Eh bien dansez maintenant

damephoenix

Sujet imposé : la danse. [13.06.17]

Une pièce. Beaucoup de gens s'affairent à se saluer, se complimenter... Les flatteries, les boniments, les potins s'emballent de toutes parts, si bien que l'on entend a peine les premières notes d'une musique...

Dans un coin encore sauvé du monde, une femme attend. Immobile. Le néant dans le regard. Elle s'ennuie. La musique, soudain lui arrive... Une flamme s'allume dans ses pupilles. Le cou se tend naturellement. Le dos se redresse progressivement. Dans un instant ce ne sera plus elle mais son corps et la musique.

La terre tremble. Imperceptible pour ceux qui ne sont pas habités. Elle le sent dans ses pieds, qu'elle commence à claquer discrètement en rythme. Les ondes remontent doucement le long de ses mollets, de ses cuisses. Les hanches commencent à se mouvoir telles un serpent. Hypnose. Certains convives la guettent du coin de l'œil. Tous n'attendent qu'une chose.

Qu'elle emporte l'air dans ses mouvements.

La musique s'élance, et son corps avec. Chaque parcelle de peau et de tissu s'organisent dans un subtil ballet. L'esprit a déserté. Il ne s'agit plus de penser. Le corps a ceci de merveilleux ; il exprime. Il montre. Ostensiblement. Ostentatoire parfois. Elle danse. Les yeux clos et la bouche entrouverte. Elle ferme les yeux sur ce qui l'entoure. Il n'y a plus que son corps. Et la musique, toujours. Elle la mime, elle lui donne consistance et étale ses mouvements sous les regards des invités. Que le corps est beau. Qu'il est créatif. Qu'il est vivant. Elle danse.

Elle semble fouetter l'air de sa crinière, le brasser de ses bras, le bercer de ses hanches et le fouler de ses jambes. Habitée, elle s'enflamme à chaque pas, à chaque mesure. Elle se fout pas mal d'animer la soirée, tant qu'elle, est animée. C'est le bas ventre qui joue les chefs d'orchestre. Tout vient de là. Danser c'est donner vie. Danser c'est s'accoupler. Danser c'est jouir.

Qu'elle fait trembler l'espace, cette femme aux mouvements graciles et tribaux à la fois, angélique dans ses rondes et démoniaque dans ses cambrures. Elle crève l'immobilisme de la pièce, elle brise le néant. Elle donne l'envie. L'envie de tout pourvu quz le corps parle. Que le corps cri. Que le corps chante.

Les notes s'affolent, son corps s'emballe. Extase du creshendo, elle accélère, elle tremble, elle emmène dans sa transe tout ceux dont le regard se pose sur son corps. La vue de Méduse changeait en pierre. Elle, la vue de son corps mouvant changeait en foyer ardent.

Les cheveux volent, les mains se frôlent, les jambes s'élancent, le buste se cabre. Plus que jamais animale, plus que jamais humaine. Transcendance. Le morceau se termine en bouquet final et la danse soudain s'arrête. Le silence. L'immobilisme à nouveau.  Elle reprend conscience de ce monde qui l'entoure. Sans gloire ni honte, elle reprend son verre et bois une gorgée, le regarf apaisé mais la poitrine encore affolée sous l'effet d'un souffle délicieusement court.

Les invités reprennent leurs conversations et leurs fadeurs. Mais tous en tête garderont l'image de cette femme, qui comme une Esmeralda se fit ensorceleuse, qui comme une sheherazade leur offrit une part de conte et de magie, qui comme une femme leur offrit la vue du corps qu'ils ne pourraient que deviner au travers du tissu qui volait, virevoltait et se froissait a chaque mouvement.

Un homme quitte la foule. S'approche de la jeune femme. Le regard a nouveau empli de néant, elle ne le vit pas arriver. Elle n'entendit que trois notes lointaines et une voix qui demanda, teintée d'envie : "vous dansez ?" elle leva le regard. Croisa le sien. Les flammes dans leurs yeux se répondirent.

Et sans même qu'elle en prenne conscience, sa nuque commençait à se tendre de nouveau... 

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