Je rêvais de sauvagerie. De cris perçants, lancinants. D’une atmosphère rouge et effrayante. Je rêvais, oui. Parce que le bien, cette fois, était un mal sans nom. Une douleur frémissante, caractérisée par l’interdit du jeu mortel. Un jeu qui se profilait sur la lame d’un couteau affuté. Je rêvais d’un meurtre, c’est vrai. Un assassinat passionnel toutefois. Qu'y a-t-il de plus beau qu’un amour aussi vif ?
Et tel un artiste chevronné, il faisait artistiquement couler le sang, élément principal de son tableau, sur sa toile en inox blanc. Il rectifia une entaille, tourna légèrement la tête de sa victime vers la droite, lui ferma les yeux pour qu’elle ait l’air endormi, ses membres tordus dans une étrange position. Là, elle ressemblait à un ange. Un ange perdu au milieu d’entrelacs écarlates, dessinant peu à peu ses ailes sur le sol. L’artiste se senti ému devant son plus beau chef d’œuvre. Il sentait qu’il avait fait de quelque chose de macabre, une beauté époustouflante. Le cœur gros, il se résout à l’abandonner là, nue et défigurée, sans pouvoir signer sa toile.
Une œuvre anonyme à laquelle la police criminelle tenterait d’y mettre un nom.
Je rêvais de sa fuite, de ses sentiments, de ce qu’il laissait derrière lui. Je rêvais que, bien que meurtrier, il avait su rendre sa magnificence à une beauté perdue. Je rêvais de sa violence, de sa passion, de son envie de vouloir déjà recommencer. Recommencer à rendre vivant ce qui devait être mort. Car l’ange endormi semblait bien plus vivant dans son dernier sommeil que dans le sommeil qu’avait été sa vie.