EFFUSIONS URBAINES

Effusions urbaines

Vu depuis ma motocyclette, voici deux jours à peine rue des Francs-bourgeois :

Un homme d’un certain âge, disons entre cinquante huit et soixante deux ans, portant beau, s’apprête à prendre congé d’une femme, la petite quarantaine mais fraîche encore (avez-vous remarqué, c’est une parenthèse, qu’on ne dit pas un homme “ entre deux âges ” ?).

L’homme et la femme se font la bise, donc, puis se séparent avec force sourires et gestes de la main. Quels liens les unissent ? me demandé-je sous mon casque. Est-ce son mari ? Est-ce sa maîtresse ? Est-il son patron ? Est-elle sa secrétaire, ou bien sa soeur, ou bien encore une amie ?  Des questions d’assez peu d’intérêt, il est vrai, mais j’attends que le feu passe au vert.

Le spectacle de cette effusion ordinaire me touche cependant et je me prends à philosopher. Se quitter, se retrouver, que fait-on d’autre dans la vie, au fond ?

Pendant quelques secondes encore, je suis des yeux la jeune femme qui arrive à ma hauteur et là, oh surprise ! son visage se défait en une vilaine grimace. “ Quel con ! ” l’entends-je marmonner.

Par réflexe alors, je regarde l’homme qu’elle vient de quitter. Celui-ci se retourne justement, secoue la tête en soupirant et je crois lire sur ses lèvres “ Quelle conne ! ”.