Ecoute ton coach.

Giorgio Buitoni

Chapitre 5 de mon roman "Amélie à tout prix"

Je quitte le tramway, je monte au quatrième étage dans mon appartement et, comme tous les soirs, je m'installe à mon bureau pour compter mes défauts du jour dans la colonne « défauts ».  Il y a maintenant un mois que je suis les conseils de mon coach virtuel en développement personnel sur internet, et ma liste recense déjà 128 défauts différents. Aujourd'hui, je dénombre dix-huit nouvelles entrées.

Les deux derniers en date sont :

"Dents jaunes" et "impuissant".

Et tout le temps où je compte les lignes de ma liste, la fille du tramway ne sort pas de ma mémoire. Son assurance, son culot, m'encourage encore à m'améliorer. Je me connecte à internet pour dialoguer avec mon coach virtuel.

Pour vous motiver, le site internet de mon coach affiche un intitulé plein d'espoir : Think better, live better, devenez un Alpha. Et en sous-titre vous lisez, écrit en blanc, façon écriture manuscrite de notaire : « développement personnel et séduction ». Le tout plaqué sur un habillage d'images de rosée matinale sur feuille de chêne et d'oiseau de proie planant dans le soleil couchant.

Le site internet de mon coach est une mine d'informations utiles, pour peu, bien sur, que vous souhaitiez comme moi apprendre à être heureux et à déjouer le foutu naufrage programmé de ce que vous appelez votre personnalité.

Je renseigne mes identifiants sur la page d'identification, et un message de mon coach m'attend dans ma boite aux lettres personnelle. Tous les jours, mon maître à penser poste un genre de proverbe-épiphanie personnalisé pour vous remonter à bloc et vous motiver à suivre votre programme individuel.

Ce soir, il est écrit :

« Bonsoir, cher Georges, voici la phrase du jour : «Soyez acteur de votre vie plutôt que spectateur ». Et de nouveau je pense à cette fille et à son numéro de comédienne dans le tramway.

Hier mon coach me conseillait :

« Accepter la vie c'est être capable de se dire que tout n'est qu'impermanence et qu'à chaque instant tout peut basculer ».

Avant-hier, c'était une citation de Lao Tseu :

« Les choses ne changent pas, change ta façon de les voir, cela suffit. »

Mon coach a un nom d'avocat au barreau : Maître Richard.

Un jour, j'ai demandé à Maître Richard pourquoi aucune photo de lui n'apparaissait sur son site, et il a répondu que c'était pour ne pas laisser penser à ses élèves que l'apparence physique a quelque chose à voir avec réussir sa vie.

Mon coach a toujours une réponse profonde et pertinente à vous apporter concernant vos petits tracas. La plus terre à terre de vos interrogation prends parfois, à la lumière de sa réponse, une portée presque biblique.

Demandez-lui s'il est normal d'avoir peur d'aborder cette fille qui vous plait au travail, et il vous répondra : « sur les chemins sans risque on envoie que les faibles ».

Mais, d'autre fois, il vous renverra juste à quelques exercices pratiques d'autosuggestion :

« Regardez-vous dans le miroir, fixez votre reflet dans les yeux, et prononcez dix fois : « je t'aime ». Répétez l'exercice une semaine durant, deux fois par jour.

Et vous voila avec votre conseil-ordonnance à scander vos incantations narcissiques devant la glace de la salle de bain.

Je t'aime.

Je t'aime.

Je t'aime…

Si le premier jour, au bout du quatrième « je t'aime » vous avez envie de rire ou de pleurer, il ne faut pas vous décourager, c'est normal. A ce stade de votre programme, personne n'est capable d'aimer un nullard comme vous ; pas même vous. Devenir un mâle Alpha est un long chemin confesse Maître Richard dans sa biographie en ligne.

Voyez-vous, jadis, maître Richard était un pigeon, comme vous et moi. Une simple erreur ADN. Un assemblage stérile de prédispositions foireuses et de préjugés paralysants. C'est écrit dans la biographie. Au lycée mon coach était un adolescent joufflu, timide et mal aimé ; un pleutre de première moqué de toute la classe. Et puis, à 17 ans, il y avait eu cet exil scolaire dans une autre ville. Puis cette terrible pneumonie. C'est là, seul, à demi mort dans son lit, expectorant des myrtilles de sang caillé, que maître Richard avait pris conscience de la précarité de l'existence. C'est là que mon coach avait décidé de changer sa condition de pigeon. Oui, il allait mourir en Alpha, et ce jour là, il y aurait un troupeau d'amis et de femmes aux joues mouillées autour de son cercueil.

Et à présent, Maître Richard la revend à d'autres pigeons comme vous et moi, son illumination. Nous sommes tellement nombreux, nous les porte-serviettes, les portiers du niveau zéro, à vouloir gravir les étages sans passer par les escaliers.

Nous voulons être vus, remarqués, touchés, devenir la cible de tous les sourires autour.

Oh, oui, nous voulons cesser d'être nous-mêmes, et briller, briller…

Eh bien, il vous en coûtera trente euros par mois, paiement en ligne sécurisé garanti. C'est un système de question-réponses entre vous et le coach Richard. Tout se passe par messages interposés sur internet. A partir d'un questionnaire et de quelques photos, Maître Richard établi un diagnostique de votre naufrage, et vous propose ensuite un programme de sauvetage personnalisé digne d'un entrainement militaire.

Cela se passe en trois étapes. La première, c'est l'étape « pigeon », là ou vous vous trouvez en ce moment, un corridor noir et humide dans lequel vous vous contorsionnez contre les parois comme une moisissure pour laisser passer les autres devant vous. L'étape « pigeon » veut dire que vous êtes incapable de vous peigner tout seul, ni de réclamer quand un serveur vous arnaque sur la monnaie de votre café. Cette étape, c'est quand vous dites « merci » et « désolé » alors qu'on vous écrase les pieds.

Maître Richard dit que, « désolé », mais vous êtes un pigeon.

Désolé, mais au stade pigeon, vous êtes une formule de politesse avec deux mains pour passer les plats et tenir les portes, il dit que là ou vous en êtes, la réussite pour vous, c'est comme l'histoire de Blanche-Neige, un conte que vous vous racontez le soir dans votre lit seul pour vous aider à dormir, un rêve inatteignable qui vous évite de sucer trop de narcoleptique.

Maître Richard est catégorique : à ce stade vous vivez votre vie en différée.

Votre pause déjeuner solitaire se passe à refaire le match de la matinée: oh, j'aurais du répondre ça, oh, j'aurais du faire ceci. Et le soir, vous vous couchez, et vous faites idem pour l'après-midi. Et il vous semble qu'a rejouer en souvenir, à votre avantage, les scènes d'humiliations de la journée, vous avez enfin le beau rôle dans votre vie. Il vous semble que vous apprenez quelque chose, et que demain dans une situation identique vous réagirez de la bonne manière. Demain, oui demain, ce sera différent. Sauf que ça n'arrive pas : s'il vous plait, demande Maître Richard, abandonnez l'idée d'apprendre quelque chose de vous-même, vous êtes un pigeon.

Au stade pigeon, vous jouez au loto avec votre avenir, et vos chances de réussite sont quasis nulles.

En revanche, si vous réalisez bien vos exercices, vous accéderez à l'étape « vautour ». C'est l'étape intermédiaire, avant l'étape « aigle royal » qui est le dernier pallier, celui ou vous rejoignez maître Richard au dessus des nuages, celui ou votre compagnie devient coté en bourse.

Voila mon objectif.

A mon inscription au programme du coach Richard, il y a un mois, j'ai donc renseigné le questionnaire d'évaluation et envoyé quelque photos, et maître Richard à répondu par message : vos yeux sont beaux, mais humides et suppliants, votre corps est inexistant, et votre personnalité - je ne veux pas vous faire de peine, Georges - mais vous êtes le pigeon type, docile et serviable, toujours prêt à lécher la main qui vous frappe, c'est à croire que vous aimez ça.

Le coach à dit :

- Six mois minimum pour passer à l'étape « vautour ».

Il a dit :

Voici vos premiers devoirs :

Brûlez votre garde robe, achetez des vêtements plus ajustés, veillez à ce que la couture des manches de vos chemises se superpose à l'angle de votre épaule et de votre bras.

Établissez une liste de vos défauts et de vos qualités.

Vendez votre téléviseur.

Commencez une activité sportive pour muscler le haut du corps, biceps, trapèze et pectoraux.

Cessez de vous excuser et d'être désolé.

Tenez-moi au courant de vos progrès tous les jours, de mon côté, je vous enverrais des travaux pratiques dans votre boite e-mail ou sur votre téléphone.

Un mois que je suis censé avoir vendu ma télé, mais je n'ai pas pu. Pareil pour les fringues, j'ai honte d'aller faire les essayages dans les boutiques, toutes ces femmes en slip dans les cabines adjacentes qui faufilent leur derrière dans des robes, ça me bloque.

J'ouvre la petite fenêtre de chat sur le site internet du coach Richard, et j'écris : « Bonjour coach Richard, comment allez-vous ? »

En parallèle, j'allume la télé sur la chaîne des films à la demande, et je choisi un film d'horreur au hasard parmi ceux que je n'ai pas encore visionnés ; ce soir, ça s'appelle : Jenny et le croque mitaine. Le film démarre sur un lettrage sanglant et un air sinistre de violoncelle, j'inspire fort, et j'étale ensuite mon corps-bâtonnet face au carrelage, en équilibre sur mes mains, en position pour exécuter quelques pompes.

Avec les mains écartées au delà de la ligne de vos épaules vous musclez d'avantage vos pectoraux. Les mains ramassées sous votre torse, vous musclez vos pectoraux, ainsi que vos triceps.

Mon programme d'aujourd'hui disait : deux séries de huit pompes dans les deux positions.

J'exécute une pompe, et je m'effondre. Et lorsque je relève la tête pour regarder à nouveau l'écran de mon ordinateur, maître Richard à répondu à mon message :

- Bonjour, Georges. Avez-vous accompli vos exercices physiques aujourd'hui ?

Je tape sur le clavier ma réponse : « je suis en train, Coach. »

Et au même moment, sur l'écran du téléviseur, il y a la petite Jenny en noir et blanc qui se souvient de sa première rencontre avec le croque mitaine dans la grange familiale. Jenny, elle pourrait ressembler à la fille du tramway, en beaucoup plus jeune, sans la poitrine-zeppelin. Et je m'interroge, peut-être devrais-je consulter le coach au sujet de cette fille. Savoir, si j'ai mes chances.

Je place encore une fois mon visage face au sol carrelé, le nez à renifler la poussière, et je pompe avec mes bras tremblants : une pompe et demie.

Sur l'écran de l'ordinateur, mon coach écrit : évitez le sport le soir, Georges, ça vous empêche de dormir. Quels sont vos défauts du jour ? Avez-vous fait des rencontres aujourd'hui ? Êtes-vous parvenu à tenir une conversation avec un inconnu plus de cinq minutes avec votre écriteau autour du cou?

A la télé, Jenny s'avance vers le coin le plus sombre de la grange, un seau à la main, sa gentille frimousse lippue, tout en regard tendre et écarquillé, fonce droit dans le panneau, comme d'habitude.

Je réponds au coach Richard : « désolé, je n'ai pas eu le temps ce matin pour les pompes. J'ai rencontré quelqu'un dans le tramway ce soir ». Et à peine ai-je enfoncé la touche « envoi » que je réalise que j'ai écrit une bêtise.

La petite Jenny crie : « Maman, c'est toi ? », et Maître Richard, l'alpha, réponds :

- Qu'est ce que je vous ai dit, Georges? Arrêtez d'être « désolé » ! C'est typiquement le genre de comportement qui vous ramène en arrière, mon vieux! Et pourquoi le tramway ? Il n'y a que des losers dans le tramway, voyez grand, bon sang ! Si vous draguez dans le caniveau, vous resterez dans le caniveau.

Souvent maître Richard vous piège avec une question simple, pour mesurer votre niveau d'engagement. Et moi, je fais comme la petite Jenny, j'avance droit dans le piège, pile là ou le monstre se cache. Au stade Pigeon, la défaite vous attire à elle comme un aimant, vous longez en permanence un précipice les yeux bandés à attendre que la gravité vous appelle.

Désolé, je suis désolé, mais cette fois je ne l'écris pas. Avec le bout de mes doigts, je demande :

- Vous m'avez dit une fois que le physique n'avait rien à voir avec la réussite ni la séduction, pourquoi m'obliger à faire toutes ces pompes ?

A présent, la môme Jenny entends un craquement derrière elle. Elle pose son seau sur le sol terreux et jonché de paille, et recule lentement en direction du bruit. Elle dit : « Maman ? c'est toi ? » .

Maitre Richard réponds :

- A votre niveau, il faut mettre toutes les chances de votre coté, Georges. Regardez-vous, il semble que vous sortiez d'un camp de prisonnier. Vous avez la même allure que ces insectes en forme de brindilles, les phasmes ; une tige pour le tronc et quatre filaments autour qui font les bras et les jambes. Pensez-vous qu'un Alpha doivent inspirer la pitié? Croyez-vous qu'une femme aimerait sortir avec un trombone déplié ? Pompez, ou vous resterez seul.

Alors j'exécute, en appui sur mes pattes d'insecte bien écartées, deux pompes supplémentaires ; je commence à transpirer. J'ôte ma chemise et je file dans la salle de bain pour observer le résultat. Dans le miroir au dessus du lavabo, mon torse est couleur crête de coq, mais toujours aussi plat et fin qu'un drap repassé.

Je retourne devant l'ordinateur, et à la télé, la petite Jenny hurle à présent : « Maman ! Maman ! », tandis qu'en arrière plan, dans son dos, une ombre se déplace rapidement de gauche à droite accompagnée d'un pizzicato de cordes basses. Et voila Jenny qui court et évite la sortie de la grange - la seule issue possible - pour se réfugier en haut de l'échelle, à l'étage, dans un cul de sac ou s'entasse des mètres cube de foin.

Jamais la fille du tramway n'aurait envisagé cette option. Ni maître Richard.

Un autre message de mon coach clignote sur l'écran de l'ordinateur : « Et cette fille, qui est-ce ? Lui avez-vous parlé ? demande maître Richard »

Je lui écris toute l'histoire, la fille, la fraude au ticket, l'arrêt d'urgence et la fuite sur les rails…

« Elle en a cette fille, dit mon coach à l'autre extrémité du Wifi, c'est exactement une jeune femme dans son genre qu'il faudrait à votre bras, Georges. Lui avez-vous parlé ? »

Je tape : « oui »

Maître Richard écrit : « Ne me mentez pas, Georges, avez-vous engagé la conversation ? »

Il me connait si bien, mon coach, il sait que parmi les 128 défauts recensés dans ma colonne "défauts", il y a « menteur ».

Un pigeon solitaire prétendra souvent qu'il a fait des tas de trucs, parce que cette étincelle d'intérêt qui crépite dans votre regard lorsqu'il vous raconte sa vie imaginaire, pour lui, c'est comme devenir une vraie personne ; une sorte de promotion sur l'échelle de l'évolution.

A la télé, la petite Jenny suffoque en silence à l'étage de la grange, les mains devant la bouche, si mal cachée au pied d'une motte de foin. Pendant ce temps la caméra filme dans un mouvement ascendant les barreaux de l'échelle de bois, le sixième, le septième… : le croque mitaine se rapproche de sa proie.

J'écris sur l'écran, à destination de mon coach : « OK, pardon, nous ne nous sommes pas parlé »

Pardon.

Désolé.

Excusez-moi.

Les mots interdits.

Ça ne veut pas rentrer, désolé.

Maître Richard écrit :

- « Arrêtez de demander pardon ! Respectez-vous, Georges ! »

Et il y a Jenny qui suffoque sous la paille, et occulte les gémissements de sa bouche de ses petites mains tendres. Dixième barreau de l'échelle, le croque mitaine, tout plongé dans son regard que je suis grâce à la vue en caméra subjective, se hisse enfin à l'étage. Il s'approche de la petite Jenny en émettant de long râle digestifs, plein de gargouillis de tripes et de viscère plaintives. A présent, la maman de la petite Jenny, une carabine à la main, se découpe en silhouette anthracite dans l'encadrement de l'entrée de la grange.  Elle crie : « Jenny ? Jenny ? »

Dans la fenêtre de discussion, mon coach écrit :

« Je sais que c'est humiliant, Georges, mais là ou vous en êtes pour le moment, vous essayez de tracer une ligne droite à l'aide d'une règle tordue, de coupez votre entrecôte avec une fourchette, les outils dont vous disposez sont inadaptés. Vous devez acceptez mon aide, c'est votre seule option si vous souhaitez vous élevez vers les étoiles. »

Je ne réponds pas. Tout absorbé que je suis par le film. On a beau savoir que la petite Jenny va s'en tirer – l'héroïne ne meurt jamais au début du film- j'espère malgré tout un démembrement, une mort par éventration, parce qu'entre pigeon, c'est tout ce qu'on se souhaite. Mourir en martyr, terminer handicapé, pour nous, c'est comme un oscar à Hollywood. Entrer dans la lumière et accéder à la dignité dans un dernier soupir, c'est là notre ascension sociale réservée.

La maman de Jenny tire une salve vers le plafond et, au premier étage, le croque-mitaine, toutes griffes dehors, si proche à présent d'écharper la fillette au pied de la meule de foin, grogne et interrompt son geste mortel, avant de bondir au ré-de-chaussé, face à la maman en colère, la carabine tremblante à l'épaule.

« Georges ? Vous ne regardez pas la télévision, j'espère ? Demande le coach Richard, je vous avais ordonné de vous en débarrasser ! »

Désolé.

Pardon.

Toutes mes excuses.

J'écris : « non, coach, je terminais ma série de pompe ». Et dans ma colonne « défauts », à toutes les lignes vous pourriez ajouter : menteur, menteur, menteur…

« Ok, ok, Georges, dit maître Richard, abandonnez vos exercices pour ce soir, et lisez attentivement ce qui suit : vous allez tacher de retrouver cette fille, vous me recevez ? Peu importe la manière dont vous vous y prenez, trouvez là, faites connaissance, et séduisez la, vous avez quinze jours. » Mon coach ajoute :

- Tenez-moi au courant. Je précise que si vous échouez, notre collaboration s'arrêtera là, Georges.

Et ce qui suit est comme une chute de trente étages au ralenti, chaque seconde avant l'impact sur le sol étirée sur une année. Ressentez votre peur monter comme une grande vague noire et glacée, sentez chaque pores de votre peau se dilater et évacuer un océan de sueur froide, mesurez à quel point vous êtes loin de l'étape « vautour ».

« Maman ! » crie Jenny à l'étage, en brave petite larve.

Et moi, je m'aperçois que je n'ai personne à appeler au secours à part maître Richard, alors j'écris :

-« J'ai peur de vous perdre coach »

Je m'apprête à ajouter « trouillard » à ma liste de défauts, mais le mot y figure déjà.

Le coach Richard répond :

« Tant mieux ! Cela vous sera plus profitable que de vous gavez de film d'horreur en imaginant que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Pour moi, vous allez sauter dans le vide et ouvrir les yeux, pour moi, vous allez vous battre. Ce qu'il vous faut, c'est une victoire, Georges. Vous avez quinze jours. Et n'oubliez pas de me communiquer la mise à jour de votre liste de défauts-qualités, continuez également d'engager la conversation avec tous ceux que vous croiserez. J'exige aussi que vous vous gifliez toutes les fois ou vous prononcerez un des mots interdits. C'est tout pour ce soir. »

Et sous les derniers mots de mon coach clignote la sentence : «Votre contact s'est déconnecté ».

Je suis seul.

A la télé, le croque-mitaine s'est enfuit, la môme Jenny étreint fort sa maman et pleure. Je me précipite pour les rejoindre et enlacer l'écran du téléviseur. C'est dur et froid, alors je gagne à nouveau la salle de bain et, face à mon reflet, je répète les incantations de maître Richard :

Je t'aime.

Je t'aime.

Je t'aime…

Dans le miroir, déjà mes larmes remplissent les cratères de mes joues : je sais que jamais je ne retrouverais cette fille.

Je dis :

Désolé.

Pardon.

Mille excuses.

Et je me gifle.

Trois fois.


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