Ebauche

Elle a  65 ans. De ce fait. Explicitement. En toute logique. Elle aurait vécu  65 années. Mais a-t-on réellement existé  65 années quand 40 ans de notre vie se sont écoulés sans que l'on en ait gardé le moindre souvenir ?
Si notre existence se résume à  nos actes et à la capacité de notre boîte crânienne à les retenir, cette femme aura pour toujours 25 ans.
Elle vit dans un pays criblé de balles. Actuellement, son lieu de résidence est une sorte de flou suprême aussi instable et sombre que la balle qui a actuellement élu domicile dans sa poitrine. Dans ce purgatoire où tout un chacun verrait ses souvenirs défiler à la façon d'un flash-back dans un film de série B, elle, ne voit rien. Elle n'entend ni la petite musique triste ni  ne voit la lumière blanche au fond du tunnel.
Elle, elle le sent. Elle l'a dans la peau et l'a toujours eu. Unique rescapé de sa mémoire.
Voilà mon cadre spatio-temporel et je crois qu'il est assez clair. Une femme, à une époque, dans un endroit où la mort rôde.

J'ai toujours pensé que les histoires d'amours étaient « gniangnian ». J'ai toujours pensé que les écrivains, les réalisateurs, les poètes, les mythomanes inventaient des histoires d'amour car ils avaient la certitude que cela leur rapporterait toujours quelque chose. De la pitié, de l'envie, de la jalousie, du fric ou tout simplement quelque sorte d'attention. Je l'ai pensé et le pense encore. Ils ont tout compris. L'amour guide tout, l'amour nous guide et l'argent, le travail, les guerres, la politique, la religion ne sont que des inventions qui tentent (en vain) de rivaliser avec cet « amour ». Les personnes qui disent que ça n'existe pas  ou quelque autre connerie sont des gens amoureux de la haine (des jaloux), des amoureux du travail (célibataires riches) ou des amoureux d'une activité (les passionnés).
Bref, l'amour dont je parle est celui d'une âme, d'une personne.  L'absurde, le tout.