ELLE ne veut pas

blanche-dubois

la suite de "Il veut"

Après "il veut", elle ne veut pas. Doit-elle vraiment se déshabiller ?

Je ne me déshabillerai pas. Je ne me mettrai pas nue des pieds à la tête. Sous la lumière crue. Je ne le ferai pas. Je suis libre de disposer de moi-même. Je n'ai pas de tabous. Je suis assez riche pour ne pas devoir. Assez c'est assez. Assez que sensualité ou féminité soient si délimitées à un territoire. Celui appartenant à un décor, à un paysage à prendre définitivement et seulement pour une carte postale.

Je ne me déshabillerai pas, je ne me mettrai pas nue parce qu'il veut ou il dispose. Juste pour le plaisir ou des plaisirs. Juste parce que c'est nécessaire. Juste parce que c'est comme çà. Juste parce que c'est une convention. Ou alors parce que c'est pour échapper à une autre convention. Que sais je ? Je ne me déshabillerai pas pour ne pas être traitée de prostituée, fille de joie, sorcière. Je ne me déshabillerai pas pour être traitée de femme, j'entends une idée du plaisir. Pourtant individu et indivisible par nature. Un coup ceci, un coup cela. Mais jamais une.

Je ne me déshabillerai pas au risque de passer pour une coincée. Les coincées sont celles qui obéissent, qui se mettent à quatre pattes et attendent. Coincées justement. L'attente est insupportable. Il faut agir, se mouvoir jamais rester telle que. Le plaisir est comme le salut, il ne se présente pas à vous comme çà. Il faut être en marche. Le "réinventer". Donc aucune posture, aucune position, c'est ma décision. Je veux être un manteau de chair pour me protéger et ne pas être seulement observée. Sur le calendrier des pompiers, sur une télé dite réalité. Pas la mienne. Factice. Être une énième pin-up. Factice. Je ne sais pas ce que cela implique. Une image factice. Derrière des écrans, des images de ces soirées libertines, où tous se déshabillent aussi. Car c'est amusant de se livrer, partager des photos ou la chair n'est plus un manteau mais une triste et chaude chair, un peu moche, un flou, un peu grasse. Un manteau qui ne veut rien dire. Non, je ne préfère pas. Non je ne veux pas. Je ne veux pas faire grise mine. Je ne veux pas faire et me défaire. Mettre tout à l'envers. Qu'on prenne les choses de travers.

Je ne me déshabillerai pas parce qu'il y a multiples possibilités. Pas les siennes. Stéréotypées. Être mobilisée, ne plus subir. Être indéfinissable. Ne pas trahir aussi. Avoir le droit d'être dans le mensonge le plus secret. Laisser imaginer. Laisser planer un malaise ou devenir une aura. Rester digne de ne pas être oubliée pour un corps mal soigné ou ayant trop subi. Mais cela il ne le verra pas. Rester digne et anéantir le temps où il était grand temps de sauter dans un lit et d'avoir à faire par la suite un saut direct dans le vide. Ce vide qui m'a étreint et qui m'a fait dire que je n'aurai pas du. Sauf si j'ai laissé quelques empreintes. A perpétuer dans le temps. Si j'avais pu entrevoir cette possibilité chez lui. Mais il n'y en a pas donc ne pas se mettre nue : Non ! Sinon je me tue. Je fais ce que je veux. Si cela vient de quelque part, il se doit que cela vienne aussi de moi. J'ai la pleine liberté de dire oui ou non.

Je ne me déshabillerai pas. Je juge, je connais des limites et pourtant je reste femme jusqu''au bout du bout de la chair de mes dix doigts. Seule la nature ne connait pas les limites. On ne peut donc rien faire contre elle. Ils ne pourront rien faire contre moi. Le patron, même si je serai rétrogradée, mal vue, sanctionnée abusivement, abusée contractuellement, incomprise ou jugée stupide de ne pas avoir essayé. Parce que j'aurai plutôt tout à y gagner qu'à y perdre. L'époux, au risque d'être mise à la porte le lendemain, d'être obligée de loger à l'hôtel, de perdre un niveau de vie, un standing, un confort. Parce que j'aurai plutôt tout à y gagner qu'à y perdre. L'amant, au risque d'être frappée violemment, de le perdre, d'être insultée ou humiliée, de finir seule. Parce que j'aurai plutôt tout à y gagner qu'à y perdre. L'inconnu réel ou virtuel, au risque d'être violée et battue, de me perdre, de perdre tout court, ayant eu l'espoir de gagner un quelconque et possible amour ou argent si j'étais obligée de le faire pour çà. Oui çà, Hélas.

L'homme post-moderne n'a rien à gagner, rien à perdre. Déshabille toi. Mets toi nue sous la lumière crue. Un homme qui n'a aucune croyance. Aucune conviction à part maintenant, ici. Déshabille toi sous la lumière crue. Un homme pour qui un corps peut être tout mais aussi rien. Mets toi nue. Un homme poétique le matin, un homme vulgaire le soir. A poils ! Un homme qui se cache derrière ses écrans tactiles de la vie normale. Pourquoi n'aurais je pas le droit de me cacher et ne plus exister aux yeux de ces écrans ? Le droit au bonheur de ne plus être qu'une image, qu'une silhouette à capter, à attraper. Un homme postmoderne qui rit ou pleure. Peu importe qui perd, qui gagne. Qui ne sait pas ce qu'il perd ou ce qu'il gagne. Un homme libre de disposer comme une propre marchandise. Libre d'y toucher. Libre de la faire frémir. Même si cela lui paraitra complètement absurde d'être à mes côtés une fois fini. Et moi, malsain d'avoir pu frémir d'un homme sans qualités. Enlève tout. On s'en fout. La ritournelle du non sens. Non, je ne veux pas. Je ne me déshabillerai  pas.

Signaler ce texte