Eloge de la simplicité du verbe
Clémentine Garnier
Dans la vie d'un auteur, l'inspiration est un rendez-vous inattendu, qui tel le grand amour, sonne à la porte lorsqu'on ne l'attend pas et qu'on traîne en jogging dans son salon.
Avec les années, on apprend à aller chercher l'inspiration, les émotions, les sensations qui nourriront la réflexion créative. Voire à la provoquer. L'inspiration peut venir de partout : elle vous attend dans le geste d'une femme qui serre son enfant contre elle dans le métro, dans la graphie d'un générique de cinéma, la citation d'ouverture d'un roman. Chaque auteur peut trouver dans l'œuvre d'un autre artiste du matériel pour initier la sienne, en renforcer certains aspects, imaginer un éclairage différent. Que l'on aime ou que l'on aime pas, d'ailleurs, comme William Faulkner le souligne avec son élégant cynisme.
“Read, read, read. Read everything -- trash, classics, good and bad, and see how they do it. Just like a carpenter who works as an apprentice and studies the master. Read! You'll absorb it. Then write.”
La question n'est pas vraiment de lire ou voir « ce qu'il faut », l'important est d'être capable de saisir l'écho que la sensibilité d'un autre réveille chez nous pour en tirer de la substance pour l'écriture.
Par exemple, j'ai découvert il y a peu le film « Un homme très recherché », d'Anton Corbijn, avec Philip Seymour Hoffman dans le rôle principal. Que l'on aime ou pas les films d'espionnage, les intrigues tortueuses et les trahisons à gogo, cette adaptation de John Le Carré traitée avec une froideur classique mérite le détour pour la pureté de la narration.
Chaque auteur est à la recherche de la phrase juste, de l'émotion évidente : le grand Seymour Hoffman en donne un exemple maîtrisé. Avec trois expressions, des phrases de quatre mots maximum et une cigarette collée au bec pendant deux heures, il parvient à nous émouvoir et nous attacher à ses fêlures. Son personnage obscur, bouffé par son passé, manipulateur, attire le film à lui comme une couverture et suffit à faire oublier l'idéalisme gnagnan d'une jeune avocate et les ressorts lourdauds du film avec plein-d-espions-qui-espionnent-des-gens-gentils-ou-mechants-qui-sait-et-qui-s'espionnent-aussi-entre-eux au point qu'on en perd son latin. Le réalisateur l'a-t-il pensé ? Hoffman l'a-t-il voulu ? Mystère.
Ce qui demeure pour l'artiste attentif, c'est la recherche de la simplicité, le geste qui en dit plus long qu'un dialogue de dix minutes, la manière de jeter une cigarette qui épargne un pensum sur les états d'âme du héros. Plutôt que la recherche de l'effet de manche qui impressionnera le lecteur, ce film est une invitation à débusquer les trois mots qui trouveront son cœur sans passer par la case cerveau.