Effets de mes rides
Jean Claude Blanc
Effets de mes rides
21 avril, ce Saint Anselme
Evoque le nom de ma patrie
Archevêque de Cantorbéry
Quelle distinction pour Saint Anthème
« Aimer plutôt que d'être aimé »
Ne jamais perdre la charité
Putain de moine, sacré génie
Et pour nous-mêmes, du pain béni…
Né en l'an 1000, ce prieuré
Tas de maisons agglutinées
Hélas à la Révolution
Comme « Pont sur l'Ance », changé le nom
S'est agrandi au cours des âges
Mais finalement que des ravages
Alors pour être à la page
Plus prosaïquement, dans le paysage
Chante le coucou, son bon présage
Aujourd'hui fête des jonquilles
Personne s'y risque, tombe du grésil
A l'abandon notre village
Que des touristes de passage
Pas très heureuse cette traduction
Y'a ceux du bourg, dits « les pelots »
Ceux des montagnes, « les péquenots »
En fin de compte, conciliation
Comme le veut la tradition
N'ose pas vous dire mon opinion
Plus qu'un gros bourg, aux rues désertes
On s'y balade en pure perte
Que de baraques inhabitées
Marquées « à vendre » sur les volets
Joli plan d'eau pour vacanciers
Mais fait pas chaud pour s'y baigner
Ne dure pas longtemps l'été
Mieux vaut bronzer devant la cheminée
Résistent encore quelques bistrots
Mais le dimanche plus pris d'assaut
Qu'une belle église sans curé
Comment faut faire pour communier…
Dans les hameaux, plus que des vieux
Des éclopés au coin du feu
Qui disparaissent peu à peu
Des jeunes qui rendent leur âme à Dieu
On essaye bien, se mettre à la mode
Des vides greniers, pour faire des sous
On se débarrasse des vieilles commodes
Qui parait-il, valent plus un clou
Qu'une fois l'an, un gros marché
« Foire de la Croix », faut profiter
Se serrer la louche entre copains
S'en jeter un, au bar du coin
Quelques résidants, à l'occasion
Faute de terre, carré de jardin
Font pousser comme des champignons
Mas provençaux, chalets alpins
Tout barbelés, pas bons voisins
Nouvelle manie gagne le pays
Qui de ses forêts, en était fier
Ces sentinelles centenaires
Voilà-t-y pas qu'on les détruit
Plantées par nos valeureux pères
Subsistent encore, des téméraires
Qu'élèvent des chèvres pour pas cher
Même leur ferme, ils restaurent
En chambres d'hôte, rustique confort
Pour leur ardeur, sont mal servis
Ces auvergnats, ces durs à cuire
Pour leurs gamins, se font du souci
Partis en ville, pour quel avenir
Plus de prodigues, frais produits
Que des prairies à l'infini
Bonnes pour les vaches et les brebis
Où ne poussent que ronces, genêts, orties
Même les masures de nos ancêtres
Toutes se délabrent, donc les désertent
Les retraités, mieux à l'hospice
Choyés de télé, dames de service
Finalement, c'est pas plus mal
On s'y retrouve entre croulants
S'en racontant pour le moral
Ce qu'on a subi, la vie durant
Bourg et village, pour seul clocher
Voués à la même destinée
Une dernière fois, encore trinquer
A la faveur de la santé
Ce mois d'avril, morte saison
Souvent on a « les côtes en long »
De ces rhumatismes par tout le corps
Cadeaux du sort pour trop d'efforts
On s'en contente, cure de jouvence
Voir ces marmots, au bord de l'Ance
Jouer au ballon, pleins d'insouciance
En espérant, qu'ils aient la chance
Rester toujours en enfance
Sacré rebelle, ce Saint Anselme
Malgré syllabes estropiées
Pour moi, représente noble emblème
Bénédictin, même enragé
Est-il de chez nous, ce religieux
J'ai beau fouiller sur internet
Je n'y retrouve qu'un chef-lieu
Sa tour de la Roue, ce qui lui reste
Issu d'ici, peux me permettre
De les décrire nos bruyères
Fabulateur, suis passé maitre
D'élucider, tous ses mystères
Comme tous mes frères de ce pays
M'enorgueillis de cet ami
Archevêque de Cantorbéry
Qui honore toutes nos dynasties
Dernier en date, un camarade
Elevé Evêque, sans la parade
Pote de mon âge, du même patelin
Un Monseigneur, sacré destin
On cherche tous nos racines
Pour qu'on existe, faut que ça rime
On fait appel à l'intime
Qui quelquefois, nous fait un signe
On veut tellement marquer l'Histoire
De nos réussites, s'en faire une gloire
Nous illusionne la mémoire
Mais vraiment bon, pour nous vantards
21 avril, effets de mes rides
Je consulte mon éphéméride
Comme par miracle, jour de clarté
Sûr que j'irai fumer les prés
Empoussiérer mon châtaignier JC Blanc mai 2016 (aimer plutôt que d'être aimé…)