"Elle"

Christian Lemoine

spéciale dédicace à une demoiselle
Ils organisent le credo de la connaissance, ces épisodes vécus. Des instigateurs, des falsificateurs. Car il n'est rien au-devant d'eux. Cette expérience ! Quelle expérience ? Route à défricher, toujours. Toujours ; l'inconnu devant soi. Le su ne sème que du passé. Ainsi, nulle sérénité, aucune trace qui te rassure. Tu ne dévisages jamais que tes propres cicatrices. Et tu ne peux sentir dans ta chair que le réveil de tes plaies. Grands ouverts tes yeux sur le vide, tu gis, allongée raide et froide dans ce cercueil putride, morte et vivante. Fragments, détails. Boursouflure comme un kyste débordant de la tombe, planète noire et unique dans ton ciel. Et c'est là. Sur ta gorge. Ce poids morbide qui ravage ton sang, c'est « elle ». Contre la coque fracassée, l'estoc du rostre perforant, c'est « elle ». C'est « elle », la vague alourdie qui te submerge. Couchée sur le flanc, carcasse éventrée. Débris, épaves. Chaque vibration, le moindre frémissement du roc, tous tes nerfs en sont échauffés. Lors, en rêve d'absolution : l'immobilité ultime, l'effacement de l'être. Où « elle » ne pourra plus t'atteindre. Quelle légèreté ! si tu pouvais te soustraire à toi-même. Evacuer ainsi le souci de toi et des autres. Sans récompense aucune. Pas même la lubie de « son » remords pour ton épitaphe. Imagine-toi l'inversion des polarités. Car l'épiphanie de la beauté, sais-tu ?, sera de ne plus méconnaître que l'épanoui ne « lui » est pas redevable. Ton épanoui, tu le verras, sera sans « elle », malgré « elle ». « Nulle n'est morte pour moi. » Tu ne seras pas « son » épitaphe.
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