Elle et lui (La Rencontre Acte 1)

flemingrob

Texte écrit avec Lexique Bleu (elle)

Acte 1 : Elle et lui.

Elle :
Loin, prendre la fuite, oublier un instant mes responsabilités et ne prendre que le meilleurs de ces prochains jours...

Le réveil vient de sonné, c'est aujourd'hui, le grand départ, notre première fois à deux, des minutes, des heures, des jours et des nuits contre toi, plus aucunes contraintes que nos vies nous imposent, plus de reproches et du temps, enfin du temps.

Un café, une clope et vite une douche.

Je veux être celle que tu retrouves lors de nos confessions secrètes, je veux être celle qui te fait attendre et trépigner d'impatience, celle que tu crains tout en la désirant et celle que tu as hâte de retrouver chaque jour en allumant ton ordinateur.

Je veux, je suis, peut être ou pas.

Je prends le temps de m'habiller, choix difficile pour une première rencontre, tenue chic, tenu sexy, ou tenue décontractée. J'opte pour un jean, un pull col en V et mes sandales à talon.

Un peu de mascara, d'ombre à paupière et une touche de parfum.

Je suis prête, j'ai le compteur émotionnel réglé à moins 15, j'ai chaud, j'ai froid...

Un sms: Je serais là dans 20 mn....

Lui :
Une phrase. Une simple phrase banale tapée sur un clavier derrière un écran.

Une réponse. Magie des caractères lumineux qui s’affichent !

Un échange. Les mots se bousculent, les personnalités se cachent et se dévoilent … Une connivence se met tranquillement en place. La vie est un jeu. Bonheur simple de la nouveauté.

Un plaisir. La découverte de l’autre est palpitante. L’imagination bat son plein : la douceur d’un visage, les formes harmonieuses d’un corps, le velouté d’une peau… Une image virtuelle se dessine dans son esprit. Beauté et magie des rêves.

Un besoin. L’allumage frénétique de l’ordinateur avec l’espoir de découvrir ses mots, ses réponses, les nouvelles bribes de sa personnalités qu’elle va bien vouloir dévoilée au détour d’un paragraphe, les allusions oniriques de promesses de plaisirs au détour de quelques phrases…

Une drogue. La voir, la rencontrer, mettre enfin une dose de réel sur cette illusion virtuelle qui le ravage à longueur de temps ces derniers jours.

Il se lance. Elle accepte. Une boule se forme au creux de son estomac. Demain sera le grand jour.
Il ne dort pas. Les images défilent dans sa tête formant un film aux multiples facettes des moments rares de la future découverte.

Le soleil se lève enfin. Le jour J. Ne pas réfléchir, ne pas psychoter, ne pas s’emballer. Il est prêt !
Changement de support, pianotage rapide sur l’écran miniature du téléphone, le message est parti : « Je serais là dans 20 minutes ! »

Elle :
20 minutes...

C'est long et c'est court 20 minutes.

Là, devant l'écran de son Blackberry elle relit "Je serais là dans 20 minutes"...

Voilà, elle tremble, elle a peur, elle est prise d'une angoisse irraisonnée et si.

Elle reprend ses esprits, prépare son sac, un dernier regard dans le miroir, enfile sa veste et attend le ventre noué qu'il se gare devant la maison.

Il est là, dans sa voiture, il regarde dans le rétroviseur, il a l'air serein, plus que moi c'est certain, je viens de faire un bond de 20 ans en arrière, je me revois adolescente, là planté devant la maison familiale attendant celui qui allait m'embrassé pour la première fois...

Que ressent-il à cet instant ?

Là en le voyant arriver devant la porte d'entrée j'ai su que je ne pourrais plus faire demi tour, je ne pourrais pas prétexter un appel téléphonique et couper court à notre rendez-vous comme l'on peut parfois, lorsque les mots nous touchent derrière nos écrans respectifs fuirent , impossible d'éteindre l'écran, l'ordinateur.
Je me souviens de notre premier échange, froid presque distant, de nos premières phrases, de nos premiers sourires et pour la première fois je vais entendre sa voix, voir son regard, son véritable sourire, sentir sa peau, ses mains peut être ou pas, je vais me délectée de tout ce qu'il ne m'a encore dit, de toutes ses choses qui font que certaines rencontres vous marquent, au fer rouge, à jamais quoiqu'il arrive, toi tu sera dans ma mémoire et moi inscrit dans la tienne.

Il est là et mon cœur s'emballe...

Lui :
Audacieux. Le compte à rebours est lancé. Aucun défilement n’est plus possible. Vingt minutes ! Il n’a pourtant aucune idée de la durée du trajet à destination de cet endroit pourtant proche mais où la routine ne le mène jamais. Force des habitudes.

Nouvel écran. Adresse. Calcul de temps de parcours. Départ vers l’inconnu. Ses mains sont moites. Merde !

« Tournez à droite »

Des champs, des hameaux, des villages, des bosquets… Des paysages quasi inconnus défilent sous ses yeux rêveurs. Où se situe la frontière entre le rêve et la réalité ?

« Tournez à gauche »

Les kilomètres défilent à rebours sur le GPS. 20 kilomètres, le combat contre l’absence de réflexion devient vain. 15 kilomètres, la boule au creux de l’estomac se contracte à nouveau. 10 kilomètres, les inévitables existentielles questions sur les tenants et les aboutissements de ce délicieux périple apparaissent. 5 kilomètres, la peur l’envahit, une goutte de sueur perle sur son front.

Trouveront t-ils les mots aussi facilement que derrière la protection d’un écran ? Leur belle connivence sera-t-elle toujours présente ? Sera-t-il à la hauteur de ses attentes ?

Il pousse un cri animal qui emplit rapidement l’habitacle de la voiture. Soulagement.

« Vous êtes arrivés »

Une forme bouge derrière le voilage d’une fenêtre. La certitude de sa présence à l’attendre. Impossible de reculer. Il coupe doucement le contact. Une derrière inspiration, ses yeux se ferment un instant, sa tête bascule sur l’appuie tête… Recherche du vide dans une longue expiration ! Il ouvre doucement la portière. Ses mains tremblent un peu. Il enfile lentement son blouson. Illusoire tentative dans la quête d’un calme intérieur.

Quelques pas. La porte d’entrée se dresse devant lui comme un dernier barrage vers le monde réel. Ses doigts cognent délicatement. Les jeux sont faits…

Elle :
C’est avec le sourire qu’elle ouvre la porte, une non pas une mais deux bises, il a l’air surprit, presque étonné, peut être s’attendait-il à ce qu’elle ce jette sur lui et qu’elle l’embrasse. Elle ose à peine le regarder, elle est tellement émue par cette rencontre qu’un baiser serait à cet instant inapproprié. Elle veut du temps pour le regarder, elle veut du temps pour entendre sa voix, elle veut du temps de lui, de ses mots, de ses regards, de ses sourires, elle le veut lui et ne rien perdre de ces heures à venir.
Les jeux sont faits… La voiture démarre en direction de sa maison de campagne…

Il lui a proposé tout un weekend, de pauses cafés, de « dolce farniente », de crêpes au sucre et de toutes ces petites gourmandises dont il et elle raffolent tant.

Elle a accepté sans aucune hésitation, un week-end au calme, loin des tumultes de sa vie, loin de tout mais avec lui, celui qui partage ses réveils matins et ses pauses cafés.

Enfin ils sont réunis, enfin ils se regardent, enfin il connait l’odeur de son parfum.

Le trajet lui paru une éternité, il y a eu quelques mots échangés, quelques regards timides et discrets, de tendres sourires et un premier contact peau à peau…

« Peau, tu es ma peau,
Je vais éloigner les innocences, je vais te laisser grandir, pousser, je vais prendre racine en toi tu as besoin de lumière et de mes ombres, tu vas m’ensemencer, me nourrir de ta sève uniquement, bientôt, déjà, et m’arroser de toi à heures régulières, il me faut des habitudes mais toi tu n’en sera jamais une, et te donner à manger ces morceaux de moi et à boire ma sueur et tes larmes, je vais t’offrir des rêves sans te les reprendre, je vais te nettoyer te frotter, ta peau va rougir puis partir tu seras alors vraiment neuve, te respirer des goulées d’air de moi à toi directement dans ta bouche dans tes poumons, te border chaque soir sous ma peau à moi et veiller à ce que tes paupières se ferment, je vais demander et obtenir, ou obtenir sans demander. »

Un trajet qui m’inspire de toi, de moi et ce peut être nous que je rêve parfois…

Lui :
La porte s’ouvre poussant définitivement le virtuel dans le caveau du passé. Timidité et gène des premiers instants. Une bise ? Deux bises ?, Trois bises ? Quatre bises ? Un baiser ? Complexité des rituels simples selon les us et les coutumes !

S’abandonner, lâchez prise. Les premiers mots sont échangés. Simples, sans fioriture. Des nouvelles sonorités l’envahissent formant une mélopée inconnue à ses oreilles. Sa voix est douce, agréable. Premières sensations de réalité, l’histoire débute.

« Tu veux un café ? »

Acquiescement sous forme de raclement de gorge. Ses yeux clairs, ses cheveux sombres, l’esquisse d’un tatouage discret au creux de son décolleté balayent tel un tsunami les impressions plates des images sans vie de son écran d’ordinateur. Il la suit dans les dédales de cet endroit inconnu voguant de couloirs en cuisine. Faiblesse masculine, ses yeux se portent intuitivement vers les parties charnues de son anatomie. Formidablement moulées dans son jean. Parfaitement surlignées par la finesse de sa taille. Le plaisir des yeux le transportent en quelques instants vers d’oniriques contrées.

« Assied toi. Tu prends du sucre ? »

Mélange d’intensité et de suavité avec une légère pincée d’acidité, la première gorgée d’arabica force le barrage de sa bouche pour envahir son corps. Encore troublé par l’émotion de sa vision, son imagination l’embarque à nouveau… périple sensuel vers le goût salé de sa peau, vers la légère amertume de sa salive, vers la texture moite de ses fluides… Un bruit de tasse le ramène brusquement au présent. Retour brutal sur terre. Mouvement sec de la tête. Ses yeux azurs le fixent. Il lui sourit.

« Un petit week-end à la campagne, ça te dit ? »

Acceptation immédiate. Retour dans la voiture, son parfum prend possession de l’espace le temps d’un clin d’œil. Mélange fruitée et frais d’une sensualité extrême. Quelques notes d’agrumes et une légère touche de vanille pense t-il reconnaître. Dans les silences complices de l’habitacle, l’atmosphère est douce. Propice même à quelques effleurements, par exemple pour attirer l’attention de l’autre sur d’insignifiants détails du paysage qui défile sous leurs yeux.

« Regardes… »

D’une bizarrerie esthétique à l’horizon, elle profite pour poser sa main sur la sienne. Réunion délicate en lascive autour du pommeau du levier de vitesse. Décharge électrique immédiate. Regards tendres. Il le sait maintenant, ce n’est plus un jeu, il est définitivement tombé sous son charme. Dans le monde réel, cette fois !

Le panneau indicateur du hameau de destination se matérialise après un ultime virage.

« Nous sommes arrivés ».

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"Elle et lui" sur l'album Rêve Générale d'Agnès Bihl (2009)

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