Ecriture créative - 4/6
mysteriousme
Elle était hypnotisée par les figures kaléidoscopiques que formaient les résidus sortis de sa cuillère à thé au fond de sa tasse.
Le liquide s'assombrissait doucement, à mesure qu'elle faisait tourner la cuillère, entraînant derrière elle de longues volutes aquatiques et rousses.
Elle regardait fixement cette spirale infernale se faire et se défaire au fond de ce minuscule océan.
Elle arrêta son geste circulaire. On pouvait entendre sa respiration et le "tic-tac" de la pendule.
Le tourbillon cessa et finit par former un petit tas marron, compact, parfait.
Pyramide sous-marine éphémère et apaisante, construite dans le calme et le silence.
QUAND SOUDAIN...
La terre trembla.
"Encore une secousse !" se dit-elle.
C'était la septième ou huitième réplique depuis mardi dernier.
Elle ferma les yeux et respira posément. Son instant "cérémonie du thé" était plus important que les messages de la terre. Son ami Kim lui avait enseigné chaque étape. Toutes les ficelles, tous les gestes, toutes les postures, les tenues et les termes techniques. Il faut dire qu'elle l'avait supplié depuis longtemps, et dans toutes les langues ! Elle était tellement fascinée par ce rituel !
On ne faisait pas cela chez elle. On ne pratiquait pas cet art délicat. Il n'y a qu'en Asie que l'on a assez de patience pour regarder infuser des feuilles de thé. Elle sentit la porcelaine à nouveau vibrer, secouant l'eau qu'elle contenait, démolissant lentement le petit amas marron si parfait deux minutes plus tôt. "Tout est éphémère", prononça-t-elle sans même s'en rendre compte.
"l'Amour, la liberté... les séismes... Tout est éphémère."
Elle passa dans le couloir, remis une mèche derrière son oreille.
Dans le calme, elle rejoignit le patio, sa tasse fumante à la main. Elle la posa avec précision.
En levant le nez, elle admira le carré de ciel bleu qui s'offrait à elle. La Terre ne grondait plus. Elle ressentit un profond moment de gratitude.
Sous le cerisier en fleurs, elle décida de s'assoir en tailleur pour méditer un moment sur la passion et la paix en regardant cette voûte bleu clair.
On était un mardi.
On était sur une île japonaise.
On était sous un cerisier en fleurs dans un patio.
On buvait un thé noir qui ne demandait qu'à être dégusté après la cérémonie rituelle.
On prenait le temps de respirer, d'entendre le coeur de la Terre vrombir et faire trembler les murs.
On ne cédait pas l'ombre d'une seconde à une quelconque panique.
On prenait le temps d'éprouver de la gratitude et une profonde paix intérieure.