Éloge au plus près du sol (réédition)
Fionavanessabis
Toucher terre m'aura montré comment ne sous-estimer personne
Ne pas jeter le même regard défiant que par ignorance on me jeta
Laisser la médisance et la palabre stériles à d'autres
Remonter mes manches et faire un geste après l'autre,
Remettre cent fois le métier sur l'ouvrage,
Femina humilis,
Ne plus poser de questions,
Et mettre mon être en cuisine.
Goûter la grâce de l'instant,
Regarder les étoiles et me rappeler
Combien elles enchantent, combien je suis petite,
Et combien est risible l'éventail infini des envieux.
Et me réjouir de ces petits riens si pleins que tu m'offres,
toi qui veillas sur mes jours bien avant
que je sache balbutier et crayonner un mot, dix mots,
toi qui me redressas quand mon dos était prêt
à céder tant il était courbé
toi qui me murmuras, fais un pas, chante, danse, et après tu verras
tu savais qu'un pas en amène un autre
et me voilà soucieuse de mériter ma peau sur les os,
Mon souffle dans la poitrine
Avant de trépasser.
Qui serais-je pour juger du mérite d'un autre,
eût-il une barbe de cent jours
eût-il une bague à chaque doigt
Qui serais-je pour manquer de murmurer un mot simple à ton oreille,
Frère assis, soeur prostrée, et te rappeler
que tu n'es pas seul dans la lutte,
pas seule à plier sous le poids,
que tu as comme moi le germe de toutes les grandeurs en toi.
Je n'ai que mon coeur et mon sourire
Mais ils m'ont portée en des rivages plus sereins
Je n'ai que mes deux yeux et mes deux bras
Mais je ne suis pas plus aveugle ni manchote qu'une autre
Glissent sur moi les mots creux
Glissent sur moi les colères
Glissent sur moi les peurs
Et si je pleure parfois
Cela me lave le regard
Et si je m'éteins parfois sous le poids d'une autre journée
Demain je naîtrai
Demain mon regard brillera
Demain je retrouverai les âmes chères à mon coeur
L'écho de leurs murmures à mes oreilles
Et je me ferai leur écho aimant
Infiniment
Et j'imaginerai Sisyphe heureux.