Ecrits Vains, Largo de Senespo - L'écriture est mon métier

Jaime De Sousa

Tous les matins, le même rituel. Lever à 7h quelque soit l'heure à laquelle je me suis couché la veille, besoin naturel, petit déjeuner avec des produits loin de l'être, en tête à tête avec moi-même naturellement.

Je laisse intentionnellement le temps filer, retardant au maximum le moment où je devrais passer de l'autre coté de la table pour allumer mon PC, véritable arme de destruction sociale.

Séance de lecture pour éveiller le cerveau, écoute de la radio pour m'abreuver d'infos. Des morts, des scandales financiers, encore des morts, d'autres scandales politiques, 53 morts plus tard c'est enfin la météo, bienvenu sur France Info. J'éteins la radio, il est temps que je me mette à mon nouveau travail.

Il y a encore quelques mois, j'étais chauffeur de grande remise pour fortunes parisiennes. Non pas que j'aimais particulièrement ce métier, mais c'était un travail plutôt bien rémunéré, et surtout, cela me laissait du temps libre pour assouvir ma passion, celle que je porte pour l'écriture. A près de 30 ans je me suis dis qu'il était temps que j'essaye de me consacrer exclusivement aux Lettres. J'ai donc démissionné...je suis devenu écrivain...

Mon fait de gloire? Une sombre rédaction sur la première guerre mondiale lorsque j'étais en troisième. La prof l'avait lu à toutes ses classes, mon frère s'en souvient encore, il était fier...

Depuis ce jour marqué à jamais dans mon esprit, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à exploiter. Une quinzaine d'années de réflexions plus tard, je franchissais le pas...

L'écriture est devenu mon métier.

Multipliant les concours de Nouvelles dans l'espoir d'être publié un jour dans un recueil que personne ne lira, je dépasse souvent les délais imparti.

Pourtant je suis productif. Il n'y a qu'à ouvrir le fichier MES DOCUMENTS-MES NOUVELLES pour se rendre compte que je ne chôme pas. Au moins une quinzaine de titres sont répertoriés; sur ces quinze nouvelles, dix voient leur première phrase incomplète, quatre sont dotées d'au moins un paragraphe qui m'a nécessité plus de deux mois de travail acharné; il reste la dernière, celle de Chester Nivek, un ami écrivain qui me l'a envoyé pour que je la lui corrige.

L'écriture devait être mon métier.

Je ne désespère pas, je terminerai un jour quelque chose, apposant au bas de la page mon patronyme: Largo De Senespo. Si avec un nom pareil je ne réussis pas...

J'allume mon ordinateur, bois une tasse de café bien noire et ouvre tous les programmes nécessaires à mon entreprise.

Mes doigts connaissent par cœur le clavier, ils courent sur les touches sans jamais déborder sur les cotés, connaissant leurs limites. Je souris, tout se déroule comme prévu, j'ai bientôt fini de télécharger l'intégrale de Lost.

Je regarde ma montre. 9H15.

L'écriture deviendra mon métier.

En attendant, il faut bien vivre et assumer le loyer. J'ai donc trouvé un job plutôt mal payé, mais me laissant un peu de temps libre, je suis chauffeur pour personnes âgées.

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