D'un homme et d'une couleuvre

Balder Maltese

Reprise d'un texte d'Esope.

Fable originale:
Un feu allumé par une caravane gagne de proche en proche, et se répand autour d'une Couleuvre. Un Homme veut la sauver en lui jetant un sac. Celle-ci, en remerciement, cherche à tuer son sauveur. L'Homme crie à l'ingratitude. Le Serpent proteste. On choisit pour arbitre la Vache. La Couleuvre lui demanda comment il fallait reconnaître un bienfait. " Par son contraire, répondit la Vache, selon la loi des Hommes, et je sais cela par expérience. J'appartiens, ajouta-t-elle, à un Homme qui tire de moi mille profits. Je lui donne tous les ans un Veau, je fournis sa maison de lait, de beurre et de fromage, et à présent que je suis vieille et que je ne suis plus en état de lui faire du bien, il m'a mise dans ce pré pour m'engraisser, dans le dessein de me faire couper la gorge par un boucher à qui il m'a déjà vendue. " L'Homme répond qu'un témoin ne suffit pas. On en choisit un second, l'Arbre. L'Arbre ayant appris le sujet de leur dispute, leur dit : " Parmi tous les Hommes les bienfaits ne sont récompensés que par des maux, et je suis un triste exemple de leur ingratitude. Je garantis les passants de l'ardeur du soleil. Oubliant toutefois bientôt le plaisir que leur a fait mon ombrage, ils coupent mes branches, en font des bâtons et des manches de cognée et, par une horrible barbarie, ils scient mon tronc pour en faire des ais. N'est-ce pas là reconnaître un bienfait reçu ? " L'Homme demande un troisième arbitre. Passe un Renard. Il ne veut pas croire qu'une si grosse Couleuvre ait pu entrer dans un si petit sac. Il demande la preuve. La Couleuvre se prête à l'expérience. Sur le conseil du Renard, l'Homme lie le sac et le frappe tant de fois contre une pierre qu'il assomme la Couleuvre et finit par ce moyen la crainte de l'un et les disputes de l'autre.


Ma fable:

Il fut un temps où l'homme avait la compétence
De parler avec tous. Faune, flore, et être humain,
Avaient les mêmes mots et mêmes références;
Je veux parler bien sur d'un passé fort lointain.

C'est en ces temps qu'une couleuvre malchanceuse,
Se retrouvait un jour encerclée par des flammes.
Appeurée elle crie et se sent bien heureuse,
Lorsqu'elle voit venir l'aider un porteur d'ame.

Mais en réfléchissant, avec trop de fierté,
Elle tient vite le raisonnement suivant:
"Ce grand feu brulant qui m'a bien vite encerclé,
Est une invention dont voici le grand savant."

L'humain jette un sachet pour sauver le serpent,
Celui-ci tente de mordre son grand sauveur,
Qui crie à l'injustice envers l'être rampant.
On prend un bovin pour désigner le vainqueur.

La couleuvre demande à la vache comment
Il fallait reconnaitre un bienfait prodigué.
Ayant trouvé une réponse, prestement,
Donnant une anecdote, afin de s'illustrer.

"Cet homme que tu vois, je suis sa possesion,
Je lui donne du lait, des bons veaux et du beurre,
Mais l'age m'a privé de toutes ces actions,
Et l'homme m'a vendu pour qu'on perce mon coeur."

Un témoin n'étant pas suffisant pour l'humain,
On choisit donc un arbre afin de décider
Qui de l'homme ou serpent aura le mot de fin.
Et le chêne appellé finit par déclarer:

"Les bienfaits procurés à l'homme ne seront
toujours récompensés que par de graves maux
Et je prends ma vie comme une illustration."
Il se mit à parler et tels étaient ses mots:

"Mes branches font de l'ombre à de nombreux passants;
Mes fruits sont un maillon de la chaine de vie;
Mais quand l'homme pense que je deviens trop grand,
Il vient me faire choire à violent coups de scie."

Non content de ce que l'arbre avait déclaré,
L'homme qui avait juste apperçu un renard,
Lui demanda aussi son conseil éclairé.
Le renard acceptait pour clore la bagarre.

Dérivant du sujet, il ne voulu pas croire
Qu'un aussi grand serpent ai la capacité
De rentrer dans un sac sans faire aucune histoire.
Et le rampant rentrai afin de se venter.

Aux conseils du renard, l'homme saisit la poche,
La tenant dans sa main, fermant la seule issue,
Il cogna le serpent contre bois, contre roche,
Si bien que celui-ci, jamais bouger ne pu.

Charles Plesse

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