi et tout autour de toi, pas dans les palais de bois ou de pierre ; fends le morceau de bois et je suis là, soulève la pierre et tu me trouveras. »

Nous ne sommes que des humains, imparfaits et sensibles… même Hitler l'était, s'il avait suivi la voie de l'art, on parlerait peut être de lui autrement… sauf s'il avait peint des étoiles dans des flammes… mais bon, sa spécialité ayant été les dessins d'architecture, il aurait sûrement trouvé Tyran à qui soumettre des camps d'épuration. D'une manière ou d'une autre, j'en reviens à me dire que l'art est non seulement un vecteur de paix et d'amour, mais de guerre et de haine. Qu'il faut simplement accorder à l'œuvre, le moyen d'exprimer bien plus qu'une « œuvre » mais un message contestant un ordre établi, une injustice, louant une beauté, un souvenir, pleurant une souffrance… y voir un miroir de l'âme… et que de cette donnée qui n'est rien d'autre qu'un vecteur, "rationaliser" la pensée, car telle en est la fonction et ainsi de suite.

Mathématiquement, je pense que cela pourrait donner :

F(x) = D(∞)/√(p)

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