Eau chaude, sang froid

Jonathan Penglin

Écrire un texte à partir du titre, trouvé via un cadavre exquis.

La vapeur forme des volutes doucereuses dans l'eau qui refroidit lentement. Elles montent en spirales complexes, langoureuses, peu pressées d'atteindre le plafond ou de venir mourir sur le double vitrage glacé de la petite lucarne. La buée la recouvre, entre les traînées humides des gouttes qui ont fini par se laisser tomber, se sont rejointes en un mince filet d'eau à la base de la vitre, contre le bois à la peinture blanche qui s'écaille. L'orchidée dans son pot sur le rebord a l'air d'apprécier l'hygrométrie ambiante. Ses fleurs violettes sont grandes ouvertes et diffusent un parfum léger, tandis que des gouttes ruissellent de temps à autre sur ses feuilles. vers ses racines. L'odeur des fleurs se mêle à celle du savon, qui repose dans sa coupelle en fausse porcelaine de Chine. Des bulles sont restées dessus, qui éclateront ou sécheront telles quelles. Il sent bon, c'est du savon de Marseille à la lavande, artisanal, d'un beau violet qui rappelle les fleurs de l'orchidée. Il y a un peu de mousse sur le rebord de la baignoire, quelques projections sur la faïence de mur. D'autre qui trouble l'eau du bain. Une araignée, une de ces frêles arachnides au petit corps rond et aux longues jambes graciles, s'est réfugiée dans un coin du plafond, indisposée par les senteurs trop fortes et par l'humidité. Elle ressortira pour raccommoder sa toile quand l'humain ouvrira la fenêtre, aérera la pièce une fois sa toilette terminée. En attendant elle patiente. Un papillon s'agite à côté de l'ampoule. L'humidité le gêne aussi, mais l'attrait de la lumière est trop puissant. Heureusement pour lui, il s'agit de LED, par d'un filament de tungstène chauffé à trois milles degrés. Il n'a aucun risque de se brûler les ailes à trop les frotter contre elle. Pas certain qu'il échappe à l'araignée qui lorgne sur lui cependant.

Il y a une musique qui joue, en sourdine, quelque part. Une mélodie douce, qui colle à l'ambiance. Pas de quoi troubler l'homme qui repose dans la baignoire. Il est immobile, les yeux fermés. Pas la moindre ride à la surface du bain. Il n'y a que le papillon qui fasse du bruit, et l'occasionnelle goutte tombant du robinet mal fermé. Le reste est calme. Tellement calme.

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