Éloge au plus près du sol (réédition)

Fionavanessabis

Il ne faut pas s'astreindre à une oeuvre, il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l'oreille d'un ivrogne ou d'un mourant. Emil Cioran



Toucher terre m'aura montré comment ne sous-estimer personne

Ne pas jeter le même regard défiant que par ignorance on me jeta

Laisser la médisance et la palabre stériles à d'autres

Remonter mes manches et faire un geste après l'autre,

Remettre cent fois le métier sur l'ouvrage,

Femina humilis,

Ne plus poser de questions,

Et mettre  mon être en cuisine.

Goûter la grâce de l'instant,

Regarder les étoiles et me rappeler

Combien elles enchantent, combien je suis petite,

Et combien est risible l'éventail infini des envieux.

Et me réjouir de ces petits riens si pleins que tu m'offres,

toi qui veillas sur mes jours bien avant

que je sache balbutier et crayonner un mot, dix mots,

toi qui me redressas quand mon dos était prêt

à céder tant il était courbé

toi qui me murmuras, fais un pas, chante, danse, et après tu verras

tu savais qu'un pas en amène un autre

et me voilà soucieuse de mériter ma peau sur les os,

Mon souffle dans la poitrine

Avant de trépasser.

Qui serais-je pour juger du mérite d'un autre,

eût-il une barbe de cent jours

eût-il une bague à chaque doigt

Qui serais-je pour manquer de murmurer un mot simple à ton oreille,

Frère assis, soeur prostrée, et te rappeler

que tu n'es pas seul dans la lutte,

pas seule à plier sous le poids,

que tu as comme moi le germe de toutes les grandeurs en toi.

Je n'ai que mon coeur et mon sourire

Mais ils m'ont portée en des rivages plus sereins

Je n'ai que mes deux yeux et mes deux bras

Mais je ne suis pas plus aveugle ni manchote qu'une autre

Glissent sur moi les mots creux

Glissent sur moi les colères

Glissent sur moi les peurs

Et si je pleure parfois

Cela me lave le regard

Et si je m'éteins parfois sous le poids d'une autre journée

Demain je naîtrai

Demain mon regard brillera

Demain je retrouverai les âmes chères à mon coeur

L'écho de leurs murmures à mes oreilles

Et je me ferai leur écho aimant

Infiniment

Et j'imaginerai Sisyphe heureux.


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