Elément perturbateur - Episode 4

nat28

La suite de cette histoire a besoin de vous ! N'hésitez pas à voter !

"Est-ce qu'il y a un restaurant ou un café dans le coin ?" lui demanda la jeune femme, qui semblait agacée par son mutisme. La question l'arracha à ses réflexions et l'obligea à se concentrer sur son environnement proche. Il reconnut une parfumerie dans laquelle il achetait son après-rasage et un fleuriste spécialisé en plantes exotiques. Ils étaient donc au premier étage du centre commercial. Si ses souvenirs ne lui jouaient pas des tours, il y avait au même niveau une brasserie, sur leur gauche, et un fast-food, à leur droite. Aucun de ces établissements n'étaient visibles depuis l'endroit où il se trouvaient. Gauthier réfléchit pendant une seconde et répondit : "Oui, il y a un bistrot par là-bas".

 

Le jeune homme avait besoin d'une pause. Et d'un café pour réveiller son cerveau qui semblait anesthésié par la situation. Un petit truc à manger pourrait également être le bienvenu. Courir le ventre vide avait épuisé Gauthier. Il se dirigea vers la gauche, entraînant à sa suite la jeune femme qui jetait des coups d'œil inquiets autour d'elle. On aurait pu croire que la situation s'était soudainement inversée : elle doutait, et lui savait exactement où aller.

 

La brasserie était desserte et l'unique serveur dût sortir de sa léthargie matinale pour s'occuper des deux clients qui s'installèrent à une table éloignée de l'entrée. La jeune femme cherchait un coin calme et ne souhaitait pas être vue par les clients de la galerie commerciale. Elle consulta rapidement la carte et commanda un café, une omelette, et une salade de fruits. Gauthier fit de même, afin de se remplir l'estomac et d'absorber la dose de caféine nécessaire à la remise en marche de ses fonctions cérébrales. L'employé de la brasserie s'étonna un peu du contenu de leur commande, plutôt inhabituel au milieu de la matinée, puis il se dit que ses premiers clients dominicaux faisaient sans doute partie du club des bruncheurs. Il leur apporta une corbeille de pain et une petite motte de beurre pour les faire patienter en attendant que la cuisine, qui venait juste d'ouvrir, honore leur commande.  

 

La jeune femme avait toujours l'air inquiet et elle regardait autour d'elle en permanence. Elle semblait plongée dans ses pensées et Gauthier n'osait pas lui parler, alors même qu'il avait mille questions à lui poser. Qui était-elle ? Que voulait-elle ? Pourquoi avait-elle débarquée brusquement dans sa vie ? Et comment connaissait-elle son nom ? Le jeune homme la dévisagea une nouvelle fois et fouilla dans sa mémoire pour déterminer si elle ne se cachait pas dans un souvenir enfoui dans un recoin de son hippocampe. Il était plutôt doué pour se rappeler les prénoms des gens qu'il rencontrait et pour retenir le contexte dans lequel s'étaient déroulées ces entrevues. Sa capacité à mémoriser tout et n'importe quoi lui était très utile lorsqu'il enquêtait sur un crime. Associée à son sens de l'observation acéré, cette faculté lui permettait de remettre en place les pièces du puzzle que constituait chaque affaire à laquelle il avait été mêlé.                


Dans le cas auquel il était confronté ce jour là, il manquait à Gauthier trop d'éléments pour qu'il puisse émettre des hypothèses quand aux motivations de la jeune femme. Il devait lui parlait et lui soutirer un maximum d'informations. Le jeune homme attendit que le serveur dépose deux tasses fumantes et deux assiettes garnies d'une omelette baveuse et d'un petit tas de salade peu avenant sur la table pour entamer la discussion.

"Vous habitez dans le quartier ?"

L'entrée en matière était totalement décalée et légèrement ridicule au vu des circonstances, mais Gauthier n'avait pas eu d'idée lumineuse pour lancer la conversation. L'incongruité de cette question n'avait pas échappé à la jeune femme qui se figea, la fourchette à quelques centimètres de sa bouche ouverte, et qui le fixa avec un air perplexe. Il enchaîna pour éviter un blanc qui aurait pu réduire à néant sa tentative de dialogue.

"C'est un peu bête... Si vous habitiez dans le coin, vous connaîtriez ce centre commercial... Excusez-moi, je suis un peu perturbé, je n'ai pas l'habitude de me faire entraîner dans une cavale sur les toits par une inconnue. Surtout avant d'avoir pris mon petit déjeuner !"

Il accompagna cette dernière remarque d'un petit rire, dans une tentative désespérée de briser la glace. Toujours aucune réaction de la part de la jeune femme, qui n'avait pas bougé. Le morceau d'omelette qu'elle avait eu l'intention d'ingurgiter pendouillait sur sa fourchette, menaçant de retomber dans son assiette. Gauthier saisit sa tasse de café et en but une gorgée pour se donner une contenance. Cette petite pause dans la pathétique conversation qu'il avait tenté d'amorcer permit à la jeune femme d'enfin commencer à manger.


Le jeune homme attaqua lui aussi son omelette, qui était un peu fade et qui manquait de cuisson. Peu lui importait, il avait faim et il aurait avalé n'importe quoi pour calmer les appels incessants de son estomac. Après quelques bouchées, il repartit à l'attaque, en étant plus direct.

"On se connaît ? Désolé de demander ça, mais je ne me souviens pas vous avoir croisée avant ce matin..."

La jeune femme leva les yeux au ciel, but un peu de café, et dit :

"Non."

Se rendant compte que sa réponse laconique ne suffirait pas à satisfaire la curiosité de son interlocuteur, elle poursuivit :

"Non, nous ne nous connaissons pas. Pour être plus précise, je dirai que moi, je sais qui tu es, mais que toi, tu n'as aucune idée de qui je suis."

Gauthier fronça les sourcils, perdu face à cette explication qui n'en était pas vraiment une.

"Comment est-ce possible ? Je ne suis pas célèbre ! Vous m'espionner ? Vous me suivez dans la rue ? Vous avez épluché mes messages sur les réseaux sociaux ? Et pourquoi moi ? Je suis juste un étudiant lambda, qui vit dans un deux pièces à Paris, qui sort le samedi soir avec ses amis et qui rentre chez ses parents pendant les vacances scolaires...  Je n'ai rien de spécial ! "

"Vraiment ?"

La jeune femme avait lancé cet adverbe avec un sourire en coin, ce qui eut pour conséquence de déstabiliser le jeune homme.

"Quoi ? J'aurais un truc en plus qui vous aurez mis sur mon chemin ?"

"On peut dire ça."

"Et je peux savoir ce que c'est ?"

"Eh bien, au hasard... Ta capacité assez exceptionnelle à résoudre des enquêtes criminelles, par exemple ?"

Gauthier eut un nouveau mouvement de surprise et lâcha sa fourchette en constatant que la jeune femme était au courant de son statut de détective amateur. Il essaya de retrouver une contenance en attrapant un morceau de pain et en le découpant en petits morceaux avant de répondre :

"Ah, ça ? Je suis persuadé que des tas d'anonymes sont capables d'en faire autant..."

"Et bien moi, je suis sûre du contraire."

"Quand bien même... Vous avez besoin que je résolve un crime ? Vous savez, vous auriez pu vous contenter de frapper à ma porte pour me demander de l'aide, plutôt que de la défoncer... D'ailleurs, je peux savoir pourquoi la Police vous courait après ce matin ?"

"Ce serait un peu compliqué à expliquer... Et puis ce ne sont pas vraiment tes talents d'enquêteur qui m'intéresse... Ca aurait été le cas si je n'avais pas été plus rapide que les flics, ce matin, et encore, je n'aurais plus vraiment été concernée par tes investigations... Même si j'en avais été le sujet principal."

 

Gauthier ne comprenait rien à de ce que la jeune femme racontait. Ses propos étaient confus mais elle ne semblait pas vouloir être plus claire.

"Vous avez commis un délit quelconque ? Je vous avouerai que, ces derniers temps, je me suis un peu spécialisé dans les crimes violents, alors j'ai un peu peur de ce que vous pourriez m'avouer..."

"C'est sûr que le temps des vols de trousse est bien loin..."

Comment pouvait-elle être au courant pour cette histoire ? Gauthier était de plus en plus perdu.

"Ne t'inquiète pas, je n'ai tué personne, et je ne compte pas le faire, à moins que les circonstances m'y poussent. Je ne suis pas une personne violente, Gauthier, je suis juste une fille qui a besoin de ton aide, ici et maintenant."

La jeune femme plia une feuille de salade à l'aide de sa fourchette et de son couteau, l'avala, et la mâcha lentement.

"Mais en quoi puis-je vous aider exactement ?" demanda Gauthier, en cherchant à débloquer la situation. Son interlocutrice déglutit et répondit :

"Difficile à dire, en fait. La situation est aussi floue pour toi que pour moi... Et je sais que tu n'aimes pas te retrouver dans une position sur laquelle tu n'as aucun contrôle. Si ça peut te rassurer, sache que moi aussi, je subis totalement ce qui est en train de se passer. "

  

Gauthier était de plus en plus perplexe. C'était comme si la jeune femme avait eu accès à ses souvenirs et à son ressenti le plus intime, ce qui était inconfortable au plus au point. Le jeune homme se sentait vulnérable, comme mis à nu par une parfaite inconnue. Cette dernière le tutoyais comme s'ils étaient proches et il s'avérait que rien ne pouvait la déstabiliser. Le jeune homme lança alors :

"Vous vous rendez compte que vous semblez tout savoir à mon sujet, alors que je ne sais même pas comment vous vous appelez ?"

"Tu veux connaître mon prénom ? C'est

 

1 : Mary Sue

2 : Jane Doe

Signaler ce texte