Eloge de la flemme
Jean Claude Blanc
Eloge de la flemme
On court comme des malades, tellement, on est en lutte
Avec la trotteuse, les heures, les minutes
En dépassant les bornes, faut bien, qu'on s'exécute
Le sens de nos pas, n'a plus le moindre but
Je profite de ma flemme, pour aller prendre l'air
Jouir du soir qui tombe, et des derniers éclairs
Le soleil déclinant, sur verte sapinière
Jamais, je suis lassé, de l'extraordinaire
Les néons des cités, estompent les étoiles
Et même sur les femmes, on a collé un voile
Les prudes culs bénis, vont se trouver à poil
Les chantres du progrès, ont bien tissé leur toile
Les yeux écarquillés, on quête l'espérance
Un terme fourre-tout, qui rime avec souffrance
Ceux qui atteignent la grâce, connaissent pas leur chance
Candide illusionniste, on me taxe d'outrances
La soif d'entreprendre, réflexe ou bien prétexte
Pour taire ses frustrations, d'être pas grand seigneur
Je demeure perplexe, de nos fichus complexes
N'être pas reconnus, à notre juste valeur
Les humains s'ingénient, à tous se diviser
Les blancs, les noirs, les gris, ne veulent pas s'accorder
Pour reconnaitre enfin, qu'ils perdent l'avantage
Ceux qui tiennent les rênes, se prennent pour des rois mages
Pas le temps de respirer, de bouffer, de s'aimer
S'attendrir sur son gosse, qui attend son baiser
Bosser, n'y a que ça, pour changer les idées
Pour régler le loyer, les impôts et les prêts
Le chemin du bonheur, est un réseau brouillé
Plus on se précipite, plus s'éloigne l'horizon
Celui de la réussite, ne reste qu'illusion
Seule solution, « pour vivre heureux, vivons cachés »
On marche aux objectifs, à s'en prendre la tête
Impossibles à atteindre, c'est là que se gâte
Si t'es pas performant, la dépression te guette
Suicidaire société, qu'on ne peut plus combattre
Ma petite philosophie, me la suis concoctée
A force de faire banquette, chez mon psy attitré
J'avale la pilule, pour ma raison, garder
Les sombres machinations, j'en rigole désormais
Mon truc, c'est la paresse, pour fausser compagnie
A ce système truqué, piqué d'hypocrisies
J'aborde mon sentier, consultant le décor
Sans boussole, sans calcul, sans carte d'état-major
Je me suis mis en route, c'est déjà pas si mal
Faut pas me bousculer, ça me mettrait en rage
Vouloir me commander, ça parait très risqué
Laissez-moi trainasser, où me mènent mes pieds
Je suis par trop maniaque, faut s'y habituer
Dés fois fais volteface, à mes contrariétés
Que c'est bon d'être seul, à faire ce qui me plait
La Terre peut s'arrêter, vais pas la relancer
L'essentiel, c'est d'agir, sans penser à demain
Satisfaire ses envies, et surtout d'avoir faim
De vivre dans l'instant, sans croire aux augures
Oublier le passé, sans attendre le futur
Horreur des chronomètres, les pendulettes à l'heure
C'est pourquoi, chaque instant, flemmarde avec ardeur
Du lièvre, de la tortue, j'ai choisi ma monture
Je veux bien progresser, sans passer la mesure
La morale paysanne, me monte au cervelet
« Qu'importe quand, on part, trainer ou galoper
Ce qui compte avant tout, c'est d'arriver entier »
Les ingénieux énarques, devraient s'en inspirer
J'ai pris la décision, ne plus rien décider
Me laisser balloter, au gré de mes humeurs
Ceux qui sont pas contents, les laisse me doubler
On se retrouvera, au rendez-vous des pleurs
D'arriver bille en tête, tu parles d'un exploit
J'emprunte, quand ça m'arrange, les versets de la Bible
Parait que les derniers, sont premiers pour la foi
Je trouve ça excitant, parier sur l'impossible
Je m'étais endormi, rêvant sur mes lauriers
Autour de ma flemme, s'agitent des obligés
Des zélés serviteurs, qu'ont rien dans la ciboule
A force de courir, leur mémoire se défoule
Demain n'est que chimère, la vitesse nous enivre
On fait tout à la fois, on bosse, on bouffe, on baise
Les robots concurrencent, nos vaines énergies
Un jour viendra le jour, qu'on va tous en subir
Pour moi pas de malaise, ma douce flemme, m'apaise
JC Blanc avril 2020 (brin de philo à cent balles)