Elise. Toute une histoire.

elixir

Elise, 14 ans et petit rire de fée ensorcelant qui vous donne presque le tournis, tant il est magique.


Elise, comme une rose insouciante en train de fleurir. C'est  la douceur, c'est beaucoup d'éclats de rire avec elle (et grâce aussi à elle, il faut bien l'avouer). Pourtant, un jour elle m'a prise dans ses bras en riant et elle m'a dit : 


- Dis, tu crois qu'un jour je serai capable de dire des choses sérieuses ? Dans un grand bureau, avec des petites lunettes et noyées de chiffres et de collègues tout aussi austères ?


Elle avait rigolé.


- Moi je crois que j'en serai tout bonnement incapable ! 


Et on avait contemplé le ciel, silencieuses et pensives, presque incapable d'effectivement l'imaginer. Puis elle avait commencé à prendre un ton sombre.


- Il me reste si peu de temps pour vivre... Non pas que je compte mourir. Mais je veux dire, pour vivre en ressentant. J'ai l'impression que quand on devient plus grand, ce qu'on veut c'est nous empêcher d'éprouver. Toi il t'es invisible parce que tu es dedans, mais moi je vois le cadre obsédant, injonctant formellement de travailler. Plus tard, je ne pourrais plus faire des tartes à la pomme avec ma maman. Plus courir dans les champs avec toi. Plus flâner les longs après-midi d'été en lisant. Je devrais travailler, m'y consacrer. Et j'arrêterai de rire autant, d'aimer la vie. 


Elle soupira.


- Mais je refuse tout simplement d'y rentrer sans sentiment. Le cadre est immense, mais il y a des coins cassés : c'est là que j'y ferai ma niche. Je veux vivre pour être heureuse et je veux que mon travail me rende heureuse. A quoi bon travailler si ça ne nous fait pas sourire ? 


Elle m'avait sourit et avait dit "téhéhé".


- Tu voudras être heureuse avec moi, plus tard, dis ? 

- O...Oui. Bien sûr mais... Moi, les chiffres, j'aime bien... A l'école, il n'y a qu'en maths où j'ai de bonne notes, je suis moyenne pour le reste.


Elle avait sourit :


- T'es vraiment bizarre ! Moi c'est les langues que je réussis, les maths... beeeurk.

- Bah oui, les maths c'est plus que très bien. Puis moi je passe pas tous mes soirs à lire un livre avant de dormir après tout.


Elise était devenue toute rouge.


- C'est pas ma faute, si dans ma famille tout le monde aime lire... 


Et c'était vrai. Dans la famille d'Elise, tout le monde lisait. Le père, la mère, les frères et les soeurs. La bibliothèque était remplit de noms compliqués comme "Tocqueville, Lovecraft, Jules Verne, Socrate". Mais aussi des romans pour tout âge, des j'aime lire, des mickeys, des bd, des contes de fées et même des mangas. Elise me lança un regard noir.


- Plus tard, si tu deviens trop sérieuse à cause de tes chiffres je te taperai sur la tête et je te rappellerai que tu avais dis que tu serais heureuse avec moi.


*18 ans plus tard*


Elise, jeune mère de famille regarde son dernier dessin. Elle retouche un peu les couleurs. Elle désespère parce qu'elles ne conviennent toujours pas à ce qu'elle avait prévue. Elle ajoute des filtres, changent les tons, rien n'y fait. Elle commence à angoisser sérieusement, la "dead line" approchant. Elle entend la porte claquer, c'est sa moitié qui rentre.


- CE DESSIN VA ME RENDRE DINGUE. BON SANG. FOUTU METIER A LA NOIX AVEC DES FOUTUES DEMANDES TOUT AUSSI... AAAAH, JE N'AI PAS DE MOT TELLEMENT C'EST DEBILE.


- Chérie, ma petit chérie. Calme-toi !

- Oh toi, avec tes "calmes-toi" et tes "ma petite chérie"... Tu me fais bien rire.

- Mais tu l'aimes ton métier, non ?

- Mais oui ! Bien sûr que je l'aime, triple buse !


Elle lâcha enfin sa souris pour faire pivoter son siège et me regarder droit dans les yeux. 


- Où est le problème alors ?

- LE PROBLEME ? S'IL N'Y EN AVAIT QU'UN SEUL ! Ils me rendent folle, folle, FOLLE ! C'est à en perdre de la tête. D'abord les dead lines sont tout à fait irraisonnables, c'est délirant d'à quel point on nous demande de travailler vite. Ensuite, c'est les couleurs qui ne me vont pas, ce n'est pas satisfaisant, optimal ou tout ce que tu veux. J'ai besoin de faire mieux, ce n'est pas assez créatif et joli. Regarde-moi ces couleurs ! C'est déprimant. Vraiment.


Soupir de ma part. Il parait que l'hémisphère droit du cerveau concerne les émotions mais aussi la sensibilité artistique et est donc très utilisé par les artistes... Tandis que les personnes utilisant plus la logique formelle utilisent plus l'hémisphère gauche qui est plus rassurant. Contrairement au droit, qui est bien plus instable. Pas étonnant que je me tape régulièrement ses crises de nerfs pendant que je reste calme, en gros. 


- Oui chérie. Je vois, c'est horrible, dramatique. 


Regard méchant de sa part.


- Ne. Te. Moque. Pas. De. Moi.

- Moi me moquer ? Jamais, tu me connais !


Nouveau regard noir appuyé par des sourcils froncés.


- Je t'aime chérie, tu sais ? 


Un grommellement insatisfait de sa part, la méthode des sentiments marche toujours avec elle. Elle grogne vaguement un moins aussi. Je souris. Je m'approche doucement d'elle, derrière elle je glisse mes mains sur son cou. Je touche ses lobes d'oreille que je masse délicatement. Puis je descends le long de sa nuque en appuyant un peu plus sur mon index que sur les autres doigts. Je sais qu'elle adore ça, avec un rythme précis et une certaine pression... Elle en a presque à coup sûr des frissons. Je sens un petit frémissement de plaisir qui l'agite. Je descends un peu plus mes phalanges vers son dos, je griffe délicatement sa peau du bout de mes ongles. Pas au point d'en laisser des marques, mais juste assez pour la déconcentrer durablement.


- Et si tu faisais une petite pause puisque maintenant je suis là ? 


Soupir d'Elise.


- Et dire qu'il y a je ne sais combien d'années... Quand on était au collège, c'était moi qui te demandait d'être heureuse avec ton travail.


Clignement d'oeil précipité de ma part, j'étais surprise. J'avais un peu oublié la scène, mais il me semblait voir de quoi elle parlait. Elle ria doucement.


- Au final, c'est toi qui l'es, d'heureuse ! Et c'est moi qui te fait courir de droite à gauche... Oh là là, qu'est-ce que j'ai pu dire comme bêtise avant ! 


Je souris, serrant doucement mes mains sur sa taille.


- Mon amour... Tu es, vraiment, délicieusement, adorable. Ton petit rire... Aaaah, il est magique. Je m'en lasse pas, même après tant d'années ! Je peux te l'assurer, si je suis heureuse c'est avant tout grâce à toi. Bien sûr, mon travail me satisfait énormément dans la mesure où je suis déjà heureuse. Mais je ne t'avais pas... Je pense qu'il ne me procurerait même pas un 1/6 ème de ce que je ressens actuellement. Rigoles si tu veux mais tu es ma petite fée et sans toi je serais perdue et froide... Je t'aime.


J'ai réussi mon coup : mes mains contournent les épaisseurs de pulls pour se glisser contre son corps... Je les remonte doucement : objectif sa poitrine. Quelques centimètres et ce sera la bonheur assuré, allez, j'organise un modeste rush mesuré (sinon ce sera le refus). 


- Non. La petite est en train de lire son livre, mais la connaissant elle voudra sûrement que tu lui lises une histoire avant de dormir. Vas la voir et on continuera ça plus tard, d'accord ? Il me semble aussi qu'elle a besoin de tes conseils pour "son petit amoureux". Elle avait dit ça en souriant, sa malice pétillait jusqu'à ses yeux.


Elle enlève gentiment - mais fermement - mes mains de sa taille (enfin, à ce stade ci ce n'est plus vraiment sa taille mais le résultat est le même). M'embrasse avant que j'ai le temps de protester puis comme pour m'achever, retourne à son ordinateur.


- En plus, j'ai du travail à terminer.


Grand coup final, adversaire K.O, drapeau blanc de la capitulation déployé.

Je peux vous le confirmer, on dit vraiment des bêtises quand on est jeune. Et en particulier sur le travail...

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