effraction

On ne m'a rien volé, ni bijoux car je n'en ai jamais eu, ni portefeuille. Mais ils ont visité la maison pendant que j'enterrais mon père. Ils ont tout cassé, fracturé, éventré, fouillé, retourné, évalué, soupesé. Ensuite ils ont hésité, trié et éliminé, pour finalement repartir sans rien garder.

La maison est dévastée. J'en pleure. Aujourd'hui non seulement j'ai perdu mon père mais mes souvenirs sont là qui jonchent le sol, des lettres, des photos, mes carnets. Mes amours, mes peines sont parterre piétinées par de grosses semelles boueuses.

J'ai mal de voir ça.

Rien ne manquera mais tout est parti.

La porte de ma maison était peinte en vert. Elle montre maintenant une large blessure de bois blanc éclaté. Elle bat à tous les vents.

Sur la table de la cuisine une boite de maquereaux et la paire de tenailles qui a servi à l'ouvrir, des restes de pain, une bouteille de vin blanc qu'ils ont vidée cette nuit.  Ils avaient tout leur temps, la maison est isolée. Ils se sont servis.

Des petits bouts de papier déchirés, des cahiers d'école des enfants, des petits fragments de ma vie tourbillonnent dans un courant d'air froid et silencieux.

Dans l'armoire de la chambre des parents ils ont passé leurs grosses pognes sous les piles de drap blanc de ma mère et tout jeté au sol.

Au village le maire et les gendarmes m'ont dit que c'était sûrement des gitans. En tous cas pas des gars du pays.

Pourquoi chez moi ? Pourquoi aujourd'hui ? Le hasard ? Pas forcément. Il paraît qu'ils se renseignent sur les enterrements et choisissent pour cambrioler  le jour et l'heure où toute la famille est au cimetière.

Moi c'était pas compliqué j'étais seul derrière le corbillard.

Aujourd'hui est un jour noir. J'ai perdu mon père et des salauds sont entrés dans notre maison fourrant leur nez morveux dans ma pauvre vie.

Grand bien leur fasse. Ils ne me voleront pas mon chagrin.  Ça je le garde pour moi.