Du rêve.

lavagabonde

10.12.15

Il est 5h50 du matin à l'instant où je vous écris ces lignes. Un jeudi matin comme les autres, a priori. Il faudrait se lever, boire un café, fumer sa clope, enfiler son manteau, sac en bandoulière et se rendre à la fac. Sauf que je n'ai pas dormi de la nuit. Je n'ai pas pu - ça fait des semaines que c'est comme ça. Des mois, peut-être, que chaque nouvelle journée ressemble à un putain de lendemain de cuite. Que sortir de mon appartement m'effraie parce que dehors, il n'y a plus rien, que le brouillard, le froid, l'ombre. Je crois m'enfoncer dans les rues venteuses en quête d'un peu de vie, de compagnie, de sociabilité comme on dit. Mais même les gens sont devenus ternes, fuyants. On rase les murs, on baisse la tête, on trace sa route comme si croiser le regard des passants allait finir de nous geler le cœur.

Mais tout va bien.

Sûrement que c'est moi qui déconne. Qui vois le mal partout parce que je ne suis pas bien moi-même. Tout simplement. Je devrais me connaître, depuis le temps. Des hauts et des bas, des rires et des larmes. Toujours plus de rires, somme toute. Je n'ai pas une vie malheureuse, loin de là, je suis juste une de ces éternelles mélancoliques, qui se plait trop à s'agacer de ses propres pensées. Alors ça passera, sûrement, comme à chaque fois.

Parfois, pourtant, c'est un autre sentiment, différent, qui s'empare de moi. Suis-je la seule à me sentir ainsi étrangère en mon propre pays, ma propre ville, où je suis née et j'ai grandi - ou partagè-je ce mal-être avec un plus grand nombre ? Ce sentiment d'avoir été trompée, volée, que mes droits sont bafoués, ma liberté peu à peu arrachée, et que mon quotidien dépend de ce qu'une poignée d'hommes un peu puissants a bien voulu nous accorder. Des miettes, et dont on se contente.

On continue d'écouter les politiques, leurs discours toujours plus véhéments, de croire au changement qu'ils promettent, à un mieux vivre toujours à venir. Mais ils nous ont eu, c'est tout. Ils nous ont, littéralement, vendu du rêve. Croissance, confort et, par dessus tout, sécurité. Prenez, tenez, une assurance ici, un petit prêt là, un placement, oui, puis, ah ! peut-être envisager une hypothèque, étant donnée la conjecture actuelle, monsieur, comprenez...  Ils nous ont fait les poches sur tous les plans et ont rempli les leur de cet argent gagné à nos dépends. On ne peut nier que ces idées ont eu leur heure de gloire, c'est certain. Mais c'est visiblement plus compliqué d'assumer aujourd'hui les conséquences de ce système. Des défaillances ? quelques unes, dont il ne faut parler. Ça n'est pas. Profitez donc de la vie, de toutes ces choses que le capitalisme vous offre, encore. Quelle chance vous avez. Voyez comme c'est beau, comme c'est simple, comme c'est magique. Le prix à payer ? Tout en bas en italique, après les astérisques.

Ah, vous n'aviez pas vu ? 

  • J'aime ton texte parce que ça part de ressentis personnels pour aller vers quelque chose de plus général, ce sentiment de malaise que crée la société d'aujourd'hui, sentiment diffus que beaucoup de gens sont incapables d'exprimer, de mettre des mots dessus...

    · Il y a plus de 6 ans ·
    P1000170 195

    arthur-roubignolle

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