Elle était terne Elle (elle est eternelle) concours !
Laurent Moreau
Synopsis
Bienvenue dans le monde de tous les jours d’une adolescente lambda. Une jeune fille, pas trop chiante mais pas très drôle, parfois cynique, souvent triste mais rarement seule.
Bienvenue dans le monde d’un pseudo-ange, imbu de sa personne. Un être sans âge, mauvais comme tout, devant accomplir sa mission s’il ne veut pas se retrouver à trier des nuages.
Bienvenue dans une rencontre explosive, aux clichés surmontables et à l’humour pas si fin que ça.
Bienvenue dans la vie de tous les jours, où un grain de sable gros comme votre pouce peut vraiment foutre la merde.
Bienvenue à vous, bienvenue à l’invisible fainéant derrière vous et bonne lecture.
Chapitre 0 :
Il fait nuit, la lune coupée en quatre pour notre œil (loi astronomique), ressemble à s’y tromper à un croissant (loi gastronomique), les étoiles, sans gène, se permettent un petit coup de zèle et brillent tout en essayant de crier « c’est moi la plus belle » (cependant vous remarquerez que les étoiles n’ont pas de bouche). A part ces quelques lumières naturelles éclairant le noir du ciel bleu, rien d’autre semble illuminer cet endroit. D’un autre coté il est plus de deux heures du matin, et vu que l’on est au milieu d’une forêt, il est donc normal que rien ne soit allumé. Rien d’intéressant ici, je m’en vais.
Désormais il fait jour mais je ne suis plus du tout dans une forêt, plutôt une chambre. Vu la hauteur du soleil, et en fonction du réveil digital posé sur la table de chevet, il doit être environ 9h22, cet endroit est totalement vide et bien rangé :
- chambre ordonnée, quelques peluches sur les étagères, lit au carré, calendrier avec des fleurs, un vieux poster de chiots qui est là depuis la préadolescence. Conclusion numéro 1 : Fille ou Gay.
- Livre de physique chimie anatomie, classeurs remplis de notes, des crayons rangés par couleur, rongés par stress. Conclusion numéro 2 : études de médecine
- Bob Dylan, Ben harper, Bob Marley, Jeff Buckley, Cat Stevens, Janis Joplin, … Conclusion 3 : Hippie !
J’aurai bien fait tout l’inventaire et la description intensive de cette chambre, mais la flemme est plus forte que la raison. J’attends donc son arrivée et je vous préviens dès que j’en sais un peu plus.
Elle fait quoi ? Il est plus de 17 heures, elle ne rentre jamais chez elle ? Ce n’est pas que j’ai autre chose à faire, mais je suis ici pour bosser moi. J’ai une mission, même si je ne la connais pas encore. Dans l’attente, je vais en profiter pour me présenter, vous devez bien vous demander qui est cette personne étrange qui passe ses nuits dans la forêt et qui rentre chez les gens sans se faire inviter.
Autant vous le dire de suite, je ne suis pas un homme. Je suis un être invisible parmi tant d’autres offrant le bonheur aux gens (du moins en théorie), on peux m’appeler la destinée, l’espoir, la magie ou la chance. Mais en fait je ne suis rien de tout cela, je suis plutôt un peu de tout cela. Autre chose importante : la hiérarchie n’existe pas seulement dans votre monde, j’ai moi aussi des comptes à rendre, et en ce moment je suis dans la merde. A chaque fois que l’on me donne une mission, j’échoue lamentablement. Je fais tout de travers, dès que j’essaie d’offrir un destin digne de ce nom, je le détruis. Oh oui, j’en ai gâché des vies ! En me nommant à ce poste ils se sont trompés et je crois qu’ils sont en train de s’en rendre compte.
Car cette fois ci, c’est la dernière fois, si j’échoue je disparaîs, je n’ai plus droit à l’erreur. Si je rate, je suis foutu, et je vous le dis il n’y a pas de vie après la mort de l’espoir… Mais n’en parlons plus, il faut que je me concentre sur ma mission, que je prouve que j’ai ma place en tant que bonheur. Pour cela, je dois savoir qui est ce client, et pour cela je dois le voir, et pour cela je dois savoir. Donc on est revenu au point de départ. Bon… j’attends.
Ce matin, le soleil était au rendez vous, j’ai même eu l’impression que pour une fois il me souriait, mais avec la journée, les nuages sont apparu, avec eux la pluie, conclusion évidente de cette transformation météorologique : MERCI CATHERINE LABORDE.
A part le temps qui pleure à ma place, on peut dire que ma vie journalière a été on ne peu plus monotone. Je me suis levée sur les coups de huit heures, j’ai pris un déjeuner sans goût, comme si ce croissant était aussi fade que la lune, puis je suis parti à ma fac où les cours d’amphi sont aussi ennuyeux qu’ils sont incompréhensibles. Puis petite pause repas où j’ai avalé sans grande passion un thon crudités pas frais, je me suis assoupie quelques minutes en espérant me réveiller dans une autre vie, malheureusement un crétin a renversé son plateau repas et m’a réveillé en sursaut. Puis les cours ont repris, pour ne s’arrêter qu’à la nuit tombée. Mon bus a eu 3 minutes de retard ce qui est peu, sauf pour une personne comme moi qui pense que la vie manichéenne n’existe pas, tout n’est pas blanc ou noir selon moi tout aigri.
S’en suivent vingt minutes de marche dans la campagne profonde, près d’une route où les voitures se font rares, et où le vent s’est mis comme par magie à se décupler (comme s’il n’avait pas remarqué qu’aujourd’hui je n’avais pas mis de jupe). Puis 18 heures a sonné je suis rentrée chez moi, trempée, déprimée, fatiguée mais arrivée.
Vous pensez sans doute que je suis de celles qui râlent sans raison, le genre de fille déprimée qui croit que la vie s’acharne sur elle, le genre de personnes qui croit que personne ne l’aime, qui imaginent que dès qu’un nuage est au dessus d’une ville c’est pour elle. Et bien vous n’y êtes pas du tout, enfin vous n’êtes pas dans le mille. J’ai des amis et des amies, je souris parfois et même si je suis réservée il m’arrive de sortir et de faire la fête, au risque de vous choquer il m’arrive de temps en temps d’avoir des petits amis, de les embrasser et même de faire l’amour. Je me sens presque heureuse quand mes amis sont à mes côtés, et pourtant, il me manque un truc, je me sens fade, comme si la glace que vous mangiez était allée se congeler puis se décongeler puis se recongeler et cela une bonne quinzaine de fois, laissant la couleur, l’aspect et un ersatz de goût, mais ne donnant pas le parfum pour lequel vous avez payé. Oui je me sens fade, tout a disparu, tout n’est plus qu’illusion.
Deuxième point primordial : ne croyez pas que cette noirceur d’esprit soit là depuis toujours, j’ai 24 ans, je suis en troisième année de médecine et j’ai un passé derrière moi. La joie de vivre, les sourires sans raison, les pleurs de joie, les odeurs rappelant à Madeleine l’odeur d’un prou(s)t, le plaisir d’une discussion, le bonheur d’une situation, le mal a l’aise comique d’un quiproquo, tout cela je l’ai vécu, tout cela je m’en souviens et tout cela je l’ai perdu. Mon enfance a été la plus belle du monde, des parents formidables, des amis toujours présents, des vacances de rêve à la plage ou à la montagne, et cela sans donner aucun détail. Mon adolescence ? Toujours pareil pas de soucis, peu de crise d’enfant solitaire qui se voit grandir, pas de « je fume pour être grande », pas de boutons d’acné, peu de tristesse d’un premier amour. Puis est venu l’âge d’être adulte. Toujours pareil, aucun problème, quasiment 20 ans et toujours cette joie ce bonheur, cette envie d’être moi. Et pourtant il a bien fallu un déclic, une crise, un problème, oui il y en a eu un. Mais je n’ai pas le courage d’en parler. Je m’en vais sur mon lit, je vais me reposer, passez une bonne soirée.
Mais à qui écrit-t-elle ça, sait-elle que je suis là ? Elle veut me mâcher le travail ? Pourquoi raconte-t-elle son histoire à son ordinateur ? De quoi veut-elle se libérer ? C’est toujours pareil, on me donne une mission et on ne me dit même pas en quoi elle consiste. « Tu devrais savoir qu’en tant que parcelle de bonheur, ta seule mission est de redonner joie et espoir », non mais attendez, ils sont malins, et je fais comment moi sans information, elle va me péter dans les doigts la gamine, il me reste combien de temps avant que son esprit terne fasse de moi un espoir déchu ?
Curiosité, mon amie, tu es la bienvenue en ce jour, vu qu’elle est assoupie sur sa couette, il ne me reste plus qu’à plonger dans ses fameuses lettres cachées dans son ordinateur, entre des formules de chimie barbantes et des jeux vidéos stupides. Allons voir si les autres jours sont plus gais…
Un jour d’automne pas si lointain :
Dehors le temps est magnifique, les feuilles roussissent comme si une teinture orangée tombait du ciel, le froid se glisse petit à petit dans le quotidien des villes, l’automne c’est avant tout la fin de l’été, les souvenirs qui disparaissent le boulot qui revient et le froid qui attaque la peau. Evidemment je n’ai pas oublié, je ne sais pas si un jour je pourrai en parler, je n’arrive même pas à me l’écrire à moi-même alors en parler aux autres… Quand je pense que même mes parents ne savent pas dans quel état je suis, comment ai-je pu laisser faire ça ? Je suis sûre que j’aurais pu faire quelque chose, mais quoi ? Un sujet tabou au fond de moi et devant je fais comme si de rien n’était. Voilà encore une fois, j’écris une lettre sur mon ordinateur pour essayer de me soulager, combien de temps cela va-t-il me hanter ? Si une personne lit un jour ces lettres, s’il existe une divinité supérieure qui a les yeux partout, et qui en ce moment se penche sur mon épaule, je lui demande une énième fois de l’aide. Je ne veux pas oublier, je veux comprendre, et pourquoi pas réparer.
Sur ces paroles répétées maintes et maintes fois sur de l’encre électronique, je m’en vais déguster un repas digne de ce nom, je crois que ce soir j’ai droit à un rôti de bœuf avec des patates au four, il y a parfois des bon cotés dans les longs jours d’automne.
Léa
(La suite au prochain rendez-vous)